Doses de fumier, lisier ou compost à appliquer

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Guide 04-04-10
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Le contenu qui suit est issu de :

Oeuvre originale : Weill, A. et Duval, J. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

Révision : Weill, A., Legault, G., Bergeron, E., Méthé, A., La France, D., St-Arnaud, R., Roy, J., Khanna, R. et Gagné, G. (2022).

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Le calcul des doses de fumier, lisier ou compost à appliquer se fait en plusieurs étapes. Au départ, le calcul est généralement basé sur l’azote. Par la suite, l’apport de phosphore est calculé et les doses sont réajustées en fonction de celui-ci. Finalement l’apport de potassium est calculé. Ce calcul se fait généralement lors de l’établissement du plan de fertilisation. Il faut aussi tenir compte des apports provenant des engrais verts, de la matière organique du sol et des autres fertilisants. L’ensemble des calculs est présenté dans le chapitre Fertilisation. Seul le calcul de la valeur fertilisante des fumiers, lisiers et composts est présentée ici.

Exemple de calcul de la quantité de fumier nécessaire pour combler les besoins en azote

Pour calculer la dose à appliquer il faut connaître :

Un exemple de calcul de la quantité de fumier nécessaire pour combler les besoins en azote d’une culture de brocoli, fertilisé avec du fumier de bovin laitier est donné ci-dessous :

  • Besoin en Ndisponible  : 150 kg Ndisponible/ha
  • Contenu du fumier en Ntotal : 5,7 kg/t
  • Contenu du fumier en Ndisponible : 2 kg/t

Apport nécessaire pour combler les besoins en azote :

Dose (t Ndisponible/ha)
= Besoin en N (kg Ndisponible/ha) / Contenu du fumier en N (kg Ndisponible/t)
= 150 kg Ndisponible/ha / 2 kg Ndisponible/ t
= 75 t/ha de fumier

Une telle dose est beaucoup trop élevée, car elle pose des risques environnementaux en apportant beaucoup trop de phosphore comme le démontre la section suivante.

Comparaison de l’apport en P2O5 du fumier ou compost au besoin de P2O5

Dans cette section, les calculs sont faits en utilisant les données de l’exemple précédent (dose de 75 t/ha de fumier de bovin laitier). Dans cet exemple, on considère que le sol à un pourcentage de saturation (ISP) en phosphore de 6 (richesse moyenne)[1] et contient 350 kg de K (riche).

Selon le Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2013), les besoins sont de 75 kg/ha de P2O5 et 30 kg/ha de K2O[2]. Une dose de 75 t/ha de fumier de fumier de bovin laitier contenant 3,8 kg/t de P2O5 et 5,3 kg/t de K2O apporte :

Apport en élément (kg/ha)
= Contenu en élément du fertilisant (kg/t) * Dose du fertilisant (t/ha)

= 3,8 kg P2O5/t * 75 t/ha = 285 kg de P2O5/ha
(à comparer au besoin qui est de 75 kg/ha)

= 5,3 kg K2O/t * 75 t/ha = 397 kg de K2O/ha
(à comparer au besoin qui est de 30 kg/ha)

Ce calcul montre qu’en comblant les besoins en N de cette façon, on apporte trop de phosphore, ce qui cause un problème environnemental. On apporte aussi trop de potassium mais cela n’est pas un problème si le sol est bien pourvu en magnésium. Il faut donc absolument utiliser d’autres approches que de combler les besoins en azote des cultures seulement avec des fumiers ou composts (voir la section Stratégies possibles pour limiter les apports de phosphore).

Comparaison de l’apport en P2O5 du fumier ou compost à la quantité de P2O5 exportée par les légumes

Il est intéressant de comparer la quantité de phosphore apportée par le fumier à la quantité exportée par les légumes (tableau 1). La différence entre les deux valeurs correspond à ce qui reste dans le sol. L’exportation moyenne de l’ensemble des légumes du tableau 1 est de 17,7 kg/ha. La différence entre les apports et les exportations de notre exemple est de :

285 kg P2O5/ha – 17,7 kg P2O5/ha = 267,3 kg P2O5/ha

Tableau 1. Quantités de phosphore exportées par différents légumes (rendement moyen)

Rendement moyen

sur base humide1 (t/ha)

Humidité (%) Teneur en P205

(kg/t)2

Exportation de P2O5

(kg/ha)

