Bien connaître les matières à composter
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La France, D. et Duval, J. (2022).
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Les fumiers, lisiers et purins
Le Québec est un pays d’élevage et les fumiers sont des matériaux de choix pour fabriquer des composts. Leur nature donne en général un compost qui se minéralise plus activement que les composts végétaux lorsqu’il est incorporé au sol. Évidemment, le sol doit être dans des conditions correctes à cet effet.
Le caractère des fumiers a beaucoup changé au Québec dans les dernières décennies avec le passage à des systèmes de gestion liquide qui produisent du lisier avec des taux de matière sèche très bas. Utiliser des lisiers avec des taux d’humidité dépassant les 90% dans la production de compost à la ferme présente des défis majeurs quand on sait qu’il faut viser entre 40 et 65 % d’humidité au départ pour le compostage. Comment faire absorber un matériau aussi liquide par des matériaux secs et poreux? Souvent ces derniers ont un certain caractère hydrophobe et les liquides y sont mal retenus. On trouve aussi des purins, des liquides séparés du fumier solide, qui sont pratiquement à 100% d’humidité. Faire l’ajout de lisier ou de purin en l’injectant au moyen d’un retourneur est une des façons qui peut fonctionner dans certaines situations. Cette option est disponible sur des appareils spécialisés et sert aussi à l’arrosage au moment du mélange ou du retournement. Cependant, il est vraiment plus facile de fabriquer du compost en partant de fumier solide dont les taux d’humidité sont en deçà de 90 %.
Les fumiers sont très variables et leur caractère sera influencé par divers facteurs tels que : le système digestif des animaux, ruminants ou monogastriques, la présence d’un gésier, la richesse et la nature des rations, la quantité et le type des matériaux utilisés en litière, le type de logement des animaux, le nettoyage régulier ou l’accumulation sur litière dans des aires de repos, l’entreposage sous abris ou à l’extérieur, exposé aux précipitations, la séparation des liquides lors de l’entreposage ou d’un traitement.
Une première distinction est à faire entre les fumiers de ruminants qui consomment une importante fraction de fourrage, et qui seront moins riches en phosphore et plus riches en potasse. Les granivores donnent des déjections riches en phosphore et plus pauvres en potasse que les consommateurs de fourrages; leur fumier contient aussi un ratio plus élevé d’azote ammoniacal volatil, très facile à perdre en cours de compostage. Certains éleveurs donnent à des ruminants des rations riches en grains et le caractère du fumier se rapprochera alors plus de celui des granivores.
Tous les fumiers sont différents et donc, comme toujours en culture biologique, il convient d’obtenir le maximum d’informations sur les matériaux qu’on veut utiliser. Cela veut dire d’obtenir une analyse du fumier à composter plutôt que de se fier sur une analyse moyenne.
Voici une caractérisation des principaux fumiers disponibles en fonction de leur compostage.
Les fumiers de bovins
Les bovins laitiers ont une alimentation relativement riche et produisent un fumier dont le caractère peut varier beaucoup d’une ferme à l’autre et selon le groupe d’animaux. Il n’est généralement pas possible de faire un bon compost de fumier de bovins laitiers avec un mélange initial ayant un faible rapport C/N. En effet, ces fumiers sont souvent très humides, riches en azote, et ne donnent de bons résultats que si l’on ajoute une quantité élevée de litière (paille si possible) pour les aérer et augmenter leur rapport C/N. Cependant avec un ajout important de paille (10 kg/jour/vache) on peut obtenir un compost de qualité exceptionnelle qui est excellent en culture légumière et qui minéralise très bien son azote et augmente la fertilité des sols. Les pertes d’azote seront modérées et tout à fait acceptables.
Sur la ferme laitière, on trouve parfois un groupe d’animaux élevés sur litière accumulée : de jeunes génisses, des taures (futures vaches en gestation), parfois les vaches taries (en attente de vêlage pour débuter une nouvelle lactation). Ces animaux sont souvent groupés dans une bâtisse à part. Sur les fermes biologiques, ils doivent aller au pâturage en saison mais retournent souvent sur leur aire de couchage. Le fumier s’accumule pendant plusieurs mois, même parfois pour une année complète sous les animaux. C’est le meilleur fumier à composter.
