Tomates de serre

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Production


Le contenu qui suit est issu de :

Oeuvre originale : Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

Révision : Boudreault, D. et Gilbert, P.-A. (2022).

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La tomate est la culture numéro un en serre au Québec comme au Canada. Son rendement est calculé par cycle de production. Il faut donc être prudent lorsque l'on compare les rendements d'une ferme à l'autre et tenir compte du calendrier de production. Sur une base hebdomadaire, on vise un rendement moyen d'environ 1,5 kg/m² pendant l'été pour la tomate charnue, également nommée "beef". Un tel rendement par semaine permettra de récolter autour de 25 kg/m² par cycle de production (Guimont et coll, 2020).

Les tomates de type heirloom sont de plus en plus populaires auprès des restaurateurs. Toutefois, leur potentiel de rendement est d'environ 60% en comparaison à la tomate charnue. Un cycle de production peut produire 16 kg/m² (Guimont et coll, 2020). Il est donc justifié de vendre ces tomates plus chers, ce qui peut être difficile sur certains marchés.

La tomate cerise a aussi gagné en popularité dans les dernières années, tout comme les légumes de format "collation" tel que les concombre libanais. Ce type de tomate donnera aussi un rendement de 50 à 60% en comparaison à la tomate charnue.

Sur une ferme maraîchère diversifiée, il est difficile d’accorder autant d’attention à la gestion de la culture que le ferait un serriste spécialisé. Par conséquent, les rendements escomptés risquent d’être moindres. En guise d'exemple, une serre spécialisée dans la tomate biologique et produisant sur un calendrier annuel, peut récolter jusqu'à 60 kg/m² de tomates charnue.

Calendrier de production et travail quotidien

Pour la charnue, il faut compter environ 3 mois et demi entre le semis et la récolte des premiers fruits. Pour ce même type de tomate, si elle est greffée, on devra compter 4 mois entre le semis et la récolte. Les tomates cerises sont un peu plus rapides, 3 mois non greffées et 3 mois et demi si greffées comme délai entre le semis et la récolte.

Le tableau 1 présente un exemple typique de calendrier de production de tomates de serre sur une ferme maraîchère diversifiée qui vise de faire sa première récolte le 1er juin. Il peut être adapté en fonction de la mise en marché ou d'autres considérations de l'entreprise. La première année, un débutant pourra démarrer la production plus tard pour se faire la main et réduire ainsi les frais de chauffage et le risque financier.

Tableau 1. Exemple de calendrier de production de tomates de serre greffées à 2 têtes

Période Étapes Délais (jour) Stade physiologique
Début février Semis des variétés et des porte-greffes Germination
Mi-février Greffage dans les mêmes plateaux 15 2 feuilles
Début mars Repiquage 7 Amorce des nouvelles feuilles
fin février Pinçage 9 3 à 4 feuilles
mi-mars Espacement final (15 plants/m2) 10 6 à 7 feuilles
mi-avril Transplantation 30 8 à 10 feuilles (début floraison)
début juin Récolte 56 Fruits mûrs

À l'étape du semis, plusieurs productrices et producteurs vont opter pour des multicellules 72. Pour les portes-greffes, il peut être utile d'utiliser le format 98 où une cellule sur 2 sera semée afin de faciliter le greffage. Si on cultive plusieurs variétés, un test de la rapidité de la levée permettra de synchroniser le stade entre le porte-greffe et les greffons afin que leurs diamètres de tige soient similaires.

Il est possible de produire des tomates de serre non greffée pour une ou deux année après le démarrage de la serre. Toutefois, les risques de maladie telles que la racine liégeuse, le verticilium, le fusarium et certains nématodes sont importants. Le greffage devient alors un incontournable sur la plupart des fermes. Il est possible de suivre un cours destiné aux professionnels, de consulter des ouvrages de références ou encore des vidéos en ligne pour en apprendre plus sur les étapes. La procédure complète est bien décrite dans l'annexe 1 du guide de Production de la tomate de serre au Québec (Turcotte et coll, 2015).

L'étape du repiquage consiste à transplanter les plantules greffées dans des pots contenants plus de terreau. Sur plusieurs fermes, des pots de 4 pouces (10cm) sont utilisés et dans lesquels un terreau contenant environ 25 à 30 % de compost sera utilisé (un terreau plus riche qu'au semis qui contenait de 10 à 15 % de compost). Puisque les plants sont greffés, il faut faire attention de ne pas enterrer le point de greffage, également nommé le point de fusion, c'est à dire la cicatrice laissée suite au greffage. À cette étape, on disposera les pots selon une densité de 100 plants/m².

