Le chaulage

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Le contenu qui suit est issu de :

Oeuvre originale : Weill, A. et Duval, J. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

Révision : Weill, A., Legault, G., Bergeron, E., Méthé, A., La France, D., St-Arnaud, R., Roy, J., Khanna, R. et Gagné, G. (2022).

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Le chaulage est un facteur déterminant du rendement des cultures et de la qualité des sols. Le calcium jumelé à un bon pH permet d’optimiser les cycles biologiques et d’améliorer la structure du sol. Au Québec, la plupart des sols sont naturellement acides et ont besoin d’être chaulés. En effet, les précipitations importantes occasionnent des pertes de calcium par lessivage. En outre, d’autres facteurs tels que les pluies acides, l’activité biologique et l’utilisation de certains engrais tendent à acidifier le sol.

Produits chaulants

La chaux

La chaux agricole (carbonate de calcium ou CaCO3) peut être calcique, magnésienne ou dolomitique selon sa teneur en magnésium (Tableau 1). Normalement, la chaux calcique doit être utilisée, sauf lorsque la quantité de magnésium à l’analyse de sol est inférieure à 150-200 kg/ha. Dans ce cas, il faut utiliser de la chaux magnésienne ou dolomitique afin d’apporter du magnésium. Comme mentionné dans la section précédente, Les analyses de sol, un apport important de chaux dolomitique pourrait toutefois augmenter le risque de carence en potassium si le sol est pauvre en potassium et si une fertilisation adéquate en potassium n’est pas prévue.

Dans les sols très légers et à la reprise d’une terre abandonnée, le magnésium peut être à un niveau très bas (moins de 100 kg/ha). Il faut alors préférer la chaux magnésienne ou dolomitique à la chaux ordinaire (calcique). Alternativement, si l’analyse de sol révèle un pH élevé (supérieur à 7), mais que le sol est pauvre en calcium, on pourra considérer des apports de gypse. Le gypse est plus coûteux, mais a l’avantage d’apporter du calcium sans augmenter le pH.

Les chaux peuvent aussi se distinguer par leur finesse (voir plus bas Norme BNQ). La chaux fine a une action plus rapide que la chaux traditionnelle. Certaines chaux sont granulaires; leur action est plus lente que la chaux traditionnelle en poudre.

Tableau 1. Teneurs en magnésium des différents types de chaux

Types de chaux % de carbonate de magnésium

(MgCO3)

% de magnésium

(Mg)

Chaux calcique 0-4,9 0-1,4
Chaux magnésienne 5-19,9 1,4-5,7
Chaux dolomitique > 20 > 5,7

La chaux hydratée (hydroxyde de calcium) et la chaux vive (oxyde de calcium) sont interdites comme amendement de sol dans la norme biologique canadienne. Elles sont toutefois autorisées pour lutter contre les maladies des végétaux et comme produit nettoyant, désinfectant et assainissant.

Cendres de bois et autres produits

Plusieurs produits chaulants sont disponibles sur le marché. La plupart d’entre-eux sont des sous-produits industriels qui ne sont pas autorisés en agriculture biologique. Il est important de demander l’autorisation à l’organisme de certification avant d’utiliser un nouveau produit comme amendement de sol. Les cendres de sources végétales ou animales sont permises par la norme biologique.

Les cendres de bois peuvent être utilisées à petite dose pour ajuster le pH des sols. Les cendres apportent plusieurs éléments fertilisants dont le phosphore, le potassium et certains éléments mineurs. Le calcium est sous forme d'oxyde de calcium  (CaO), qui est extrêmement caustique, et non sous forme de carbonate de calcium (CaCO3). Elles ont un pH très élevé et un pouvoir chaulant important, supérieur à la moyenne des chaux. Leur action pour modifier le pH est rapide.

Selon Majeau et al. (2013), il est recommandé de mettre une dose de 0,7 t/ha et de ne pas dépasser une dose de 1,5 t/ha.

Les cendres qui ont été éteintes avec de l’eau (un processus courant avec les cendres industrielles, mais pas forcément utilisé avec les cendres de poêle à bois) sont moins caustiques et sont utilisées à des doses beaucoup plus importantes avec de bons résultats (Hébert et Breton, 2008).

Il est fortement suggéré de suivre l’évolution du pH des sols 6 à 12 mois suivant l’application de chaux ou de cendre, avant de faire d’autres applications et éviter d’excéder la cible de pH eau de 7,0.

Caractéristiques de la chaux

Indice de valeur agricole de la chaux

Le pouvoir chaulant de la chaux est déterminé par son IVA (indice de valeur agricole). Cet indice prend en compte la finesse de la chaux et la pureté de la chaux et permet de calculer précisément la quantité à appliquer pour corriger le pH d’un sol selon le produit utilisé. La formule pour déterminer l'IVA est :


IVA = ECC * E

ECC = équivalent carbonate de calcium pur (pouvoir neutralisant)

E = efficacité (mesure de finesse)

Norme BNQ

La plupart des chaux vendues au Québec possèdent une norme BNQ (Bureau de normalisation du Québec) qui garantit sa pureté et sa finesse. La chaux fine contient 65 à 100 % de particules plus petites que 0,15 mm, a une IVA d’au moins 72 % et une teneur en eau d’au plus 5 %.

