Mesures préventives

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Guide 06-01-02
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Production


Le contenu qui suit est issu de :

Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

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Les méthodes de prévention contre les mauvaises herbes sont nombreuses et variées. L’importance relative de chaque méthode varie d’une mauvaise herbe à l’autre et selon que l’on est en présence d’annuelles ou de vivaces. Pour une information plus détaillée, consulter les fiches citées précédemment et le document intitulé Prévention des mauvaises herbes; grandes cultures (Douville, 2002). En général, les méthodes préventives visent à réduire le nombre de graines susceptibles de germer. Parmi les méthodes les plus importantes figurent la rotation, le compostage des fumiers et le déchaumage.

Rotation

La rotation est un outil de gestion des mauvaises herbes important. Pour lutter contre les mauvaises herbes, on cherche à alterner les cultures de façon à varier les cycles de production tout en alternant les cultures salissantes et les cultures nettoyantes. Ce sont les rotations avec une prairie ou avec une saison complète d’engrais vert qui répondent le mieux à ces objectifs. Toutefois, l’alternance judicieuse de différents légumes permet aussi de répondre partiellement à ces critères.

Rotation avec une prairie ou un engrais vert

En maraîchage, une rotation comportant une prairie pendant 2 à 3 ans demeure l’une des meilleures méthodes pour réduire la pression des annuelles, particulièrement celles dont les graines ne survivent pas longtemps quand le sol n’est pas travaillé. C’est le cas du galinsoga et du radis sauvage, par exemple. La prairie réduit aussi la pression des autres annuelles en plus de restructurer le sol et d’apporter de l’azote lorsque des légumineuses en font partie. La prairie est aussi une excellente méthode pour diminuer la pression de certaines vivaces à enracinement profond comme le chardon ou le laiteron.

Faute de pouvoir inclure une prairie dans la rotation, la culture d’un engrais vert de pleine saison une fois tous les trois ans permet aussi de diminuer la pression des annuelles. Dans ce cas, il vaut mieux utiliser un engrais vert qui couvrira très bien le sol, un semis dense de céréales, un hybride sorgo-herbe du Soudan ou du ray-grass annuel par exemple, et que l’on fauchera quelques fois pendant la saison. Il est toujours bon de rajouter une ou plusieurs légumineuses dans les mélanges afin d’apporter de l’azote. Les semis purs de légumineuses ne sont toutefois pas compétitifs en présence de mauvaises herbes. Les engrais verts de la famille des brassicacées sont déconseillés si on en cultive déjà comme légumes; autrement ils sont excellents, car ils poussent rapidement et par temps frais. Des semis successifs de sarrasin sont aussi possibles. Il faut alors le détruire au début de la floraison avant de le ressemer, afin d’éviter qu’il ne produise des graines et ne devienne, à son tour, une herbe indésirable. De même, une bonne pratique consiste à gérer une culture d’engrais vert de la même façon que toute autre grande culture en ce qui concerne les mauvaises herbes, c’est-à-dire faux-semis, passage de herse-peigne, de houe, etc. La répression des adventices n’en sera que meilleure.

Le semis d’un engrais vert dès qu’une parcelle de légumes est récoltée est une pratique à généraliser afin de prévenir le développement des mauvaises herbes. Pour cela, il faut planifier les parcelles de façon à en libérer au moins une partie qui pourra être travaillée tout de suite après la récolte. Souvent, les parcelles où la récolte se fait progressivement se « salissent ». Il est souhaitable qu’une personne sur la ferme soit responsable d’enfouir les résidus et de semer un engrais vert aussitôt que la récolte d’une parcelle est terminée.

Enfin, le semis de plantes couvre-sol entre les rangs de légumes, aussi appelées plantes intercalaires, peut également aider à prévenir les mauvaises herbes, mais il suffit rarement à les réprimer. La pratique qui consiste à semer un trèfle blanc comme couvre-sol entre les rangs de légumes avec paillis de plastique réussit bien en général. Si le sol est suffisamment plat, on peut tondre ce couvre-sol à quelques reprises pendant la saison. Dans les cultures sans paillis, le semis d’une plante couvre-sol doit se faire au moins 30 jours après la transplantation de la culture pour ne pas nuire aux rendements de celle-ci.