L'utilisation d'un porte-greffe augmentera la vigueur des greffons. Ainsi, pour canaliser cette hausse d'énergie, il est d'usage de conduire les cultures sur 2 têtes. Il est possible de former 2 têtes à plusieurs endroits sur les transplants en les pinçant. À chaque nœud, se trouve un bourgeon, duquel pourra émerger une nouvelle tête (et éventuellement des gourmands). La méthode la plus courante et la plus rapide consiste à pincer la tête à partir de la 3e feuilles, une fois la fusion de la greffe complétée.

Lorsque les plants atteignent 6 à 7 feuilles, il faut les espacer afin qu'ils reçoivent suffisamment de lumière. L'astuce, c'est que les feuilles, d'un plant à l'autre, ne se touchent pas pour ne pas induire l'étiolement. Il faut disposer les pots selon une densité de 16 plants/m2 sur les tables de production. À cette étape, certaines fermes repiquent une 2e fois dans des pots de 6 pouces (15cm), ce qui permettra de bien nourrir les plants jusqu'à la mise en terre avec un nouvel apport de terreau. Au besoin, un tuteur peut être ajouté (des brochettes en bois, c'est peu dispendieux).

Idéalement on transplante les plants lorsque le soleil est au rendez-vous. Si l'une des 2 têtes est plus faible que l'autre, on peut la placer au sud. La motte dans le terreau doit être bien humide et on devra s'assurer qu'elle le reste pendant 10 à 15 jours (ne pas se fier uniquement au goutte-à-goutte). Il faut encore faire attention et éviter d'enterrer le point de greffage pour ne pas favoriser l’apparition de racines provenant du greffon. Idéalement, la majorité des plants ont des fleurs que l'on conservera si la vigueur est au rendez-vous (de beaux transplants avec de belles feuilles). Pour une densité de 2,7 plants/m2 de tomate charnue greffée avec 2 tête, on place habituellement les plants à 45 cm de distance entre eux, sur le rang (selon des largeurs de planche de 1,6m centre à centre). Dans le cas des tomates cerises avec une densité de 3 plants/m2, on les disposera à 35 cm sur le rang. Après la transplantation il faut installer les cordes en évitant qu'elles ne soient trop serré. La gravité fera son œuvre au fil des semaines à venir.

La tomate de serre demande beaucoup d’attention. Le document la Production de la tomate de serre au Québec (Turcotte et coll, 2015) et le guide de production poivron et tomate biologiques sous abris (Guimont et coll, 2020) donnent un très bon aperçu de la conduite du travail en serre (semis, greffage, taille, effeuillage, palissage, etc.) ainsi que du matériel et des outils nécessaires. En été, il vaut mieux commencer la journée par les travaux en serre, alors que la température n’y est pas encore trop élevée. Cette tactique permettra également aux plantes de cicatriser suite aux différentes tailles.

Choix des variétés

Il est primordial d’utiliser des variétés résistantes à plusieurs maladies (moisissure olive et si possible, à l'oïdium). Pour la tomate charnue rouge, les variétés Rebelski, Geronimo et Caiman sont fréquemment utilisées (pour plus d’information, voir Ramadan, 2019). Pour la tomate cerise rouge, les cultivars Sakura et Favorita sont très populaires; Sweet Treat et Sunpeach pour la rose; Royalstar pour la orange. Les fournisseurs spécialisés en culture en serre offrent des semences non traitées ou biologiques. La greffe est maintenant une pratique courante dans la tomate de serre. Les variétés de porte-greffes sont différentes (ex. : Maxifort, Beaufort). Certains producteurs ayant de l’expérience en greffage produisent parfois, sur demande, des plants pour d’autres producteurs.

Densité des plants

La densité normalement utilisée pour la tomate de serre varie de 2,5 à 3,5 plants/m² (tête/m² ou tiges/m²) selon le plan de production et la lumière disponible. Elle est aussi à ajuster selon le type de végétation et, par conséquent, le type de cultivar (exemple : grappe, cocktail), le type de serre, etc. Il faut retenir que ce n'est pas tant l'espace entre les plants à la plantation qui compte, mais l'espace-lumière que chaque tige aura par la suite.

Pour une serre individuelle de 326 m² (10,7m X 30,5m ou 35 pieds x 100 pieds), où l’on façonne six plate-bandes (planches) de 67 cm, 5 allées de 100 cm et 2 allées de bordure de 83 cm de large. Dans cet exemple on retrouvera typiquement 1 seul rang où les plants greffés seront espacés aux 45 cm (18po) pour la tomate charnue et aux 35 cm (14po) pour la tomate cerise. Puisque les plants greffés ont deux têtes, l'une sera accrochée sur la broche de culture de gauche et l'autre sur la broche de culture de droite, ce qui formera un palissage en forme de "V".

