L’égouttement, un incontournable

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Guide 04-01-02
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Le contenu qui suit est issu de :

Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

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Dans nos régions, le facteur qui limite le plus la productivité et les rendements est l’égouttement des sols, qui se réalise par le drainage souterrain et le drainage de surface. Dans un premier temps, on s’assure que le drainage de surface est adéquat, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de zones d’accumulation d’eau au champ. Il faut également s’assurer que les réseaux de cours d’eau et fossés évacuent l’eau adéquatement. Ils doivent être assez profonds et avoir une bonne pente. Dans la plupart des cas, il faut aussi améliorer le drainage souterrain en y installant des tuyaux de drainage. Dans tous les cas, bien que le drainage souterrain puisse avoir un effet immédiat, il faut compter quelques années avant qu’il soit maximisé.

A priori, l’investissement requis pour assurer un bon drainage peut sembler coûteux, surtout en ce qui concerne le drainage souterrain. Toutefois, il ne fait aucun doute qu’il est vite rentabilisé par l’obtention de rendements adéquats et de produits de qualité, et par la plus grande facilité avec laquelle on peut effectuer les travaux. Dans le cas de l’implantation de cultures pérennes telles que le bleuet, l’asperge ou les arbres fruitiers, il est impératif de corriger la situation au préalable.

Drainage de surface

L’eau ne doit s’accumuler à aucun endroit dans le champ. Les zones basses, où l’eau s’accumule après de fortes pluies ou la fonte des neiges, restent humides plus longtemps. Le sol y est souvent compacté et les cultures y poussent moins bien, devenant ainsi des foyers de développement potentiels de certaines maladies, tel le mildiou de la pomme de terre.

Pente du champ

La topographie doit permettre à l’eau de surface de s’écouler vers les fossés ou les cours d’eau. Les champs en cuvettes, par exemple, ne permettent pas à l’eau de s’écouler vers les fossés, ce qui nécessite certaines corrections. Dans les parcelles très plates où l’eau s’infiltre lentement, il peut être nécessaire de modifier la configuration de la surface en créant des pentes pour évacuer l’eau plus rapidement.

Dans certains cas, il est possible de donner un relief arrondi à une parcelle relativement étroite en décidant du plan de labour. Un labour qui commence au centre de la parcelle créera, avec les années, un faîte au milieu de celle-ci. La culture sur billons ou sur planches surélevées peut aussi aider à l’égouttement.

Le nivellement du sol peut permettre de corriger une pente ou donner une pente à un sol trop plat. Pour de petites corrections, une lame niveleuse est un bon investissement. Elle servira aussi à égaliser les chemins de ferme à l’occasion. Toutefois, il est important de ne pas trop amincir la couche de sol arable en surface; les légumes poussent très mal sur un sol décapé ! Il vaut mieux faire appel à des gens d’expérience avant de se lancer dans des travaux de nivellement sur des surfaces importantes. Il est très difficile d’évaluer les pentes de terrain à l’œil nu. Il faut parfois effectuer des mesures à l’aide d’un niveau ou d’un GPS et un bon relevé micro-topographique est essentiel. Il faut veiller à ne pas déplacer trop de terre et, si possible, à mettre de côté l’horizon de surface avant de niveler intensément. Cet horizon sera replacé par-dessus le sous-sol une fois le nivellement terminé. Une telle précaution est coûteuse mais essentielle, sinon les rendements dans les zones décapées seront pratiquement nuls.

Si la quantité de terre qui doit être déplacée est trop grande à cause d’un relief important, d’autres solutions sont à envisager, notamment l’installation de systèmes de drainage partiels dans les zones plus humides (parfois en plus du système de drainage déjà présent) ou de systèmes de captage des eaux (voir plus loin).

Baissières

Il faut s’assurer qu’il n’y a pas de baissière car en général l’eau s'y accumule (Figure 1). Le cas échéant, il faut voir à régler ce problème, même si le champ comporte des drains souterrains. Un système de drainage est conçu pour rabattre la nappe phréatique, pas pour absorber l’excès d’eau qui se retrouve dans les zones basses du champ. En effet, ces dernières reçoivent beaucoup plus d’eau que le reste du champ, car l’eau provenant des zones avoisinantes plus élevées s’y accumule.

