Régie après la germination

De Wiki maraîcher
Guide 03-02-05
Aller à :navigation, rechercher
Production


Le contenu qui suit est issu de :

Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

Pour contribuer, vous pouvez commenter (en bas de page) ou démarrer une discussion sur le sujet (bouton « … » en haut à droite). Pour modifier le contenu, veuillez contacter les auteur·rices ou écrire à l’équipe du WM. Pour suivre l'évolution de cette page, sélectionnez l'option à cet effet dans le menu "...".


Climat

Les températures optimales sont indiquées dans le tableau 1. Lorsque 50 % des plantules ont émergé, il faut abaisser progressivement la température de l’air pour atteindre la température la plus élevée indiquée. Par la suite, on continue d’abaisser la température jusqu’à la température minimale indiquée pour le dernier quart de la durée du cycle de production. Tout en appliquant une restriction adéquate de l’irrigation, on peut ainsi contrôler l’élongation et préparer les plants pour la transplantation. Il est souvent préférable d’avoir au moins 2 serres ou 2 sections pour pouvoir appliquer des conduites du climat différentes. Cela est toutefois difficile à réaliser sur les petites fermes.

La ventilation de la serre est très importante afin d’y maintenir un faible taux d’humidité relative Il y a plus de risques de maladies foliaires et de désordres physiologiques lorsque l’humidité est élevée. Idéalement (Parr, 2007), l’humidité relative devrait être de :

  • 60-70 % lorsque la température de l’air est de 16 °C;
  • 65-75 % lorsque la température de l’air est de 18 °C;
  • 70-80 % lorsque la température de l’air est supérieure à 20 °C.

Tableau 1. Température optimale pour le développement de différents plants de légumes et durée du développement (Parr, 2007)

Cultures Température de développement de l’émergence jusqu’à la transplantation1

(Co)

Nombre de semaines entre le semis et la transplantation (incluant l’endurcissement) Particularités
Brocoli, chou, chou-fleur, chou chinois 21-15 4-5 Éviter les stress (température trop basse, arrosage inadéquat, excès d’endurcissement) pour le chou-fleur, sinon il risque de produire une inflorescence prématurément.
Céleri 21-16 7-6 Les nuits fraîches sont nuisibles.
Concombre, melon d’eau, cantaloup 24-16 2-3 Transplanter au stade deux feuilles.
Laitue 20-12 3-4
Oignon 21-7 7-8 Le feuillage peut être coupé à 10 cm à une ou deux reprises. L’oignon préfère des cellules profondes.
Poivron, aubergine 22-16 6-7 Éviter tout stress hydrique en cours de production. Il est préférable d’utiliser de grosses cellules. En agriculture conventionnelle, il est recommandé de rincer le feuillage après la fertilisation, car il y a risque de brûlure par temps ensoleillé. Ces plantes ont besoin de chaleur pour la mise à fruit.
Tomate 21-15 5-6 La couleur mauve au-dessous des feuilles peut être causée par une température trop basse. Le rythme de croissance au champ est très ralenti avec une irrigation, une fertilisation insuffisante ou des températures trop basses en serre.

Notes

  1. La température la plus élevée est celle qui est recommandée au début de la période de développement. Elle doit être graduellement abaissée pour freiner la croissance en hauteur des plants sans toutefois descendre plus bas que la température minimale indiquée.

Source : Parr (2007), Tremblay et Sénécal (1991)

Il faut s’assurer de maintenir la température au-dessus de 10 °C. Les légumes de saison chaude (tomates, poivrons, aubergines et cucurbitacées) peuvent subir un coup de froid si la température est en dessous de 10 °C pendant une longue période. Cela entraîne un ralentissement de la croissance qui peut se prolonger longtemps après le repiquage au champ.

Des températures élevées au cours des 3 ou 4 premières heures après le lever du soleil entraînent un allongement excessif des plants. Il est bon d’abaisser la température de la serre de 4 à 5 °C pendant cette période (tout en la maintenant au-dessus de 10 °C).

