Les trois phases du compostage
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La France, D. et Duval, J. (2022).
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Phase thermophile
Lorsqu’on place des matières organiques aérées et humides dans un amas suffisamment volumineux, les microbes décomposeurs s’activent immédiatement pour consommer les protéines, les sucres et les hydrates de carbone les plus facilement dégradables. La décomposition des composés carbonés des matières organiques fournit de l’énergie aux microbes et libère principalement du CO2 et du H2O gazeux, qui retournent à l’atmosphère, et de la chaleur, ce qui entraîne une montée de température atteignant régulièrement 50° ou 60° et dépassant parfois 70°C. Le tout s’accompagne d’une diminution rapide de la masse et du volume des matériaux mis à composter. Le milieu sera alors dominé par des bactéries thermophiles (i.e. qui tolèrent la chaleur) et les microbes inadaptés à ces températures meurent, ce qui a un effet assainissant sur les matériaux.
La première phase du compostage est donc dite thermophile et les composés les plus faciles à consommer comme les sucres, les matières grasses et les protéines sont transformés rapidement. Il est à noter que les températures dépassant 70° inhibent même les bactéries thermophiles et peuvent retarder ou même stopper le processus. Cependant, dans les parties moins chaudes d’un amas (< 50°C) on trouvera déjà des champignons, divers insectes et plusieurs autres espèces de microbes.
Les organismes décomposeurs transforment l’azote contenu dans les matériaux pour constituer les protéines de leur corps. Pour optimiser le processus, il faut notamment une abondance d’énergie disponible dans les matériaux carbonés, pour éviter la formation de NH3 qui entraîne des pertes d’azote par volatilisation. Par exemple, composter du fumier de poulet mélangé à une litière de copeaux de bois peut mener à de telles pertes parce que le carbone des copeaux sera peu disponible tandis que l’azote du fumier le sera rapidement.
Le pH monte au cours du compostage, surtout en présence de fumier, et l’atteinte de pH > 8 est une cause majeure de la formation de NH3. Il y a une grande variabilité dans les différentes zones d’un amas, notamment entre la surface des particules qui peut être aérée, et l’intérieur qui peut être anaérobie. La durée de vie des microbes est courte et les éléments nutritifs qu’ils contiennent sont récupérés par d’autres organismes à leur mort. Dans cette première phase, la demande biologique en oxygène est élevée. Si le taux d’oxygène est insuffisant, que les matériaux compostés produisent par exemple des acides ou des composés soufrés, de mauvaises odeurs peuvent s’échapper du tas et il faudra tenter de les contrôler. Il est donc bon de retourner le compost quand les températures commencent à baisser, ce qui redémarre la phase thermophile pour une période plus courte et expose de façon plus uniforme les matériaux aux températures élevées qui ont un effet assainissant sur les pathogènes et les graines de mauvaises herbes.
Phase mésophile
Après une période de durée variable selon les conditions, souvent deux ou trois semaines après le retournement, la température baisse sous les 40-45°C quand les matières organiques les plus facilement dégradables sont décomposées. On se retrouve alors dans une seconde phase dite mésophile. La demande biologique en oxygène sera moindre. Parfois les températures baissent par manque d’oxygène, d’humidité ou de nutriments disponibles et il est possible qu’on doive intervenir pour corriger la situation.
À la phase mésophile, les matières organiques changent d’apparence et leur origine devient graduellement de moins en moins reconnaissable. Ils prennent habituellement une teinte brune. Sur un certain nombre de semaines, au fur et à mesure que les nutriments facilement décomposables diminuent, la température baisse vers la température ambiante; des champignons, d’autres espèces de bactéries, des protozoaires et des animaux de tailles diverses s’installent graduellement dans l’amas. Les champignons commencent à s’attaquer aux formes récalcitrantes de carbone : lignine et lignocellulose, tout en poursuivant la décomposition de la cellulose, de l’hémicellulose, et de la chitine initiée par les bactéries. Si la structure des matériaux est suffisamment grossière, il y a aération passive. Après quelques semaines, on atteint le stade de compost “jeune”. Typiquement, dans un fumier composté avec brassage lors de la mise en andain et un retournement, ce stade est atteint après environ 2 mois. Mais parfois on est encore en phase mésophile.
Au Québec, où les sols pauvres en humus sont très rares, il est souvent préférable d’épandre le compost à un stade jeune pour que la suite de la décomposition serve à nourrir et augmenter l’activité biologique des sols, ce qui a un impact positif sur la structuration du sol et la stabilité structurale. Typiquement un fumier composté mis en andains au début juin, avec un seul retournement, sera prêt à épandre après huit semaines à la fin de juillet, juste avant une période optimale pour l’implantation des engrais verts de fin de saison. Si on utilisait un tel compost à dose relativement élevée dans un terreau (par exemple 30%), la décomposition encore active pourrait entraîner des problèmes. Par contre, si on l’incorpore au sol d’un champ à dose modérée, la décomposition se poursuit sans déranger les cultures, notamment dans le cas d’un apport sur engrais vert. Un tel compost pourrait cependant ne pas être prêt à être épandu dans des cultures en place pour respecter les normes biologiques (voir la section Exigences des normes d'agriculture biologique en matière de compostage).
Phase de maturation
Durant la troisième phase, celle de maturation, les matières organiques plus complexes, plus polymérisées, continuent à se décomposer. Selon leur degré de polymérisation, leur transformation peut prendre des mois; les bactéries ne sont plus dominantes, tandis que les champignons, les protozoaires, les nématodes, et divers arthropodes prolifèrent, notamment les collemboles. La demande biologique en oxygène étant réduite, il devient possible de grossir la dimension des andains à cette étape si on le souhaite. La température du tas se rapproche de la température ambiante et la teinte évolue du brun vers le noir. En hiver, le compost gèle habituellement à ce stade. Plus le processus progresse, plus la diversité des organismes dans le compost augmente. On observe même la présence de bactéries fixatrices d’azote non-symbiotiques à partir de cette étape. Cette maturation permet d’atteindre après quelques mois un quatrième stade dit de “compost mûr”. La durée nécessaire avant d’atteindre la maturité est très variable selon ce qui est composté et le gel hivernal. Les matières organiques coriaces, dites récalcitrantes, évoluent plus lentement, et les matières labiles, plus rapidement. Avec prudence, on peut l’utiliser dans un mélange de terreau après évaluation (par exemple, avec un test de maturité Solvita, un test de salinité (EC) ou un biotest de semis avec une espèce à croissance rapide comme le cresson de jardin).
Éventuellement, on verra apparaître des vers épigés dits parfois vers à fumier (Eisenia fetida, Dendrobaena octaedra, Eisenia andrei) qui complèteront le compostage en ingérant la majorité des matériaux, laissant des boulettes fécales, amenant le compost à l’état de "terreau". Pour l’incorporation dans des terreaux de culture en contenants, certains vont préférer un tel matériau très mûr. L’activité biologique est alors réduite parce que la décomposition est en définitive pratiquement terminée; une fraction des matériaux sera issue des résidus des organismes décomposeurs. Ce type de compost est très riche en activité biologique potentielle qui peut s’activer au contact de matériaux nutritifs appropriés dans le sols. À l’extérieur, avec les conditions hivernales, cette maturation complète requiert habituellement deux saisons. Si le mélange est équilibré au départ, la densité augmente et le compost ressemble de plus en plus à un sol.
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