Lorsque l'on calcul le besoin en nombre de plants, il faut tenir compte de la largeur des allées, car les tomates occupent une partie de cet espace pendant leur croissance (des feuilles de 55cm de long, ça déborde dans une allée).

Exemple de calcul pour de la tomate charnue greffée et conduite sur 2 têtes:

Serre de 326m2 * 2,7 plants/m² = 880 plants / 2 tiges/plants = 440 plants à répartir sur 6 plate-bandes.

Savoir lire les plants

Les plants de tomates doivent être bien équilibrés, mais il arrive qu’ils soient trop végétatifs (feuillus) ou trop génératifs (fleuris). On recherche un bon équilibre entre ces deux tendances afin d’avoir des plants qui ont de la vigueur et une mise à fruit régulière. Un plant équilibré aura 70% de son poids en fruits et 30% en tissus végétatifs (feuilles, tiges et racines). Quant à la vigueur, elle représente la force du plant et donc sa capacité de croissance. Plus le diamètre d'une tige est gros, plus il a de vigueur. Un excès de vigueur n'est pas souhaitable non plus, ce qu'il faut c'est viser l'équilibre et éviter les excès. On veut bâtir et conduire des plants ayant une bonne vigueur et un caractère reproductif.

Il est fréquent, particulièrement en culture biologique, de voir des plants de tomates trop végétatifs en début de saison. L’une des raisons est que lorsqu'on implante la culture au printemps, il y a un surplus de lumière par rapport à la taille des plants (l'offre dépasse la demande). Comme il n’y a pas encore beaucoup de feuilles et éventuellement de fruits pour recevoir les sucres produits par la photosynthèse, les sucres se dirigent dans la tige et les feuilles. Pour contrer ce mouvement naturel, il faut ajuster les températures à la hausse lorsque les plants sont jeunes et ont encore peu de fruits, et ce, pour accélérer la croissance.

Pour apprendre à lire les plants, la méthode "Tom-Pousse" est encore utilisée et enseignée. En prenant des données hebdomadaires pendant quelques cycles de productions, la serricultrice ou le serriculteur arrivera à exercer son œil. Consultez ce lien pour en savoir plus: https://www.agrireseau.net/legumesdeserre/documents/69968.

Tuteurage, taille des feuilles, des drageons et des grappes

Un plant de tomate pousse en moyenne de 25cm par semaine. Il faut donc le tuteurer de façon hebdomadaire pour maintenir son port érigé. Pour la tomate charnue, l'utilisation de bagues (clips) reste l'option la plus rapide et efficace. Il faut placer la bague entre 2 feuilles et sous le pétiole de la feuille la plus haute. Habituellement on tente de placer la bague à 15-20 cm de l'apex, car il faut avoir suffisamment d'espace dans l’entre-nœud. Il faut éviter de placer la bague au-dessus d'une grappe, car elle pourrait endommager les futurs fruits. Pour les plants de tomates cerises, il est possible de les enrouler en effectuant un tour complet à chaque 2 feuilles. Les plants de tomates cerises sont moins lourds et risquent moins de tomber que les plants de tomates charnues si l'enroulement est mal fait. Une astuce est de développer le réflexe de toujours tourner les plants dans le sens des aiguilles d'une montre afin d'éviter les erreurs.

Pour avoir une bonne production, il faut une bonne surface foliaire. Cette surface peut varier en fonction de l'âge des plants, de la densité, du moment de l'année (luminosité) et du type de tomate cultivée. Certains plants ont des feuilles plus longues (55 cm) que d'autre (35 cm), l'objectif étant de 45 cm.

Ainsi, à chaque semaine, il faut tailler des feuilles de façon a conserver 17 à 20 feuilles (incluant la petite de l'apex) pour les tomates charnues et de 12 à 14 pour les cerises. On optera pour le plus grand nombre de feuille en été et le plus petit à l'automne. Cette opération implique donc de tailler de 2 à 4 feuilles par semaine.

Habituellement on effeuille le matin, par temps idéalement sec et ensoleillé, afin de laisser le temps aux blessures de cicatriser. Certaines personnes utilisent des couteaux, d'autres le fond à la main, mais l'important est de ne jamais laisser de moignons, soit de tailler l'ensemble du pétiole jusqu'à la tige.