Rotation de légumes visant à alterner les cultures salissantes et les cultures nettoyantes

Parmi les légumes, on distingue les cultures salissantes et nettoyantes selon qu’elles favorisent ou non la croissance des mauvaises herbes et qu’elles sont faciles ou non à désherber. Les cultures salissantes comprennent les carottes, les panais et les oignons qui laissent passer beaucoup de lumière ou croissent lentement, ce qui permet aux mauvaises herbes de se développer facilement. Les cultures nettoyantes comprennent les cultures qui peuvent être buttées tout au long de la saison, tel le poireau ou la pomme de terre Les cultures qui couvrent bien le sol, comme la plupart des brassicacées, sont dites étouffantes et ont un impact nettoyant. D’autres cultures, comme les courges d’hiver, peuvent être nettoyantes ou salissantes selon qu’elles sont gérées avec ou sans paillis de plastique, ou selon qu’on arrive ou non à les garder exemptes de mauvaises herbes jusqu’à la couverture du sol.[1]

Le qualificatif donné aux cultures peut donc varier selon leur conduite. Par exemple, certains producteurs trouvent que les courges d’hiver, les pommes de terre et même les brocolis dont les plants n’ont pas été détruits assez tôt après la récolte peuvent être plus salissants que les carottes.

Rotation de légumes visant à alterner des cultures ayant des cycles différents

La succession de cultures ayant la même période de végétation du semis à la récolte favorise certaines mauvaises herbes qui arrivent à produire leurs graines à l’intérieur de ce cycle. Il faut donc alterner les légumes ayant un cycle court (laitues, brocolis) et les légumes ayant un cycle long (melons, tomates). En maraîchage toutefois, une telle alternance se fait de façon assez automatique. L’utilisation de paillis de plastique dans plusieurs cultures à cycle long permet aussi de limiter ce problème.

Rotation de légumes dans le but de réaliser plusieurs faux-semis l’année suivant une culture salissante

Il est judicieux de semer ou planter une culture tardive (ex. : laitue ou brocoli de fin de saison) qui permet de faire plusieurs faux-semis l’année qui suit une culture salissante. La pression des annuelles est alors grandement diminuée.

Compostage des fumiers

L’épandage de fumier frais au printemps favorise souvent le développement des mauvaises herbes. La fraction d’azote rapidement disponible contenue dans le fumier et le fait que celui-ci contient lui-même des graines de mauvaises herbes obligent à utiliser cette pratique avec prudence. Les normes de l’agriculture biologique limitent aussi ce type d’épandage à 90 jours avant la récolte pour les cultures qui ne sont pas en contact avec le sol (ex. : tomates et poivrons) et à 120 jours avant la récolte pour les légumes en contact avec le sol (ex. : cucurbitacées, légumes-racines, pommes de terre). Sauf pour le fumier de volaille, qui contient peu de graines de mauvaises herbes, il est préférable d’épandre un fumier frais l’année précédente, avec un engrais vert ou de le composter.

Le compostage permet de limiter les problèmes de mauvaises herbes liés au fumier. Une bonne conduite du compostage et l’utilisation de matériaux adéquats sont nécessaires pour obtenir de bons résultats en matière de prévention des mauvaises herbes. Cela est particulièrement important pour le compostage des fumiers de cheval et de ruminants (bovins, ovins et caprins). En effet, ceux-ci sont riches en graines de mauvaises herbes de par l’alimentation à base de fourrages de ces animaux et la paille souvent employée comme litière. Les conditions doivent être propices à un bon compostage de façon que l’andain chauffe suffisamment pour tuer les graines, soit plus de 55 °C. Le manque de matériaux carbonés (paille, copeaux, etc.) permettant une bonne aération est souvent le problème quand l’andain chauffe mal (voir le chapitre Les amendements organiques : fumiers et composts).

Même si l’andain de compost atteint une bonne température, tous les efforts peuvent être compromis si on néglige d’éliminer les mauvaises herbes qui germent à la surface. De plus, l’arrachage de ces mauvaises herbes n’empêche pas les graines de s’y déposer si l’andain reste à découvert. Idéalement, il faut donc le couvrir avec une toile géotextile, au moins après la phase thermophile. Par ailleurs, selon le site, le travail du sol ou le semis d’une céréale comme le seigle autour de l’andain empêchera le chiendent de l’envahir, le cas échéant.

Déchaumage et travail du sol

Le déchaumage consiste à effectuer un travail du sol après une récolte. Il est capital de ne pas laisser les mauvaises herbes monter en graine. Il faut donc, en plus des méthodes de désherbage durant la culture, détruire la végétation dès que possible après la récolte. Une herse à disques est appropriée pour cette opération. Cela permet aussi de limiter les foyers d’infestation (insectes et maladies).