Ail 7,3 - 3,5 25,4
Aubergine 21,8 - 0,8 17,4
Betterave 21,2 88 1,1 23,3
Brocoli 10,6 91 1,5 15,9
Carotte 33,6 88 0,9 30,2
Chou chinois 19,0 96 0,9 17,1
Chou 35,0 92 0,7 24,5
Chou-fleur 14,0 92 1,0 14,0
Chou de Bruxelles 11,6 84 1,9 22,1
Concombre 17,8 96 0,5 8,2
Courge d'été 19,5 94 0,8 15,6
Courge hiver 29,5 - 0,8 23,6
Épinard 8,3 94 1,1 9,1
Haricot3 6,3 90 0,9 5,4
Laitue pommée 26,0 96 0,7 18,2
Maïs sucré 11,0 77 1,4 15,5
Oignons 37,5 84 0,8 30,0
Pois mange-tout 6,0 89 1,2 7,3
Pois vert3 4,1 79 2,5 10,1
Poivron vert 27,0 - 0,5 13,5
Pomme de terre 29,7 80 1,1 32,7
Radis 7,6 93 0,7 5,3
Rutabaga 20,5 92 1,3 26,7
Tomate 26,5 94 0,6 14,6
Moyenne 94 17,7

Notes

1 Moyenne des rendements donnés dans le chapitre 3 du Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée (Weill et Duval, 2009)
2 Maynard et Hochmuth (1997). Ces chiffres sont similaires à ceux présentés dans le guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2013)
3 Gouvernement de l'Ontario (2022)

Pour faciliter les calculs d’exportation, on peut réunir les espèces maraîchères dans des groupes de prélèvement similaires (Tableau 2).

Tableau 2. Groupes de légumes ayant des exportations en phosphore similaires

Exportation

en P205 (kg/ha)

Exportation moyenne

en P205 (kg/ha)

Radis 5,3 7,1
Haricot 5,4
Pois mange-tout 7,3
Concombre 8,2
Épinards 9,1
Pois vert 10,1 13,9
Poivron vert 13,5
Chou-fleur 14,0
Tomate 14,6
Maïs sucré 15,5
Courge d'été 15,6
Brocolis 15,9 17,2
Chou chinois 17,1
Aubergine 17,4
Laitue pommées 18,2
Chou de Bruxelles 22,1 23,4
Betteraves 23,3
Courge hiver 23,6
Chou 24,5
Ail 25,4 29,0
Rutabaga 26,7
Oignons 30,0
Carotte 30,2
Pomme de terre 32,7
Moyenne 17,7

Calcul de la capacité de réception en fumiers, lisiers ou composts d’une ferme – considérations réglementaires

L’objectif de cette section est de montrer qu’il faut faire attention à ne pas trop enrichir les sols en phosphore. Une richesse excessive du sol en phosphore va grandement restreindre les choix de fertilisation. Comme la quantité de fumier ou de compost qui pourra être utilisée sera faible, il faudra acheter des engrais riches en N et pauvres en P2O5, ce qui s’avère dispendieux en mode biologique. Il vaut mieux maintenir une richesse en phosphore moyenne, à la fois pour des raisons économiques, environnementales et pour garder une certaine flexibilité si un Plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) devient nécessaire.

Un PAEF est obligatoire, entre autres, pour les entreprises cultivant plus de 5 ha de légumes, fruits ou petits fruits, ou si l’entreprise qui fournit le fumier, lisier ou compost est astreinte à un PAEF (consulter le REA et le RAEFIE pour avoir l’information complète sur l'assujettissement à un PAEF). Lorsqu’un PAEF est nécessaire, il faut calculer la quantité de fumiers, lisiers et composts qu’une ferme peut recevoir. Ces calculs sont toutefois valables et utiles pour toutes les entreprises, astreintes ou non au PAEF.

Le calcul de la capacité de réception est basé sur le type de culture, la richesse du sol et la superficie de chaque culture. À partir de ces données, le besoin en phosphore est calculé pour chaque culture. L’exemple suivant permet de comprendre la démarche (le nombre de légumes est réduit dans le but de simplifier la lecture).

La richesse d’un sol en phosphore se mesure non seulement par la quantité de phosphore disponible pour les plantes (en kg/ha), mais aussi par la saturation en phosphore (voir le chapitre Fertilisation). Deux seuils de saturation en phosphore ont été établis :

  • 7,6 % pour les sols contenant plus de 30 % d’argile;
  • 13,1 % pour les sols contenant moins de 30 % d’argile.

Lorsque ces seuils de saturation en phosphore sont dépassés, il n’est pas possible de mettre plus de phosphore que ce qui est indiqué comme recommandation dans le Guide de références en fertilisation (CRAAQ, 2013). Pour plus de détail, voir la Stratégies de fertilisation relatives à l’indice de saturation en phosphore des sols (Ordre des agronomes du Québec, 2011). Cette ligne directrice précise les restrictions stipulées dans le REA.

Dans l’exemple suivant (Tableau 3), toutes les parcelles de la ferme ont un pourcentage de saturation supérieur à 13,1 %. Afin de simplifier les calculs, on suppose que toutes les parcelles ont la même richesse (ce qui n’est pas toujours le cas), soit de 350 kg de P et une saturation en P de 14 %.

Toujours dans le but de simplifier les calculs, on suppose qu’il y a une parcelle par légume. Dans la réalité, il peut y avoir plusieurs parcelles, chacune avec une richesse en P différente. Il faudra dans ce cas une ligne par parcelle car les besoins vont différer.