Fertilisation des transplants

En agriculture biologique, la tendance a souvent été d’utiliser beaucoup de compost dans le terreau, ce qui évitait la plupart du temps d’avoir recours à la fertigation. Comme cette technique est risquée au niveau de la salinité, certain·es producteur·rices utilisent un terreau pauvre pour les semis et un terreau plus riche pour le repiquage. Une autre option consiste à utiliser des terreaux contenant seulement 15-20 % de compost et à fertiguer par la suite. Comme il y a peu d’information sur cette question en agriculture biologique, il faut regarder ce qui ce fait en agriculture conventionnelle et l’adapter. En agriculture conventionnelle, comme le terreau est pauvre, les transplants sont fertilisés soit à chaque arrosage, soit à tous les deux ou trois arrosages.

En production conventionnelle, il est recommandé de commencer à fertiliser lorsque les cotylédons de la majorité des plantules sont déployés. On commence avec une concentration de 50 ppm d’azote, pour augmenter ensuite progressivement jusqu’à 150-200 ppm. Il est recommandé d’utiliser un fertilisant avec un ratio N/P2O5/K2O de 3/1/2. Le phosphore favorise l’élongation des entrenœuds, et comme il est préférable de produire des plants courts et trapus, on essaie d’en mettre aussi peu que possible. L’agent mouillant est essentiel pour une bonne pénétration des engrais dans la motte. Le choix des agents mouillants en agriculture biologique est malheureusement restreint.

Pour savoir quel est l’apport en N-P2O5-K2O de 1 ml/L d’un produit donné, il faut multiplier le résultat d’analyse par 10. Par exemple, 1 ml/L d’émulsion de poisson présentant une analyse de N-P2O5-K2O en pourcentage de 5-1-1 fournira 50 ppm de N, 10 ppm de P2O5 et 10 ppm de K2O.

En agriculture biologique, l’émulsion de poisson ou les algues on été fréquemment utilisées pour la fertilisation des transplants. Actuellement, d’autres fertilisants liquides autorisés en agriculture biologique sont vendus sur le marché. Le tableau 2 présente quelques produits normalement utilisés tout en indiquant l’apport d’une dose de 1 ml/L de chacun.

Tableau 2. Exemples de fertilisants liquides pour les transplants

Produits N-P2O5-K2O (%)1 Apport de 1 ml/L (ppm)

Émulsion de poisson

5-1-1 50-10-10

Algues Acadies

0,4-1,7-6,5 4-17-65

Bio-mer® (algues et poisson)

3-2-2 30-20-20

Apport recommandé en agriculture conventionnelle

50 ppm de N au départ, puis augmentation graduelle jusqu’à 200 ppm de N2

Notes

  1. Il est à noter qu’avec ces fertilisants, on connaît l’apport total en N-P-K, mais pas la fraction rapidement disponible à la plante.
  2. Certain·es producteur·rices en appliquent à tous les arrosages, d’autres alternent les arrosages nutritifs et les arrosages à l’eau claire. Il faut parfois lessiver pour éviter l’accumulation de sels dans le terreau.

Avec une bonne fertilisation liquide, il devrait donc être possible de produire des transplants en prenant moins de risques qu’avec l’utilisation d’une quantité importante de compost dans le terreau. La fertilisation à base de compost est intéressante pourvu que l’on maîtrise bien les conditions et que l’on connaisse bien le compost utilisé.

Certains producteur·rices biologiques remettent en question le fait de démarrer des plants en recourant à une méthode de culture qui s’apparente à l’hydroponique avant de les planter dans un sol où ils devront s’adapter à un mode de nutrition naturel.

Arrosage

L’arrosage des transplants est une opération délicate qui devrait être effectuée par une personne expérimentée. Il faut tenir compte des prévisions météorologiques et du stade de développement des transplants.

En pratique, il est bon d’effectuer un premier arrosage léger, puis un ou quelques passages de plus pour favoriser une bonne pénétration de l’eau. On essaie de diriger le jet le plus précisément possible afin de bien répartir l’eau.

L’eau doit être de bonne qualité. Le pH, la salinité et le niveau de sodium doivent être vérifiés régulièrement, car la qualité de l’eau n’est pas constante. Le pH devrait se situer entre 5,5 et 6,5. Un pH élevé diminue la disponibilité des éléments mineurs. Le pH peut être abaissé avec de l’acide citrique. Des niveaux élevés de sodium, de bicarbonates de calcium ou de magnésium de même qu’une salinité élevée favorisent la pourriture des racines (Lambert, 2006). Un niveau de bicarbonates élevé peut aussi provoquer des chloroses. L’alcalinité de l’eau, exprimée en équivalent CaCO3, doit être inférieure à 100 ppm. Il est facile de diminuer le taux de bicarbonates en acidifiant l’eau avec de l’acide citrique. Pour plus d’information, on peut se référer au document intitulé Une analyse d’eau et de terreau, c’est important (Lambert, 2006).