Ce sont souvent les feuilles du bas qui sont taillées, mais il est également possible de faire une taille dans la tête, dite "Alfredo", en enlevant la feuille en haut de la grappe en fleur (environ à 10-15 cm de l'apex). Cette technique induit un stress et favorise donc la croissance générative du plant. Une autre technique consiste à effeuiller au travers des plants pour exposer les fruits à la lumière, ce qui améliorera leur calibre. En effeuillant dans le plant, l'aération sera meilleure, ce qui peut diminuer la pression de maladies fongiques et un mûrissement plus égal des fruits.

Une fois taillé, on laisse les feuilles au sol et le lendemain, elles auront perdu la majeur partie de leur eau et seront facile à sortir de la serre, car leur volume sera moins grand.

On taille aussi les drageons qui apparaissent au point d’attache des feuilles à la tige (l'aisselle). L'idéal est de tailler des drageons qui font entre 5 et 10cm de long. Cette opération devrait aussi être effectuer le matin par temps sec. On devrait ramasser les drageons et non les laisser tomber dans le feuillage pour éviter la propagation du botrytis (moisissure grise). Il est fréquent de tuteurer et d'édrageonner dans la même opération pour sauver du temps.

La taille des grappes est facultative, mais l'objectif est d'équilibrer la charge des fruits sur le plant. On vise 3 à 4 fruits pour la tomate charnue. Cette taille doit être faite après la nouaison (fleur fanée), dans des bonnes conditions pour la cicatrisation et encore une fois, il ne faut pas jeter les résidus dans les plants. Pour les tomates cerises, la plupart des productrices et producteurs préfèrent ne pas les tailler. Dans tous les cas, il faut aussi tailler les rafles une fois les fruits récoltés.

Quatre à six semaines avant la fin de la production, il faudra étêter les plants afin de réduire la charge de travail et de favoriser le mûrissement des derniers fruits. Il faudra effeuiller au fur et à mesure de la récolte des derniers fruits.

Température et aération

Le contrôle de la température est un élément clé pour la conduite de la culture de la tomate de serre. Des écarts importants entre la température de jour et celle de nuit induiront un stress et rendront les plants génératifs, tandis qu'une température stable les dorloteront et ils resteront végétatifs. Le tableau 2 indique les températures cibles.

Tableau 2. Cibles de température en fonction du stade de la culture

Température Germination Production de plants Transplantation Récolte
Diurne (°C) 25 19-21 24 20-22
Nocturne (°C) 25 19-21 24 17-19

Adapté de OMAFRA, 2010. La culture des légumes de serre en Ontario, 178 pages.

Lors du processus de germination, qui devrait durer 72 heures avec des semences de qualité, il faut maintenir les températures entre le jour et la nuit et l'humidité relative autour de 90%. La température du substrat, là où la semence est déposée, doit être autour de 24 à 25 °C. Il peut être favorable d'utiliser un dôme pour maintenir ces conditions. Une fois plus de la moitié du plateau germé, on peut descendre graduellement la température de 1 °C par jour, pour atteindre 19-21 °C au bout de 3 jours. Pendant la production des plants, il faut maintenir la température autour de 20 °C le jour le jour comme la nuit. Lors de la transplantation, on remonte la température à 24 °C afin de favoriser un enracinement rapide. Une semaine après la transplantation, il faut créer un climat génératif afin de conduire la culture vers une belle première récolte. On optera alors pour un écart de 3 °C entre le jour et la nuit.

Puisque la lumière est l'intrant numéro un dans une serre, il est souhaitable d'ajuster les consignes climatiques en fonction de la luminosité reçue. Les contrôleurs climatiques sont de précieux outils pour alléger cette tâche, même s'il nécessite un bon suivi et des ajustements en cours de production. Par une belle journée, il faut laisser la température monter autour de 24 °C dans la serre et la nuit devra être également plus chaude (18 °C) afin que les plants distribuent les produits de la photosynthèse activement. Par une journée grise, on optera plutôt pour 21 °C de jour et 17 °C la nuit. Ces consignes prévalent dans un contexte de production de tomates en serre sans ajout de CO2.

La ventilation est nécessaire pour maintenir les consignes climatiques et pour déshumidifier une serre. Les 2 systèmes les plus fréquents sont la ventilation naturelle (toit ouvrant et ouvertures de côté de type "roll-up") et la ventilation positive, soit une fan d'admission et des volets d'extraction.

