Calcul de la valeur fertilisante des fumiers et composts

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Guide 04-04-09
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Le contenu qui suit est issu de :

Oeuvre originale : Weill, A. et Duval, J. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

Révision : Weill, A., Legault, G., Bergeron, E., Méthé, A., La France, D., St-Arnaud, R., Roy, J., Khanna, R. et Gagné, G. (2022).

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Lorsque les fumiers et les composts sont utilisés comme fertilisants, il faut évaluer les quantités d’azote, de phosphore et de potassium disponibles pour les plantes au cours de la première année suivant l'application.

Fumiers

Le calcul de la valeur fertilisante des fumiers et lisiers est détaillé dans le Guide de références en fertilisation, au chapitre 10 (CRAAQ, 2013). Dans un souci de simplification, seules les données pour les situations les plus fréquentes en culture maraîchère biologique sont présentées (utilisation de fumier ou compost en sol léger ou loameux). Un résumé de la démarche est présenté ci-dessous.

Calcul de la quantité d’azote disponible

Pour les fumiers dont le rapport C/N est compris entre 12 et 30, la disponibilité de l’azote est calculée comme suit :


Ndisponible (kg/t) = Ntotal (kg/t) * CEN-total / Facteur de perte d’efficacité

Les coefficients d’efficacité (CE) en sol sableux et loameux sont donnés dans le tableau 1.

Tableau 1. Coefficient d’efficacité (CE) des fumiers pour les cultures peu exigeantes et exigeantes en sol sableux et loameux

C/N CE

Cultures peu exigeantes

CE

Cultures exigeantes

< 12 CE = 0,9 - (0,037 * C/N) CE = 1,0 - (0,037 * C/N)
13-15 0,3 CE = 0,81 - (0,026 * C/N)
16-20 0,25
21-25 0,15
25-30 0,10 0,15

Les facteurs de pertes (Tableau 2) tiennent compte de la période d’épandage et des délais avant l’incorporation. Pour profiter d’une valeur fertilisante la plus haute possible, il faut minimiser les pertes dans l’environnement. L’incorporation doit être immédiate et il faut, dans la mesure du possible, semer un engrais vert lors d’une application post-récolte.

Tableau 2. Facteurs de perte d’efficacité agronomique du CEN-total des fumiers solides ayant un rapport C/N ≤ 30

C/N
Printemps/Été Automne/Post-récolte
Délai incorporation (h) ≤ 12 13-15 16-20 20-30 ≤ 12 13-15 16-20 20-30
Immédiate 1,0 1,0 1,0 1,0 1,3 1,2 1,0 1,0
≤ 3 h 1,2 1,0 1,0 1,0 1,6 1,2 1,0 1,0
3-24 h 1,3 1,1 1,1 1,0 1,7 1,3 1,1 1,0
24-48 h 1,4 1,2 1,1 1,1 1,8 1,4 1,1 1,1
48 h – 7 j 1,5 1,3 1,2 1,1 2,0 1,5 1,2 1,1
Non incorporé 1,5 1,3 1,2 1,2 2,0 1,5 1,2 1,2

Source : CRAAQ (2013), adapté de CRAAQ (2003)

Un exemple de calcul est donné dans le tableau 3.

Tableau 3. Exemple de calcul de l'azote disponible en kg/t de fumier (base humide) pour des cultures exigeantes

Vache laitière Poulet Mouton
Caractéristiques du fumier
C/N 16 14 16
Ntotal (kg/t) 5,7 28 12
Coefficient d'efficacité (CE)

= 0,81 - (0,026 * C/N) (voir tableau 1)

0,39 0,45 0,39
Coefficient de pertes

Pour une incorporation en 24-48 h (voir tableau 2)

Printemps/été 1,1 1,2 1,1
Automne/postrécolte 1,1 1,4 1,1
Azote disponible (kg/t)

Ndispo = Ntotal * CE / coef. pertes

Printemps/Été 2,0 10,5 4,3
Automne/Post-récolte 2,0 9,0 4,3

Notes

Si l'application est faite tôt en automne et qu’un engrais vert est semé, les pertes sont moindres. Il y a deux possibilités pour faire le calcul dans cette situation :

Calcul de la quantité de phosphore et de potassium disponible

La disponibilité du phosphore et du potassium est calculée comme suit :

P2O5 disponible = P2O5 total * CE pour le phosphore / facteur de perte d’efficacité pour le phosphore

K2O disponible = K2O total *  CE pour le potassium / facteur de perte d’efficacité pour le potassium

Les coefficients d’efficacité pour le phosphore (CE) et les facteurs de perte d’efficacité pour le phosphore et le potassium sont donnés dans les tableaux 4 et 5.

Tableau 4. Coefficients d’efficacité (CE) pour le phosphore et le potassium

CE
P2O5 K2O
Fumiers 0,65 – 1* 0,8-1
Lisier 80 0,8-1

Notes

* On utilise la valeur maximale pour un fumier incorporé riche en matière organique (C/N supérieur à 15) et minimale pour épandage sur prairie avec un mauvais émiettement du fumier Source : CRAAQ (2013)

Tableau 5. Facteurs de pertes d’efficacité pour le phosphore et le potassium

Facteurs de perte d’efficacité
P2O5 K2O
Durant la saison 1 1
Post-récolte 1,6 Argiles ou loams : 1,1

Sables : 1,4

Source : CRAAQ (2013)

Un exemple de calcul pour le phosphore et le potassium est donné dans les tableaux 6 et 7.