Petites baissières bien visibles

Baissière visible seulement au printemps lorsque le sol sèche plus lentement que dans le reste du champ, en raison d’une faible pente

Figure 1. Exemples de baissières


Les baissières qui ne sont pas trop importantes peuvent être comblées avec du sol. Si le nivelage des baissières implique un déplacement de sol trop important, il vaut mieux installer un système de captage des eaux. Dans ce cas, l’eau est acheminée à l’aide d’un puits de roche, d’une tranchée filtrante ou d’un avaloir vers le fossé. Ces installations sont bien décrites dans des documents portant spécifiquement sur ces sujets et qui sont disponibles sur Agri-réseau (voir la série de documents sous Guillou 2008a et 2008b, Potvin 2008, et Stämpfli et al., 2007a, 2007b, 2007c, 2007d, 2007e). Les baissières peuvent aussi être reliées à un fossé par une rigole lorsque cela est possible.

Pour l’installation d’avaloirs ou de petites sections de drains, il est souvent possible d’identifier un·e voisin·e qui possède une « pépine » (chargeuse-pelleteuse). Enfin, on peut facilement trouver ou fabriquer soi-même une charrue à rigoles constituée de deux lames ou panneaux en pointe. Cet outil fort simple permet de tracer des rigoles aux endroits clés du champ, qui assureront une évacuation rapide de l’eau à l’automne et au printemps. Ces rigoles ne sont souvent que temporaires.

Pour plus d'information sur la correction des problèmes de drainage souterrain, voir les fiches de Stämpfli et al. (2007) et Guillou (2008).

Drainage naturel et souterrain

Au Québec, de nombreux sols sont naturellement mal drainés. Deux facteurs importants influencent le drainage naturel d’un sol : sa perméabilité et sa position topographique. En général, si le sol est peu perméable à une profondeur de 0,5 à 1,5 m, on peut s’attendre à un mauvais drainage naturel, et ce, quelle que soit la texture du sol de surface. Par exemple, si un sol sableux d’une épaisseur de 1 m repose sur un sol très argileux ou limoneux, la percolation de l’eau est ralentie et l’eau stagne dans la partie sableuse. Certains dépôts glaciaires (tills) peuvent aussi être peu perméables. On reconnaît ce type de dépôt à la présence de roches. D’autre part, même lorsqu’ils sont perméables, les sols en bas de pente ou dans les zones basses sont naturellement mal drainés, car l’eau s’y concentre. Seuls certains sols à la fois assez perméables (sols grossiers profonds par exemple) et situés en hauteur sont naturellement bien drainés.

Si le sol n’est pas très bien drainé naturellement et que la nappe d’eau est élevée une bonne partie de l’année, ce qui est très fréquent dans les sols du Québec, il faut installer un système de drainage souterrain dans les parcelles à cultiver. La figure 2 permet de constater la différence entre un champ non drainé (présence d’eau à la surface) et un champ drainé qui pourra être travaillé dans peu de temps. Il arrive aussi qu’un système de drainage fonctionne mal et doit être amélioré.


Figure 2. Différence d’assèchement au printemps entre un champ non drainé (brun foncé, au centre) et un champ drainé (clair, à droite)


L’excès d’eau est néfaste pour les cultures (Figure 3). Sur la photo de gauche, le niveau de la nappe phréatique est demeuré élevé en raison d’un drainage souterrain déficient et de pluies exceptionnellement abondantes, ce qui a limité l’enracinement et l’activité biologique. Par conséquent, les plantes n’ont pu puiser suffisamment d’éléments nutritifs dans le sol. Les racines ont aussi été asphyxiées par le manque d’oxygène dû à la présence excessive d’eau. Il n’a pas été possible de désherber correctement à cause de l’humidité du sol qui a empêché le passage de la machinerie. Les mauvaises herbes compétitionnent avec la culture pour les éléments nutritifs et accentuent le problème.

La moindre petite dépression vient par ailleurs aggraver l’impact d’un excès d’eau, les plantes qui s’y trouvent ne poussant pratiquement plus. Les plants sont stressés et fleurissent avant d’avoir suffisamment de feuillage pour donner un bon rendement. La croissance n’est donc pas uniforme d’un endroit à l’autre du champ (Figure 4).