En été, l’aération doit être suffisante pour que la température ne dépasse pas 28 °C (25 °C idéalement, car au- dessus de cette température, la tomate ne fait plus aucun gain). L’humidité ne doit pas être en reste et devrait être maintenue entre 60 et 80 %. La culture elle-même générant beaucoup d’humidité via la transpiration des feuilles, fait en sorte que le taux d’humidité est souvent trop élevé. Il faut donc ventiler (sans excès toutefois afin d’éviter de trop assécher la serre et d’occasionner ainsi un stress pour les plantes) et même chauffer la serre pour déshumidifier l’air. Si on peut limiter l’humidité qui vient du sol, c’est encore mieux. Pour ce faire, il est recommandé d’étendre un film plastique noir/blanc (coté blanc vers le haut) sur le sol (Figure 1). On l’étend le long de chaque rangée de plants jusqu’au milieu de l’allée afin que deux sections se chevauchent dans l’allée. Des supports de tige ou des broches maintiennent le plastique en place près des plants. On peut donc facilement soulever le film plastique pour placer les fertilisants près des plants.



Figure 1. Plastique blanc placé au sol pour limiter l’évaporation et réfléchir la lumière


Plus la serre est volumineuse, plus il est facile de maintenir de bonnes conditions. Le thermomètre ne doit pas être exposé directement au soleil, mais devrait plutôt suivre la tête des plants. Les serres automatisées utilisent des cages aspirantes, dans lesquelles les thermomètres sec et thermomètres humides (servant à calculer le % d'HR) sont installées. Sinon, il est possible de fabriquer une boîte en bois, placé au centre de la serre et au niveau de la culture.

Pollinisation

Une aide à la pollinisation est essentielle pour obtenir de bons rendements. Une des méthodes consiste à introduire des bourdons pollinisateurs dans la serre. Des ruches de bourdons sont disponibles chez les fournisseurs d’agents de lutte biologique (voir la liste). Les bourdons sont plus efficaces que toute autre méthode (Lambert, 2020).

Il est important d'observer les fleurs pour valider le niveau de pollinisation et d'ajuster l'ouverture de la ruche en conséquence. D'une part, il faut éviter la sur-pollinisation et de l'autre, le manque de pollinisation. Le passage des bourdons sur les fleurs laisse des marques et si celles-ci ont noircies au niveau des étamines, il y a probablement une trop grande quantité de bourdon pour le nombre de fleur dans la serre, ce qui risque de causer de l'avortement. En absence de marques, il faut valider que la nouaison soit au rendez-vous, semaine après semaine. La ruche devrait être placée à l'ombre, loin de la ventilation, d'une source de chauffage ou d'un mur extérieur. L'idéal est de fabriquer une plateforme que l'on place dans un rang de la culture, au milieu de la serre et à hauteur de la poitrine. Au bout de 4 à 6 semaines, il faut changer la ruche.

Puisqu'il est recommandé d'introduire les bourdons lorsque 10% des fleurs sont ouvertes, en début de production, on peut circuler dans les allées avec un souffleur à feuille (électrique de préférence) afin de féconder les premières fleurs. Cette technique est très rapide et efficace. Il est toujours possible de cogner légèrement sur les broches de culture si on produit dans une serre basse.

Sol et fertilisation

La fertilisation de la tomate de serre est basée sur le prélèvements des nutriments par la culture, des analyses de sol et du stade de la culture. Il s'agit donc d'une pratique culturale propre à chaque entreprise et pour laquelle il peut être souhaitable de demander à un conseiller de préparer un plan de fertilisation adapté. La fertilisation est cruciale en production de tomates de serre, car une carence peut entraîner une perte de vigueur, une baisse de rendement et une baisse de qualité.

Pour chaque kg de tomate produit par m² (Turcotte et coll, 2015) on peut prévoir d'apporter:

  • 0,3 kg de N/100 m²
  • 0,1 kg de P2O5/100 m²
  • 0,4 kg de K2O/100 m²
  • 0,3 kg de Ca/100 m²
  • 0,1 kg de Mg/100 m²

Donc, si on prend le rendement moyen d'une serre en maraîchage biologique de 25 kg/m2, il faudra prévoir :

  • 7,5 kg de N/100 m²
  • 2,5 kg de P2O5/100 m²
  • 10 kg de K2O/100 m²
  • 7,5 kg de Ca/100 m²
  • 2,5 kg de Mg/100 m²

Si la serre fait 280 m² (3000 pi2), il faudra prévoir:

  • 2100 kg de N
  • 700 kg de P2O5
  • 2800 kg de K2O
  • 2100 kg de Ca
  • 700 kg de Mg

Une fertilisation qui est donc riche en azote, en potassium et en calcium pour laquelle il n’est pas possible de fertiliser juste une fois au début de la production et penser obtenir une production régulière par la suite. Il est donc de mise de fractionner la fertilisation, en appliquant une dose aux deux ou trois semaines. Puisqu'il faut tenir compte du stade de la culture, en début de production, lorsque la culture est au stade 3 grappes (environ 12-14 feuilles), on mettra une dose de 2,5 fois plus faible que celle appliquée lorsque la culture est à maturité. Entre ces deux stades, les doses seront augmentées graduellement.