Certaines mauvaises herbes s’implantent à l’automne et sont difficiles à détruire au printemps (pissenlit, bourse à pasteur, etc.), surtout dans un système non mécanisé. Il peut être nécessaire de travailler le sol tard en automne pour éviter ce problème.

Techniques culturales réduisant la pression des mauvaises herbes

Plusieurs techniques culturales permettent de limiter la pression des mauvaises herbes. Ces techniques peuvent aussi être considérées comme des méthodes préventives, mais elles sont plus ponctuelles.

Moment du semis ou de la transplantation

Cette technique consiste à semer ou planter immédiatement après avoir préparé le sol (sauf en cas de faux-semis). Un délai entre la préparation du lit de semence et le semis ou la plantation permet aux mauvaises herbes d’avoir une longueur d’avance et, par conséquent, d’être plus compétitives.

Fertilisation

Un excès de fertilisation favorise les mauvaises herbes. Il importe donc de fertiliser de façon adéquate et en bandes quand il s’agit d’engrais concentrés tels que le fumier de poulet granulé ou la farine de plumes. L’application d’engrais en bandes près de la culture favorise la culture au détriment des mauvaises herbes.

Choix des parcelles

Il faut choisir des champs propres pour les cultures peu compétitives ou peu tolérantes aux mauvaises herbes.

Transplanter plutôt que semer

Utiliser des transplants plutôt que de faire un semis en pleine terre permet de donner à la culture une longueur d’avance sur les mauvaises herbes. Quelques jours après la transplantation, les plants sont souvent déjà assez forts pour tolérer le sarclage mécanique. Par contre, si la reprise est mauvaise en raison du climat ou si les plants tardent à démarrer, cette avance peut être grandement diminuée. La production de transplants est toutefois plus exigeante en temps, en espace de serre et en main-d’œuvre que le semis au champ. C’est une option qui peut être envisagée pour le maïs sucré, les betteraves, les épinards et les bettes à cardes, qui sont pourtant rarement démarrées en serre.

« Je préfère transplanter la plupart des légumes qu’on cultive et même ne pas cultiver ceux qui ne peuvent qu’être semés pour avoir des cultures bien désherbées. Il faut alors acheter ces légumes d’autres producteurs pour compléter les paniers ou l’étal du marché. »

« À cause des oiseaux, nous avions toujours des problèmes de levée avec le maïs sucré. Les mauvaises herbes devenaient difficiles à contrôler. Depuis 2005, nous le transplantons. En plus d’un meilleur contrôle des mauvaises herbes, le champ est très égal et il n’y a pas de pertes à cause des oiseaux comme avec le semis. »

Utilisation d’un paillis

Les paillis opaques, de plastique ou biodégradables sont très efficaces contre les mauvaises herbes. Il faut toutefois désherber manuellement les trous où sont plantés les transplants et la destruction des mauvaises herbes à la limite du paillis et du sol nu demeure un problème. Outre le semis d’un trèfle blanc ou un autre couvre-sol entre les rangs, certains producteurs passent une tondeuse quand c’est possible. D’autres arrivent à détruire les mauvaises herbes mécaniquement avec des houes Liliston, un petit rotoculteur ou d’autres appareils, mais cela demande une grande précision de la part du conducteur du tracteur.

Les paillis végétaux (paille, copeaux de bois, bois raméal fragmenté, etc.) sont efficaces à condition d’en mettre une bonne épaisseur (plus de 7 cm). Ils gardent le sol plus frais. À cause des quantités nécessaires, cette technique est difficilement envisageable sur de grandes superficies, bien que cela se fasse en culture de petits fruits (exemples : paille pour les fraises, bran de scie pour les bleuets). En Europe, il existe des matériaux de paillage en granules à base de cellulose, et même des paillis liquides qui sont autorisés en agriculture biologique, mais ces matières ne sont pas encore disponibles au Canada.

Autres mesures préventives

Il est recommandé de faucher les bords de chemins et de fossés afin de limiter la propagation des graines de mauvaises herbes. De même, entretenir le bord de ses parcelles et champs contribue à prévenir leur infestation. Lorsqu’une mauvaise herbe problématique se retrouve dans un champ, mais pas dans les autres, il faut parfois nettoyer les équipements lorsque l’on change de parcelle. Une telle précaution est en général utile pour les vivaces. Dans le même esprit, il est sage de commencer à sarcler les parcelles les plus propres pour terminer par les plus infestées.


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Mots clés

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  1. Pour plus de détails sur la conduite de chaque culture, voir La France (2007).

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