Tableau 6. Exemple de calcul du phosphore disponible en kg/t de fumier (base humide)

Vache laitière Poulet Mouton
Caractéristiques du fumier
P2O5 (kg/t) 3,6 23 6
CE (voir tableau 4)
0,65 0,65 0,65
Coefficient de pertes (voir tableau 5)
Printemps/Été 1 1 1
Automne/Post-récolte 1,6 1,6 1,6
Calcul du P2O5 disponible (kg/t)

P2O5 dispo = P2O5 total * CE / coef. perte

Printemps/Été 2,3 15,0 3,9
Automne/Post-récolte 1,5 9,3 2,4

Tableau 7. Exemple de calcul du potassium disponible en kg/t de fumier (base humide)

Vache laitière Poulet Mouton
Caractéristiques du fumier
K2O (kg/t) 5,3 18 16
CE

(voir tableau 4)

1 1 1
Coefficient de pertes

(voir tableau 5)

Printemps/Été 1 1 1
Automne/Post-récolte 1,1 1,1 1,1
Calcul du K2O disponible (kg/t)

K2Odispo = K2Ototal * CE / coef. perte

Printemps/Été 5,3 18,0 16,0
Automne/Post-récolte 4,8 16,4 14,5

Composts

Pour les composts, les pertes par volatilisation de l’ammoniac (NH3) lors de l’épandage sont pratiquement nulles. Selon le guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2013), le coefficient d’efficacité (CE) des composts varie entre 0 et 0,25. Un compost ayant une teneur en azote inférieure à 0,8 % immobiliserait l’azote du sol.

La disponibilité de l’azote est en fait très variable. Elle varie en fonction de la nature des matériaux contenus dans le mélange initial, de la durée du compostage et de la qualité de celui-ci. Dans une étude réalisée au Québec (Robitaille et al., 1996), la disponibilité de l’azote de quatre composts (deux composts commerciaux, un compost âgé de ferme laitière et un compost jeune de ferme laitière) a été testée au champ. La disponibilité a varié de 0 % (compost jeune de ferme laitière) à 40 % (compost commercial de tourbe et crevette). Il aurait été logique de s’attendre à une plus grande disponibilité de l’azote avec le compost jeune de ferme laitière ! Il est donc important de bien connaître la composition du compost (type de fumier, paille ou copeaux, proportions des matériaux, etc.)

L’expérience vécue sur le terrain indique qu’en général de l’azote est libéré à la suite de l’épandage d’un compost, mais qu’il est difficile d’en prévoir la quantité. Contrairement aux fumiers, où une partie de l’azote est rapidement disponible pour les plantes, peu importe les conditions, la minéralisation de l’azote des composts est très dépendante des conditions climatiques et de sol.

Contrairement aux fumiers, le rapport C/N n’est pas toujours un bon indicateur de la disponibilité en azote. En effet, un compost très mûr se minéralise lentement malgré son rapport C/N bas, car tout l’azote est réorganisé dans des molécules organiques complexes qui se sont formées lors du compostage.

On peut toutefois émettre quelques lignes directrices :

  • Si le compost fabriqué à partir de matériaux riches en azote et ayant un rapport C/N de départ assez bas (p. ex. : compost produit à partir de fumier de volaille, C/N de 15-20), l’azote qu’il contient devrait être relativement disponible. Toutefois, il faut se rappeler que le compostage de ce type de matériaux peut entraîner d’importantes pertes d’azote si le compostage est mal fait (voir la section Réussir le compostage à la ferme);
  • Si le compost est obtenu à partir de fumiers pailleux (souvent de ruminants), et a un rapport C/N autour de 15-20, l’azote sera moyennement disponible;
  • Si le compost est fabriqué à partir de matériaux ayant un rapport C/N élevé, la disponibilité de l’azote devrait être faible. Il faut que le compostage soit assez long pour que le rapport C/N diminue. Un tel compost permet d’augmenter la matière organique du sol, mais il ne constitue pas une matière fertilisante efficace.

En ce qui concerne le phosphore et le potassium, les données et les calculs sont similaires à ceux du fumier.

Pour allez plus loin : Les indices de stabilité

Un indice de stabilité biologique (ISB) a été développé. Son objectif principal est d’évaluer le potentiel humigène de la matière organique (Potvin et al., 2020). Cette mesure permet de connaître par la même occasion le potentiel de minéralisation de l’azote organique (Landry, 2018). Il est obtenu par des solubilisations successives de la matière organique avec des extractifs de plus en plus forts.  Les ISB de plusieurs matériaux organiques ont été déterminés en France. Ils passent de 10-20 pour des fientes de poules à 20-30 pour des fumiers jeunes, puis 40-60 pour des fumiers murs et enfin 80-100 pour la tourbe (Landry, 2018).