Un problème majeur dans la plupart des sols de serres biologiques est qu’ils deviennent trop riches en éléments nutritifs et en matière organique en raison des apports répétés et importants de composts. Des valeurs de 400 à 500 kg/ha de phosphore et de potassium seraient acceptables. Malheureusement, on observe souvent des niveaux de phosphore, de potassium et de magnésium qui excèdent 1 000 kg/ha, ce qui est à la fois trop et déséquilibré. De plus, lorsque le taux de matière organique est trop élevé (plus de 20 %), le système devient moins productif.

Un autre problème relié à la fertilisation avec du compost est que le pH augmente d’année en année, ce qui rend certains éléments nutritifs peu disponibles (fer et manganèse par exemple). Afin d’enrayer le problème d’enrichissement excessif des sols de serres, il faut diminuer les apports de compost (qui n’est pas un engrais équilibré pour la tomate de toute façon) et compléter avec des fumiers granulés, de la farine de plumes, de sang ou de luzerne. Il faut également utiliser certains engrais minéraux naturels comme le sulfate de potassium, le sulfate de magnésium, le sulfate de manganèse, le bore et le molybdate de sodium.

En ce qui concerne les analyses de sol en production biologique, on devrait toujours réaliser deux types d’analyses par échantillon : l’analyse standard (Mehlich III) avant le début de la production et l’analyse SSE, à quelques reprises au cours de la production. La première renseigne sur les réserves du sol et la seconde, sur ce qui est immédiatement disponible pour le plant. Même si l’analyse de sol standard indique qu’il n’y a aucun manque, des carences en potassium ou en magnésium sont possibles et fréquentes. Les besoins en éléments nutritifs sont tellement élevés que le sol n’est pas toujours en état de les fournir à une vitesse adéquate. L’analyse SSE permet de repérer les manques et donc d’intervenir, le cas échéant. Les carences en potassium causent, entre autres, un mûrissement inégal de la tomate (surtout en période de chaleur élevée); celle-ci reste verte et dure du coté du pédoncule. Les carences en magnésium sont facilement observables sur les feuilles du bas de la plante; les nervures sont vertes et les zones entre les nervures, plus jaunes. En complément à ces analyses, il est souhaite de mesurer la conductivité électrique (CE) du sol avec un salinomètre de poche. Cette mesure indirecte du niveau de fertilité peut aider à ajuster les doses de fertilisants à la hausse comme à la baisse. En début de culture une CE de 1,5 mS/cm sera suffisante, mais à maturité, la tomate appréciera un sol ayant une CE de 3,5 mS/cm.

Le guide de production poivron et tomates biologiques sous abris propose un chapitre complet sur la fertilisation et représente une référence incontournable pour approfondir ces notions.

Irrigation

Un mouillage abondant est requis suite à la transplantation pour bien démarrer les plants. L’irrigation goutte-à-goutte ne suffit pas à cette étape, mais elle convient par la suite. Il faut donc prendre le temps d'arroser les mottes de terreau pendant la première semaine, le temps que l'enracinement soit redémarré. Il est aussi possible de rapprocher les gouttes-à-gouttes des plants dans les premières semaines suivant la transplantation et de les déplacer ensuite.

Une culture de tomate en pleine production peut nécessiter un apport jusqu’à 7 litres d’eau par m2 par jour en été (en sol sableux par exemple), même s’il ne consomme que 6 litres d’eau par m2 par jour, le reste étant perdu dans le sol. On recommande une consommation de 1,8 à 2 ml d’eau/m²/joule/cm² ; durant une belle journée, on peut accumuler jusqu’à 3 000 joules/cm². Il importe donc de bien planifier les arrosages afin d’éviter d’en mettre trop à la fois ou pas assez. Pour éviter le fendillement des fruits et la saturation du sol en eau, il faut idéalement fournir l’eau en plusieurs cycles d’irrigation entre le matin (trois heures après le lever du soleil) et le milieu de l’après-midi. Un sol ne doit jamais être trop mouillé lorsqu’arrive la nuit. Les cycles d’irrigation peuvent être contrôlés par une simple minuterie (exemple : 5 minutes par heure en sol sableux pendant l’été). Toutefois, ce n’est pas l’idéal, car les besoins en eau varient selon la croissance des plants, elle-même variant avec l’ensoleillement et la température. Il s’agit tout de même d’un compromis acceptable, puisqu’un système automatisé relié à un tensiomètre ou réagissant à l’ensoleillement est beaucoup plus coûteux.