État de la culture lors d’une saison excessivement humide

État de la culture lors d’une saison normale (même champ et même fertilisation)

Figure 3. Impact d’un excès d’eau sur le rendement



Figure 4. Impact d’un mauvais drainage et de la compaction


Il est facile de confondre un excès d’eau avec un problème de fertilité. Un sol mal drainé est souvent en mauvais état et compacté, ce qui limite encore plus les rendements. Le ressuyage rapide obtenu grâce au drainage souterrain diminue grandement les risques de maladies chez les plantes. Un mauvais drainage peut aussi retarder les désherbages ou empêcher de les faire au moment opportun, ce qui entraîne une perte de temps et, souvent, de rendements. Bref, lors d’une saison difficile, la présence d’un réseau de drainage souterrain peut faire la différence entre une réussite et un échec, tant au point de vue économique qu’agronomique. Il ne faut pas, par ailleurs, oublier l’effet négatif d’un retard de tous les travaux sur le moral des exploitants de la ferme et des employés.

Dans certains cas, surtout dans les sols en pente ou au relief ondulé, il pourra être suffisant d’installer un réseau partiel de drainage dans les endroits les moins bien drainés. Dans la majorité des cas, surtout en sol plat, un réseau complet est à envisager. S’il y a déjà un réseau de drainage souterrain en place, il se peut qu’il soit insuffisant pour la culture maraîchère, surtout si la terre était auparavant utilisée pour de grandes cultures. Il est alors possible d’améliorer le système existant en ajoutant de nouveaux drains entre les anciens, pour autant que leur emplacement soit bien repéré.

L’espacement entre les drains varie en fonction du type de sol et de sa perméabilité (Tableau 1). Comme le maraîchage exige un rabattement rapide de la nappe d’eau, les drains ont avantage à être rapprochés. En général, pour la production maraîchère, les plans de drainage sont calculés de manière à permettre un rabattement de la nappe de 50 cm par jour et une réentrée dans les champs 2 à 3 jours après une pluie abondante.

Même si le sol en surface semble perméable, les drains doivent être très rapprochés si le sol est peu perméable sous les drains.


Tableau 1. Exemples d’espacement entre les drains1

Perméabilité Exemple de type de sol Espacement entre les drains (m) Profondeur des drains (m)
Très faible Argile compacte sans structure, loam argileux compact 7-13 0,8-1,0
Faible Argile, argile limoneuse, limon sableux 8-15 0,9-1,1
Moyenne Limon, argile bien structurée 11-18 1,0-1,2
Élevée Sable ou gravier 14-28 1,0-1,32

Notes

  1. Données présentées à titre indicatif. Les entrepreneurs en drainage et leurs ingénieurs pourront déterminer avec précision l’espacement et la profondeur des drains requis pour chaque situation, et évaluer s’il est nécessaire d’enrober le drain avec une enveloppe géotextile pour empêcher les particules de sol d’y entrer.
  2. Lorsque les drains sont profonds, il y a un risque d’assèchement excessif.

Source : Beaulieu et al. (2005)

La pose d’un système de drainage souterrain est un investissement important, soit 2 500 $/ha en moyenne et même davantage pour un rabattement rapide de la nappe, l’idéal recherché en maraîchage. Le tuyau perforé de 10 cm (4 po) de diamètre typiquement utilisé dans les systèmes de drainage souterrain coûte environ 1,40 $/m et sa pose, environ 1,20 $/m.

Cet investissement est par contre vite récupéré grâce à l’augmentation des rendements et, surtout, à l’accessibilité plus rapide au champ au printemps et en saison après une pluie. Les travaux de toutes sortes (semis, transplantation, désherbage, pulvérisations, récolte, etc.) s’en trouvent facilités.

Certains producteurs pensent pouvoir remplacer un système de drainage souterrain en creusant un réseau de fossés autour des parcelles. Cette pratique est déconseillée, car la présence de nombreux fossés devient rapidement une nuisance pour la circulation, même si elle peut encourager la biodiversité sur la ferme. De plus, le rabattement de la nappe n’est pas aussi efficace qu’avec un drainage souterrain, les fossés doivent être entretenus et les risques d’érosion augmentent. Il est par contre justifié de creuser, à l’occasion, un ou quelques fossés qui agiront comme émissaires (réceptacles) pour le réseau de drainage souterrain.

Pour éviter des erreurs et des frais inutiles, il est fortement recommandé de faire affaire avec une entreprise spécialisée en drainage ou d’obtenir les conseils d’une personne très expérimentée en la matière avant d’entreprendre des travaux de drainage ou de creusage de fossés. Pour plus de détails sur le drainage souterrain, voir Beaulieu et al. (2005).


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