Les ISB ont aussi été déterminés pour certains produits québécois (Nduwamungu, 2006). Il a été démontré que cette mesure prédisait bien la minéralisation de l’azote des amendements organiques. Les chiffres étaient toutefois différents de ceux obtenus en France. L’ISB des composts de bovin, volaille ou mouton variait de 74 à 94,6. Les composts commerciaux faits à partir de mousse de tourbe, crevette, crabe avaient des ISB qui variaient de 80,7 à 93,7. Cette mesure est très intéressante mais, pour l’utiliser en pratique, une plus grande base de données est nécessaire avec plus de résultats et de suivis au champ.

En France, l’ISB a été remplacé par l’ISMO (indice de stabilité des matières organiques) qui inclut, en plus des mesures faites pour l’ISB, une évaluation de minéralisation de la matière organique durant trois jours. Très peu de laboratoires privés fournissent actuellement ces analyses (Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon, 2011).

Influence de l’état du sol et des conditions environnementales sur la disponibilité des éléments nutritifs des fumiers et composts

La capacité des racines à absorber les éléments nutritifs est fortement dépendante de l’état du sol. Alors que dans un sol en bon état et bien structuré les racines peuvent explorer un grand volume de sol, dans un sol compact (Figure 11) ce volume est beaucoup plus faible. De plus, pour que l’azote organique deviennent disponible aux plantes, il faut que le sol ait une bonne activité biologique afin de favoriser la minéralisation de l’azote. Le sol doit donc être bien aéré, ce qui implique une bonne structure et un bon drainage. Les sols mal drainés sont souvent compacts, car les passages de machineries et les travaux de préparation se font souvent en conditions humides. Ceci est valide aussi pour les micro-fermes avec de petits équipements où les sols peuvent être compacts et la structure endommagée par le hersage. De plus, quand la nappe phréatique est haute, ils sont saturés et donc anaérobies, ce qui inhibe l’activité des bactéries nitrificatrices et favorise les pertes gazeuses d'azote par dénitrification.


Figure 11. Sol très compact avec résidus qui ne se décomposent pas

Exemple de cas réel

Un producteur avait épandu 130 t/ha (dose beaucoup trop élevée) de fumier de bovin laitier. Le fumier avait été enfoui par labour. Cette dose apportait 650 kg d'azote total et 260 kg d'azote disponible. Des parcelles ont été faites pour permettre au producteur de comprendre qu’il n’avait pas besoin de rajouter d’azote. Curieusement, le maïs était carencé en azote dans les parcelles qui n’avaient pas reçu un supplément d’azote minéral. Un examen du profil de sol a permis de constater que la compaction était telle qu’il n’y avait aucune porosité visible. En raison du manque d’aération, l’activité biologique était forcément très faible. On retrouvait la couche de fumier intacte à une profondeur de 20 cm (labour à plat). Le fumier ne se minéralisait pas et l’azote qu’il contenait ne devenait pas disponible aux plantes.

En conclusion, pour que les fertilisants jouent leur rôle, le sol doit être biologiquement actif et donc bien drainé et non compact.

Les amendements organiques doivent être dans un milieu aérobique pour se minéraliser et nourrir les plantes. À cause du nombre important de passages de machinerie lors de la production de légumes et de la capacité de certains sols à se tasser naturellement, en particulier dans les systèmes ayant peu d’engrais verts dans la rotation, le travail de sol moyennement profond (15-20 cm) est important à la fois pour ameublir le sol et pour répartir les amendements dans une couche de sol d’une épaisseur suffisante et favoriser leur minéralisation. Le travail du sol doit aussi permettre de répartir les amendements dans toute la couche travaillée et pas seulement à sa base (problème potentiel avec un labour à plat). Un passage superficiel seulement (herse à disques ou vibroculteur) ne permet pas de décompacter le sol à une profondeur suffisante (Figure 12).  Les espèces maraîchères poussent très mal si la couche ameublie n’a que 10 cm d’épaisseur. Dans ces conditions, le système utilisant les équipements de planches permanentes mécanisées donne de bons résultats si on sait s’en servir.


Figure 12. Racines bloquées par une couche très compacte à la base de la couche travaillée


Même si les tracteurs sont légers et le sol sableux, un problème important de compaction est possible. Il faut savoir que les sables se compactent très facilement, aussi facilement que l’argile. Ils sont  toutefois beaucoup plus faciles à décompacter.

Si le sol est très compact à plus de 20 cm, la situation doit être évaluée pour y trouver une solution (p. ex.: travail plus profond au chisel, au cultibutte, à la sous-soleuse).

L’activité biologique est aussi très dépendante de la chaleur et de l’humidité. La minéralisation de l’azote est plus lente en conditions froides, d'où l'intérêt de fournir aux plantes une source d'azote facilement disponible tôt au printemps. D’autre part, si le sol est trop sec, la minéralisation est fortement ralentie. L’irrigation joue un rôle important pour pallier ce problème. Néanmoins, cette dernière doit être raisonnée. Une irrigation trop abondante qui sature les sols peut entraîner des pertes d’azote par dénitrification.


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