Les paramètres utilisés pour un sol de serre biologique sont similaires à ceux utilisé pour un sol de champ (capacité de rétention en eau, réserve utile, etc.) L’achat d’un ou deux tensiomètres aidera à bien évaluer si le sol a besoin d’eau ou non, et ce, en suivant les indications du fabricant du tensiomètre.

Ravageurs, maladies et plantes adventices

Les principaux ravageurs de la tomate de serre sont l’aleurode, les thrips et les acariens, et peuvent être contrôlés par des méthodes de lutte biologique (Tableau 3). Les fournisseurs d’agents de lutte biologique (voir la liste) sont en mesure de renseigner sur la meilleure stratégie à adopter pour une lutte biologique efficace. Il faut introduire les auxiliaires lorsque le ravageur apparaît. Cela implique un dépistage des ravageurs ailés à l’aide de pièges collants installés au-dessus des cultures et un dépistage des ravageurs qui ne volent pas, tels que les acariens, en examinant périodiquement le feuillage.

Il y a plusieurs autres ravageurs. Les cloportes, par exemple, peuvent devenir un problème après quelques années. S’ils sont trop nombreux, ils peuvent gruger les tiges et ralentir la croissance des plants. Comme moyen de lutte, André Carrier suggère de placer un collet en plastique à la base des plants, car les cloportes sont incapables de s’agripper à du plastique. Les nématodes s’attaquant aux racines peuvent aussi devenir un problème. L’utilisation de porte-greffes tolérants ou résistants est alors à privilégier.

Il existe des moustiquaires très fins qui préviennent l’entrée des thrips. Ces moustiquaires sont efficaces, mais nuisent à l’aération naturelle de la serre. Au Québec, les moustiquaires devraient servir principalement à prévenir l’entrée d’insectes d’une bonne taille, tels la chrysomèle rayée du concombre, la punaise terne et les papillons, et pour lesquels il n’y a pas vraiment de solution efficace. Un moustiquaire domestique est efficace et peu dispendieux, et devrait être utilisé.

En cas d’urgence, les produits de traitement permis en agriculture biologique peuvent être utilisés en serre. Cependant, on ne doit pas oublier qu’ils affecteront aussi les agents de lutte biologique. Le savon insecticide est en général assez efficace contre les ravageurs à corps mou ou très petits (exemples : aleurodes, thrips et pucerons).

Pour plus d’information sur les pucerons et les thrips, voir Lambert (2006) et Lambert (1999a et 1999b) respectivement.

Tableau 3. Ravageurs des cultures en serre et agents de lutte biologique disponibles commercialement1

Ravageurs Agent de lutte biologique
Aleurodes

(mouches blanches)

Amblyseius swirskii (acarien prédateur)

Delphastus pusilus (coléoptère prédateur)

Encarsia formosa (guêpe parasitoïde)

Eretmocerus eremicus (guêpe parasitoïde)

Eretmocerus mundus (guêpe parasitoïde)

Pucerons Adalia bipunctata (coccinelle 2 points)

Aphelinus abdominalis (guêpe parasitoïde)

Aphidoletes aphidimyza (cécidomyie prédatrice)

Aphidius colemani (guêpe parasitoïde)

Aphidius ervi (guêpe parasitoïde)

Aphidius matricariae (guêpe parasitoïde)

Coleomagilla maculata (coccinelle 12 points)

Chrysopa carnea (chrysope prédatrice)

Episyrphus balteatus (mouche prédatrice)

Harmonia axyridis (coccinelle asiatique)

Hippodamia convergens (coccinelle)

Acariens

(tétranyques et autres)

Amblyseius fallacis (acarien prédateur)

Amblyseius californicus (acarien prédateur)

Amblyseius swirskii (acarien prédateur)

Dicyphus hesperus (punaise prédatrice)

Feltiella acarisuga ou Therodiplosis persicae

Phytoseiulus persimilis (acarien prédateur)

Stethorus punctillum (coccinelle)

Thrips Hypoaspis aculeifer (acarien prédateur) ou Hypoaspis miles (acarien prédateur)

Amblyseius cucumeris (acarien prédateur) ou Amblyseius degenerans (acarien prédateur) ou Amblyseius swirskii