Tableau 3. Exemple de calcul de capacité de réception d’un ferme maraîchère ayant des sols riches en phosphore

Cultures de la ferme Superficie

de légume (ha)

Richesse

du sol en P

Besoin en P2O5

(kg/ha)1

Total de P2O5 permis

pour la parcelle (kg)2

Aubergine 0,5 350 kg de P


Saturation

en P de 14%

70 35
Betterave 0,2 50 10
Brocoli 0,5 40 20
Carotte 0,3 50 15
Courge hiver 0,3 55 16,5
Haricot 0,2 50 10
Laitue pommée 0,4 60 24
Oignons 0,5 80 40
Poivron vert 0,3 70 21
Pomme de terre 0,6 120 72
Tomate 0,4 70 28
Total 4,2 291,5

Notes
1 Selon les grilles de fertilisation du CRAAQ (2013)
2 Total de P2O5 (kg) = Superficie (ha) * Besoin en P2O5 (kg/ha)

Si le fumier utilisé contient 3,8 kg de P2O5 par tonne (base humide), la quantité de fumier qui peut être reçue est de :

Poids de fumier (t)
= Total de P2O5 permis (kg)  /  Contenu en P2O5 du fumier (kg/t)
= 291,5 kg P2O5  /  3,8 kg P2O5/t fumier
= 76,7 t fumier
Pour une surface de 4,2 ha, cela correspond à 18,3 t fumier/ha, ce qui est peu!

Quant à la dose d'azote apportée, elle est de :

Dose en azote disponible (kg/ha)
= Dose de fumier (t/ha) * Contenu en Ndisponible du fumier (kg/t)
= 18,3 t fumier/ha * 2 kg Ndisponible/t fumier
= 36,6 kg Ndisponible/ha
Ceci est nettement inférieur au besoin moyen de l’ensemble des légumes, soit généralement supérieur à 100 kg Ndisponible/ha.

Stratégies possibles pour limiter les apports de phosphore

Lorsque l’on calcule une dose de fumier à apporter, on peut garder en tête que l’on met rarement plus de 40 t/ha de fumier de bovin ou plus de 7 t/ha de fumier de volaille. En termes de repère visuel, après l’épandage on devrait encore voir le sol et très peu de fumier en surface.

La plupart des entreprises biologiques en grandes cultures utilisent déjà les engrais verts de légumineuses et la prairie temporaire de légumineuses pour apporter une partie de l’azote. Elles n’ont pas le choix, car la fertilisation de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’hectares avec du fumier ou du compost est trop coûteuse et apporte trop de phosphore.

En maraîchage, il reste encore beaucoup de progrès à faire. Il faut absolument planifier des engrais verts de légumineuses dans la rotation.

Il y a plusieurs options pour diminuer les apports de phosphore.

Pour une ferme ayant amplement de superficie :

  • Faire une rotation avec des engrais verts de légumineuses de pleine saison. Un bel engrais vert de légumineuses apporte 75 à 130 kg d’azote disponible à l’hectare et parfois plus (Vanasse et al., 2021);
  • Implanter des engrais verts de légumineuses en culture dérobée (après la récolte) lorsqu’il reste assez de temps;
  • Si les conditions de compostage ne peuvent pas être optimisées (rapport C/N de départ trop faible, manque de carbone facilement disponible, humidité inadéquate, etc.), travailler avec du compost très jeune ou du fumier frais incorporé immédiatement après l’épandage afin d’éviter les pertes d’azote durant le compostage. Implanter un engrais vert dérobé tout de suite après l’épandage;
  • Semer du foin de légumineuses et graminées durant un an ou deux dans la rotation, et épandre le compost en surface durant la dernière année.

Pour une ferme en production intensive :

  • Faire des apports de compost en petites doses et utiliser du fumier granulé de volaille ou d’autres sources d’azote (p. ex. : farine de luzerne, de plume, de crabe ou de sang) en complément;
  • Semer des engrais verts de légumineuses avant ou après certaines cultures;
  • Si les conditions de compostage ne peuvent pas être optimisées (rapport C/N de départ trop faible, manque de carbone facilement disponible, humidité inadéquate, etc.), travailler avec du compost très jeune ou du fumier frais incorporé immédiatement après l’épandage. Ces matériaux peuvent être appliqués avant l’implantation de l’engrais vert en deuxième partie de saison. Il peut être utile de regrouper les cultures qui sont récoltées tôt afin de faciliter cette tâche. Un compost jeune est préférable au fumier en ce qui concerne la gestion des plantes adventices;
  • À long terme, viser à augmenter les superficies afin de pouvoir semer des engrais verts au moins un an sur trois, ou encore des prairies.


Sommaire du guide
Mots clés

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  1. Voir le chapitre Fertilisation pour l’explication des analyses de sol.
  2. Voir le chapitre Fertilisation pour l’évaluation des besoins des cultures.

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