Considérations environnementales

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Guide 04-04-03
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Production


Le contenu qui suit est issu de :

Oeuvre originale : Weill, A. et Duval, J. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

Révision : Weill, A., Legault, G., Bergeron, E., Méthé, A., La France, D., St-Arnaud, R., Roy, J., Khanna, R. et Gagné, G. (2022).

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Les fumiers, lisiers et composts sont une source importante de pollution lorsque mal gérés. Ils contribuent à près de 63 % de la charge en phosphore en agriculture alors que les engrais minéraux ne contribuent qu’à 35 % (CRAAQ, 2013). Le phosphore est responsable de l’eutrophisation des cours d’eau et des lacs. Il migre peu dans le profil de sol et est plutôt transporté dans les lacs et cours d’eau avec les particules de terre par ruissellement et érosion.

Ces matières fertilisantes peuvent aussi entraîner une pollution des eaux souterraines par les nitrates. L’azote des fumiers ou lisiers épandus est transformé en nitrates qui peuvent migrer dans le sol vers les nappes d’eau souterraines. Le risque de lessivage est particulièrement élevé dans les sols ayant une forte macroporosité comme les sols sableux grossiers. Même si l’azote des composts est en général beaucoup plus stable, on peut observer un phénomène de pollution similaire, notamment lorsque les doses utilisées dépassent fortement les besoins des cultures.

L’épandage de matières fertilisantes, surtout quand elles sont riches en ammoniaque (NH4+) tels les lisiers, peut aussi contribuer à la production de N2O, un gaz à effet de serre. Toutefois, c’est surtout l’état du sol qui va déterminer l’intensité des pertes. Le N2O est produit lorsque les conditions dans le sol sont anaérobies, ce qui arrive quand le sol est saturé d’eau ou qu’il est très compact.

Il est aussi important de s’assurer que les ressources utilisées dans la production des composts soient renouvelables. L’utilisation de tourbe, par exemple, n’est pas une pratique durable car les tourbières se renouvellent beaucoup trop lentement. De plus, elle ne produit pas un humus de qualité et doit être évitée dans la gestion des matières organiques.

Les pratiques concernant les fumiers, lisiers et composts qui permettent de diminuer la pollution sont les suivantes :

  • Suivre les règles d’entreposage;
  • Limiter les volumes de matières fertilisantes à des doses agronomiques. Ces doses ne devraient pas apporter plus que les besoins en azote des cultures et, lorsque les sols sont riches en phosphore, elles devraient être beaucoup plus faibles (c’est-à-dire qu'une partie de l’azote devrait être apporté par des fertilisants qui n’apportent pas de phosphore afin de limiter l’apport de ce dernier);
  • Ne pas appliquer de matière fertilisante post-récolte sans la possibilité de semer un engrais vert;
  • Ne pas laisser de matière fertilisante non enfouie, surtout à l’automne; elles pourraient être entrainées dans les cours d’eau et lacs à l’automne et au printemps;
  • Éviter de mettre des matières fertilisantes sur un sol en pente si elles ne peuvent pas être enfouies avant des précipitations abondantes.

Doses excessives de composts

Certaines fermes ont tendance à utiliser des doses de compost tellement importantes que le risque de pollution est inévitable.

Par exemple, appliquer 1 pouce (0,0254 m) de compost sur une planche de culture correspond à un taux de 127 t/ha, une dose beaucoup plus élevée que les recommandations pour toutes les cultures. On calcule le tout de cette façon :

  • Volume de compost à l'hectare (épaisseur * surface) : 0,0254 m * 1 ha (10 000 m2) = 254 m3 de compost par hectare
  • Poids à l'hectare (volume * densité) : 254 m3/ha * 0,5 t/m3 (une densité moyenne) = 127 t de compost par hectare

Comme les fumiers compostés ont souvent des densités de 0,7 t/m3, on apporte alors 178 t/ha; à un taux d’azote de 7 kg N/t, un tel épandage apporte 1245 kg d’azote à l'hectare. Si de telles quantités étaient utilisées pour l’ensemble du Québec, il n’y aurait plus d’eau potable.

Par ailleurs, un compost contenant 1 % de P2O5, soit environ 4,5 kg P/t humide (pour un compost ayant 45 % de matière sèche), épandu au taux de 127 t/ha apporte 571 kg de P2O5. Or, une culture de légume exporte seulement entre 10 et 50 kg de P2O5/ha.

Si le compost est uniquement mis sur la largeur utile des planches, le volume appliqué est plus faible. Sur une planche de 1,2 m ayant une largeur utile de 0,76 m, le tonnage appliqué est de :

  • 127 t/ha * (0,76 m / 1,20 m) = 80 t/ha, ce qui apporte 362 kg de P2O5, soit un taux  toujours inacceptable.

Pour connaître les dosages adéquats, voir la section Doses de fumier, lisier ou compost à appliquer.

Comme le phosphore est le grand responsable de l’eutrophisation des cours d’eau, l’utilisation de fortes doses de fumier ou de compost est dommageable pour l’environnement. La réglementation limite d’ailleurs les apports de phosphore en fonction de la richesse des sols.

Idéalement, en sol riche, il faudrait abaisser le niveau de phosphore en appliquant des doses inférieures aux exportations. Ceci limite considérablement les quantités de fumier et de compost qui peuvent être utilisées.

En utilisant de fortes doses, le sol s’enrichit trop vite et se déséquilibre. Une fois que le sol est très riche en phosphore, il est beaucoup plus difficile de faire un plan de fertilisation qui permet d’apporter suffisamment d’azote tout en respectant la réglementation environnementale pour le phosphore. En effet, l’utilisation de fumier ou compost apporte alors trop de P par rapport au N. La fertilisation devient un vrai casse-tête car les produits riches en N et pauvre en P sont rares en bio, et chers!

Avec une gestion inadéquate des matières fertilisantes, l’agriculture biologique peut être polluante. Il est donc primordial de bien les gérer. Heureusement, les fermes de grande taille n’ont tout simplement pas les moyens d’utiliser des doses excessives et ce problème est surtout le fait de micro-fermes, ce qui limite l'impact sur l'environnement.


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