Orius insidiosus (punaise prédatrice) ou Orius laevigatus (punaise prédatrice)

Orius majusculus (punaise prédatrice)

Steinernema feltiae (nématode)

Sciarides Hypoaspis aculeifer (acarien prédateur) ou Hypoaspis miles (acarien prédateur)

Steinernema feltiae (nématode)

Mineuses Dacnusa sibirica (guêpe parasitoïde)

Dicyphus hesperus (punaise prédatrice)

Diglyphus isaea (guêpe parasitoïde)

Cochenilles Cryptolaemus montrouzieri (coccinelle)

Leptomastix dactylopii (guêpe parasitoïde)

Chenilles Dicyphus hesperus (punaise prédatrice)

Hypoaspis aculeifer (acarien prédateur)

Posidus maculiventris (punaise prédatrice)

Trichogramma pretiosum (guêpe parasitoïde) ou Trichogramma brassicae (guêpe parasitoïde)

Bacillus thurigiensis var. kurstaki (Bt)

Notes

  1. Les agents en caractères gras ont des usages multiples.

Pour prévenir les maladies en serre, on vise un taux d’humidité relative inférieur à 80%. L’utilisation de variétés résistantes, la greffe contre la racine liégeuse de la tomate (problème apparaissant souvent après deux ans de production) et l’enlèvement rapide des parties atteintes sont aussi de bonnes pratiques.

Une des principales maladies de la tomate de serre est la moisissure grise (Botrytis cinerea). Les biofongicides (exemples : Gliocladium catenulatum et Bacillus subtilis (souche QST 713) maintenant disponibles sont de bons outils de lutte pour autant qu’ils soient utilisés de façon préventive. La moisissure olive pose moins de problèmes qu’auparavant grâce aux cultivars résistants dits « C5 », car ils résistent à cinq souches du champignon.

Des maladies sous forme bactérienne; Chancre bactérien (CCM), ou virale; Virus de la mosaïque du pépino (PepMV) et Virus du fruit rugueux brun de la tomate (ToBRFV) sévissent depuis quelques années et causent de grandes pertes aux entreprises touchées et donnent des maux de têtes aux producteurs et productrices concernés. Pour plus d’information sur les maladies des cultures en serre, voir les sites suivants IRIIS (Québec) ou Éphytia (France)

En ce qui concerne les plantes adventices, la stratégie la plus simple consiste à placer des toiles de paillage ou des paillis plastiques épais au sol dans les allées et sur la majeure partie des plate-bandes (Figure 1). Sur les rangs, le désherbage se fait à la main. Il est recommandé de tondre l’herbe au pourtour extérieur de la serre pour éviter l’entrée de ravageurs et de graines de mauvaises herbes. L’idéal est de placer un géotextile (75 à 100 cm de largeur) tout autour de la serre et de le recouvrir de gravier ou de paillis inerte, afin qu’il soit facile d’entretien et éloigne la vermine telle que les rongeurs.

Récolte, emballage et conservation

Les tomates sont récoltées en début de matinée. Si elles sont récoltées aux deux jours, il en résultera une meilleure uniformité quant à leur stade de mûrissement. La cueillette se fait manuellement, en pinçant le pédoncule là ou un "coude" se forme afin de conserver les sépales en guise de signe de fraîcheur. Il est aussi possible de faire cette opération avec un couteau ou une paire de sécateur. On les place dans des boîtes de récolte en une seule couche pour ne pas les endommager. Dans le cas des heirlooms, il est souvent préférable de les placer la tête à l'envers dans les boîtes car la base de la tomate est habituellement plus fragile. Pour les tomates cerises, on peut utiliser des sacs de récolte et empiler quelques couches, mais sans trop exagérer. Il faut ensuite sortir la récolte rapidement de la serre pour ne pas les laisser dépérir à la chaleur. Une fois que tout les fruits sont récoltés, il faut tailler les rafles (pédoncules vides), afin d'éviter l'entrée de maladie.

Les fruits cueillis à maturité ou à mi-maturité peuvent être conservés à une température de 10 à 12 °C et à un taux d’humidité de 90 à 95 % pendant quelques jours seulement. Plus la maturité est avancée, meilleure est le goût, mais moins la tomate se conservera longtemps. Si on décide de cueillir les tomates quand elles commencent à rosir, donc avant leur pleine maturité, elles pourront terminer leur maturation si on les entrepose à une température de 14 à 16 °C pendant environ une semaine. Certains fruits font du micro-fendillement, peu visible à l’œil nu, ce qui reste de causer un flétrissement des fruits si ils sont cueillis trop mûres.


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