La chaux traditionnelle contient 40 à 65 % de particules plus petites que 0,15 mm, a une IVA d’au moins 65 % et une teneur en eau d’au plus 10 %. Les principales caractéristiques de la chaux doivent être indiquées sur le bon de livraison.

Les résultats des analyses de pierre à chaux par carrière sont disponibles sur le site du Bureau de normalisation du Québec.

Calcul des besoins en chaux

Les besoins en chaux se calculent avec le pH tampon. Le tableau 2 donne les valeurs de chaux à ajouter selon le pH désiré pour les sols minéraux.

Selon les types de chaux et la carrière, l'indice de valeur agricole (IVA) est différent et la dose inscrite au tableau 2 doit être ajustée pour connaître la dose réelle à appliquer. Par exemple, dans un sol minéral à pH tampon de 6,7, pour atteindre un pH eau de 6,5 avec une chaux ayant une IVA de 82 % et un taux de matière sèche (MS) de 96 %, la démarche est la suivante:

  1. Déterminer la dose nécessaire de chaux pure à 100 % d’IVA et 100 % de matière sèche :
    2,2 t/ha (voir le tableau 2)
  2. Corriger la dose en fonction des valeurs d'IVA et de MS réelles :
    Dose de chaux ajustée (t/ha)
    = Dose de chaux standardisée (t/h) / (IVA réelle (%) * MS réelle (%))
    = 2,2 t/ha  /  (0,82 * 0,96
    = 2,79 t chaux/ha

Un ajustement pour la profondeur d’enfouissement peut aussi être nécessaire. Par exemple, si la chaux ne devait être enfouie que sur 10 cm plutôt que 17 cm, il faudrait mettre :

Dose de chaux ajustée (t/ha)
= Dose de chaux pour 17 cm (t/ha) * (Profondeur réelle (cm) / 17 cm)
= 2,79 t/ha * (10 cm / 17 cm)
= 1,64 t chaux/ha

Tableau 2. Besoin en chaux en t/ha des sols en fonction du pH tampon (SMP) et du pH visé1 pour de la chaux pure (0 % humidité2), selon la catégorie de sol et la profondeur de la couche de sol à neutraliser

pH-tampon pH visé

sol minéral (17 cm)      

pH visé

sol organique (20 cm)

5,5 6,0 6,5 5,4
t/ha de chaux ayant une IVA de 100%

et une MS de 100%

6,7 1,1 2,0 2,2 -
6,5 1,5 3,0 4,0 -
6,3 2,3 4,2 5,8 -
6,1 3,4 5,6 7,8 0
5,9 4,9 7,3 10,0 0
5,7 6,8 9,3 12,2 3,4
5,5 9,0 11,5 14,5 5,7
5,3 11,6 14,0 16,8 8,0
5,1 14,5 16,9 19,0 10,3
4,9 17,8 20,0 21,7 12,7

Notes

1 Source : Van Lierop et Tran (1983) et CRAAQ (2013; p. 94)
2 Le taux d’humidité de la chaux peut varier de 0 à 2 %, mais peut augmenter selon les conditions d’entreposage.

Précisions concernant les applications de chaux :

  • La chaux doit être préférablement enfouie dans la couche cultivée;
  • Si la chaux est appliquée en surface sans être enfouie, la dose maximale suggérée est de 2,5 à 3 t/ha par application;
  • La dose maximale par application est limitée à 7 t/ha en sol lourd (textures G1, G2[1]) et un maximum de 5 t /ha en sol sableux (textures G3[1]). Il est préférable de fractionner les applications de chaux avec des petites doses de chaux calcique de 1 à 3 t/ha pour limiter les risques de nuire à la disponibilité des oligo-éléments et pour réduire la perturbation des microorganismes;
  • La chaux ne devrait pas être appliquée sur un engrais de ferme fraîchement épandu et non enfoui, ce qui  augmenterait la volatilisation de l’azote ammoniacal du fumier. Il est préférable d’attendre quelques jours ou une pluie entre les deux applications.

Épandage de la chaux

Période d’application

Le moment idéal pour chauler est lorsque le sol est sec et qu’il n’y a pas de risque de compaction avec le camion ou l’épandeur à chaux. La date a peu d’importance. Le chaulage peut se faire sur le sol nu, sur un engrais vert, juste après la récolte ou sur une prairie immédiatement après une coupe de foin.