« Il est important de faire analyser son eau d’irrigation. Nous avons un problème de salinité et de pH élevés. Nous devons nous ajuster, et ce n’est pas facile. Nous envisageons d’utiliser un filtre à osmose inversée. »

Les transplants doivent être maintenus dans un substrat humide jusqu’au stade cotylédons. Lorsque les vraies feuilles apparaissent, il faut laisser sécher le sol partiellement entre deux arrosages. Une alternance entre les cycles secs et humides permet d’obtenir un meilleur développement racinaire que si le terreau est maintenu toujours humide. Certains producteur·rices expérimenté·es laissent même flétrir légèrement les plants entre les arrosages à partir du moment où la première vraie feuille est développée. Attention! Il faut effectuer un suivi serré pour éviter que les plants meurent.

Voici quelques règles à suivre :

  • arroser le matin pour que le feuillage et la surface du terreau s’assèchent le plus vite possible;
  • arroser en profondeur pour que le système racinaire se développe jusqu’au fond des cellules;
  • arroser jusqu’à ce que de 10 à 20 % de la quantité d’eau d’arrosage s’égoutte par le fond des cellules pour éliminer l’excès de salinité.
  • planifier l’arrosage de façon à ce que les plants soient secs juste avant une période nuageuse. Cela permet d’éviter que le terreau soit humide trop longtemps, ce qui fait pousser les plants en longueur.

Lorsque l’arrosage est trop abondant, les conséquences peuvent être néfastes (IQDHO, 1998) :

  • feuillage abondant, feuilles grandes mais fragiles;
  • croissance rapide, mais plants plus étiolés;
  • dommages racinaires causés par l’asphyxie des racines;
  • résistance moindre au transport et au repiquage;
  • flétrissement rapide en conditions sèches;
  • risque accru de maladies racinaires.

Un terreau trop humide ou un milieu trop salin favorisent les maladies racinaires. Un terreau humide favorise aussi l’établissement des sciarides, ces petites mouches noires qui pondent leurs œufs à la surface du terreau et dont les jeunes larves translucides s’attaquent au système racinaire.

Par ailleurs, comme le terreau sèche moins vite par temps nuageux, on a tendance à arroser moins souvent et la salinité peut augmenter.

Endurcissement des plants

L’endurcissement se fait généralement par les moyens suivants (Leblanc) :

  • réduction de la température de la serre par la ventilation, mais pas en dessous de 10 °C pour les plantes de saison chaude;
  • exposition des plants aux conditions extérieures pendant quelques jours, au soleil et à l’abri du vent. En cas de gel, il faut les rentrer dans la serre; si on ne peut le faire, il faut prévoir une mesure de protection d’urgence. On peut utiliser des bâches ou mettre les transplants sur une remorque que l’on pourra entrer dans une grange ou un garage.

Un producteur profite des conditions plus fraîches à l’extrémité d’une serre percée d’une grande porte pour entreposer ses plants, ce qui permet de les endurcir et de les protéger facilement en cas de gel.

Certaines plantes nécessitent une méthode d’endurcissement différente. Les ombellifères (céleri, fenouil, cerfeuil) sont idéalement endurcies en réduisant l’arrosage plutôt que la température; on laisse sécher le sol entre les arrosages. Cette méthode convient aussi à plusieurs autres espèces.

Le jour de la transplantation, il est bon d’arroser les plants le matin jusqu'à saturation de la motte et d’appliquer des engrais foliaires (algue ou émulsion de poisson).

Principaux problèmes

La fonte des semis

Il y a deux types de fonte des semis (Tremblay et Senécal, 1991) :

  • la fonte des semis de pré-émergence (Pythium et Phytophtora). Dans ce cas, la semence ou la très jeune plantule pourrit avant son émergence;
  • la fonte des semis de post-émergence (Rhizoctonia et Sclerotinia). Dans ce cas, la pourriture se développe à la base des tiges (collet) et fait tomber les plants. Il se peut aussi que l’étranglement soit seulement partiel et que le plant reste debout. On observe alors une couleur noirâtre de la tige au niveau de l’étranglement.

Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de la fonte des semis :

  • l’utilisation d’une eau contaminée (provenant d’un étang par exemple);
  • un équipement contaminé (tables, multicellules, contenants utilisés pour les liquides);
  • une infrastructure contaminée (serre, équipement d’irrigation, films de polyéthylène…);
  • la présence des microorganismes contaminant le terreau.

Un arrosage trop abondant qui garde le terreau humide pendant de longues périodes aggrave le problème. Les terreaux pré-humectés gardés plus d’un an risquent davantage d’être contaminés. Il faut aussi désinfecter les objets contaminés.

Plusieurs biofongicides sont homologués pour lutter contre les maladies racinaires dans les cultures en serre (voir le module 10, chapitre 10 pour consulter la liste des biofongicides disponibles). D’autres méthodes de lutte sont décrites dans Duval (1991).

Les algues sur les semis

Les algues sont véhiculées par l’eau d’irrigation et l’air. Elles se développent là où il y a de l’eau et de la lumière. Leur développement signale donc une humidité élevée, qui peut être reliée à plusieurs facteurs :

  • un terreau trop compact;
  • des arrosages trop fréquents qui ne laisse pas le terreau s’assécher;
  • un mauvais temps persistant qui rend difficile la gestion de l’irrigation.

Les algues peuvent former une croûte qui gêne l’humectage du terreau et étouffe les jeunes plantules. La croûte est surtout dommageable durant la période comprise entre le semis et le développement de la première vraie feuille.

Il existe plusieurs méthodes préventives :

  • recouvrir les cellules de vermiculite juste après le semis;
  • laisser le substrat sécher entre les arrosages;
  • choisir un substrat léger qui s’assèche bien;
  • s’assurer de ne pas compacter le substrat;
  • tenir la serre et son environnement propres afin de limiter la présence d’algues dans l’air;
  • contrôler l’humidité dans la serre (pas d’arrosages excessifs, pas de fuites d’eau, etc.);
  • nettoyer les réservoirs d’eau;
  • couvrir les réservoirs d’eau avec une couverture opaque;
  • s’assurer de garder le pH de l’eau inférieur à 7,6.

En cas de problème, voici quelques mesures pour améliorer la situation :

  • ventiler la serre pour évacuer l’humidité créée par les plants;
  • changer l’air de la serre et chauffer. Cela peut sembler du gaspillage, mais c’est nécessaire, surtout quand il n’y a pas beaucoup de soleil. Il ne faut pas arroser par temps nuageux et humide.

Désordres nutritionnels

Les désordres nutritionnels ne doivent pas être confondus avec les désordres environnementaux. Ces derniers sont liés à une gestion inadéquate de l’humidité de la serre ou du substrat, de la température ou de la lumière. Les symptômes des désordres nutritionnels sont variables selon le problème (feuilles enroulées vers le haut ou vers le bas, feuilles gaufrées ou bosselées, taches foliaires pâles en forme de V, mauvais développement racinaire, etc.). On peut trouver une clé de diagnostic dans le livre Les techniques de cultures en multicellules (Vallée et Bilodeau, 1999).

Les symptômes d’un excès de salinité sont les suivants :

  • faible germination, voire aucune germination;
  • manque de vigueur;
  • croissance insuffisante;
  • mauvais développement des racines.

Les symptômes de plusieurs carences minérales sont décrits dans le tableau 3.

Tableau 3. Symptômes de quelques carences minérales

Carence Symptôme Problème environnemental causant un symptôme similaire
Azote Feuilles basales jaunes Excès ou manque d’eau, maladies racinaires, température trop froide du substrat
Phosphore Dessous des feuilles pourpre Température trop froide, dégradation du système racinaire
Potassium Pourtour nécrosé des feuilles basales Excès d’engrais, manque d’eau, excès de sodium. Humidité atmosphérique trop faible
Fer, manganèse, magnésium Feuilles jaunes; en général, pour les carences en éléments mineurs, ce sont les feuilles terminales qui jaunissent. Excès d’eau, maladies racinaires, température trop froide du substrat, excès de calcium, pH trop élevé

Un système racinaire peu développé peut être dû aux facteurs suivants :

  • une mauvaise aération ou mauvais drainage du substrat;
  • un excès de salinité;
  • une température racinaire trop basse.


Sommaire du guide
Mots clés

Aucun mot clé.

Une réalisation de

Centre d'expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité
Coopérative pour l'agriculture de proximité écologique
L'Odyssée bio de Gigi
Procédurable