Méthode et équipement d’application

La chaux agricole est un produit en poudre qui ne s’applique pas avec les équipements destinés aux fertilisants granulaires. Toutefois, il est possible d’appliquer de la chaux granulaire avec un épandeur à engrais (Figure 1). La chaux granulaire est plus coûteuse que la chaux en poudre traditionnelle.

50%

Totes de chaux livrées à la ferme

50%

Épandeur conique sur l'attelage trois points du tracteur

50%

Épandeur conique rempli de chaux granulaire

50%

Séance d'épandage

Figure 1. Épandage de chaux sur une moyenne surface avec un épandeur conique


L’application de chaux se fait traditionnellement par des forfaitaires qui remplissent des camions-épandeurs directement aux carrières à chaux du Québec (Figure 2). Les camions contiennent environ 10 tonnes de chaux et sillonnent les champs en appliquant la dose recommandée. Le sol doit être portant, c’est pourquoi l’application se fait généralement sur une prairie au printemps ou suivant une culture de céréales en fin d’été. Les camions de chaux appliquent généralement une dose minimale de 2,5 t/ha (1 t/acre). Il existe des services d’application de chaux de précision à taux variable. Certains équipements peuvent appliquer de faibles doses.

50%

Épandeur à disques rotatifs

50%

Début de l'épandage

50%

Séance d'épandage sur une prairie déchaumée

50%

Résultat de l'épandage (≈ 5 t/ha)

Figure 2. Épandage de chaux sur une grande surface avec un camion spécialisé


Sur les petites fermes maraîchères, deux problèmes sont fréquemment rencontrés relativement au chaulage :

  • l’accessibilité des parcelles aux camions d’épandage de chaux et l’épandage sur celles-ci;
  • la gestion de petits volumes, lesquels ne justifient pas l’achat et l’épandage de 30 tonnes de chaux à la fois, la grosseur habituelle d’un chargement.

Une solution à ces problèmes consiste à se faire livrer, si possible, une petite quantité de chaux, ou sinon à l’entreposer sous bâche, et procéder soi-même au chaulage avec un épandeur à engrais tiré derrière le tracteur. Certains modèles d’épandeurs coniques portés sur le tracteur et mus par la prise de force peuvent aussi convenir à cette tâche (Figure 1). Il est important de bien calibrer l’épandeur afin d’assurer une application uniforme. Par ailleurs, certains fournisseurs d’intrants ont des remorques à chaux qu’ils louent à leur client·es pour l’application de chaux en vrac à l'aide d'un tracteur. Il est parfois possible de faire livrer la remorque remplie de chaux à la ferme. La chaux en vrac peut également être vendue en poche de 500 ou 1000 kg dans les coopératives agricoles ou par les fournisseurs d'intrants. La ferme doit donc trouver un équipement spécialisé d’application adapté pour la chaux en poudre. Ce type d’équipement est peu fréquent. Certaines entreprises agricoles spécialisées ont des épandeurs de chaux de petit format fabriqués sur mesure, par exemple les vergers, les framboisières.

Pour les très petites surfaces, la chaux en sac est aussi disponible (attention de ne pas confondre avec la chaux vive ou la chaux hydratée interdite en production bio, qui est plus répandue en sac que la chaux agricole carbonate de calcium). L’application à la main demeure parfois la seule option (Figure 3).


Figure 3. Épandage de chaux à la main sur une petite surface


Il est intéressant d’appliquer une petite quantité de chaux une fois par année, plutôt qu’une plus grosse quantité à l’occasion. La vie du sol s’en trouvera favorisée, surtout en sol léger. En effet, une application excessive de chaux peut conduire à des problèmes de carence induite en oligo-éléments dans les sols légers.

Incorporation de la chaux

Il faut idéalement mélanger la chaux à la couche cultivée ou à sa partie supérieure pour qu’elle agisse, en utilisant pour ce faire un outil à dents ou à disques. Attention au labour à plat qui déplace toute la chaux en une mince couche à 10-15 cm de profondeur. En étant mal répartie, elle ne sera pas très efficace et ne permettra pas d’augmenter le pH dans la couche travaillée juste au-dessus.

Chaulage et oligo-éléments

L’ajout d’une quantité importante de chaux diminue la disponibilité du fer, du manganèse, du cuivre et du zinc. Il y a un risque élevé de carences dans les sols sableux, ce qui n’est pas le cas en sol moyen ou lourd.

La disponibilité du molybdène augmente avec le pH, tandis que celle du bore n’est pas affectée par celui-ci.


Sommaire du guide
Mots clés

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  1. 1,0 et 1,1 Groupes de sol : G1 : Sols lourds (Argile lourde, Argile, Argile limoneuse, Argile sableuse, Loam argileux, Loam limono-argileux, Loam sablo-argileux) G2 : Sols moyens (Loam, Laom limoneux, Limon) G3 : Sols légers (Loam sableux, Sable loameux et Sable) Source : Gauthier et Champagne (2017)

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Coopérative pour l'agriculture de proximité écologique
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