La meilleure litière pour la qualité du fumier et le compostage est la paille de céréales ou celle de panic érigé. Il est notoire que les fermes d'élevage refusent de vendre du fumier. Cependant, une stratégie gagnant·e/gagnant·e pour aider à convaincre un·e agriculteur·rice de vous fournir ce genre de fumier à composter est de lui offrir ou de lui fournir de la paille pour les litières. Souvent il·elles ne cultivent pas assez de céréales pour fournir tous les besoins de litières et doivent en acheter. Offrir à un·e agriculteur·rice de lui fournir de la paille en échange de fumier est une bonne façon de le·a convaincre de vous en fournir. Si vous avez les surfaces nécessaires, vous pouvez cultiver des céréales, même du seigle récolté avant maturité. Ou vous achetez de la paille d’une autre ferme.
Un grand nombre de fermes laitières produisent du lisier qui est pauvre en litière, de rapport C/N bas et très difficile à composter. Mélanger du lisier pauvre en matière sèche à des matériaux carbonés secs et absorbant est faisable mais très difficile. Si on met les matériaux secs en andain et qu’on ajoute le lisier très mouillé, il y a habituellement des écoulements. Pomper le lisier vers un injecteur installé sur un retourneur est alors la meilleure solution.
Certain·es éleveur·ses ont conservé des systèmes de gestion de fumiers solides plus traditionnels. Les plus faciles à composter sont ceux qui sont entreposés dans un système à deux compartiments avec une zone pour le fumier solide et un purot où on récupère le purin, c’est à dire l’écoulement et les eaux de précipitation. Le taux d’humidité d’un tel fumier le rendra relativement plus facile à composter, mais il nécessite presque toujours l’ajout de matériaux plus sec pour atteindre l’équilibre. Les mêmes commentaires peuvent s’appliquer à un fumier conservé sous abri.
Quelques éleveur·ses élèvent des vaches laitières sur litière avec un système de compostage en continu. Il y en a même qui vendent du compost. Comme il·elles utilisent principalement le bois en litière, le compost minéralise peu au sol et il faut bien le caractériser avant de l’utiliser.
Le fumier solide entreposé dans une fosse unique, baignant dans le purin, sera normalement trop humide pour le compostage et nécessitera des ajouts importants d’autres matériaux pour atteindre un taux d’humidité approprié. Il risque de dégager beaucoup de lixiviat (écoulement de liquides polluants.)
Certaines fermes disposent d’un équipement de compostage des fumiers, équipé d’un séparateur qui extrait les liquides. Ce compost peut être utilisé tel quel lorsque disponible. Il est souvent réutilisé en litière.
Certaines fermes utilisent aujourd’hui une litière de sable ou un matelas pour les aires de repos des vaches, ce qui réduit les apports de carbone au fumier.
Les bovins de boucherie ont une alimentation moins riche que celle des vaches laitières, donnent des fumiers moins riches et plus secs en général que ces dernières. Le premier type d’élevage rencontré est appelé vache-veau, c’est-à-dire que la mère donne naissance à un veau qui passe le début de sa vie à téter, habituellement au pâturage pour l’été. Après le sevrage, les animaux mangeront une alimentation riche en fourrages et, en production commerciale, ils finissent leur vie dans une phase d’engraissement avec des rations riches en grains pour influencer le caractère de la viande. Souvent le fumier sera géré sous forme liquide à cette étape.
Parfois dans des systèmes vache-veau, les vaches gestantes passent l’hiver à l’extérieur. Il y a moyen d’installer des litières épaisses à proximité des mangeoires afin de collecter le fumier pour le composter. L’utilisation de sous-produits du bois donne des composts au caractère différent (C/N élevé) de ce que l’on obtient avec de la paille. Par contre, cette dernière est moins absorbante que les premiers lorsque l’aire d’accumulation est exposée aux éléments.
De nouveau, offrir à un·e éleveur·se de lui acheter de la paille est une bonne façon de le·a convaincre de vous fournir du fumier de ses bovins.
Les fumiers de moutons et de chèvres
Les moutons sont la plupart du temps élevés sur litière accumulée et leur fumier tend à être relativement sec. Les litières peuvent être vidées de façon périodique ou une fois par année. Souvent on les place en amas au champ et ils peuvent être compostés. On doit s’assurer de deux conditions principales : l’humidité doit être suffisante et souvent on attend que la pluie les mouille avant de les composter; ils ne sont pas faciles à humidifier par arrosage. Ils sont faciles à composter à l’aide d’un retourneur, surtout muni d’un injecteur d’eau. Cependant, les fermes d'élevage utilisent souvent peu de paille en litière et se contentent de mettre sous les animaux les refus de foin non-mangé, plutôt fibreux. Le rapport C/N sera alors trop bas et le compostage entraînera des pertes d’azote. Si on corrige ces défauts, notamment en ajoutant de la paille en litière, les bonnes pratiques de compostage conviendront à ces fumiers.
Le fumier de chèvres ressemble à celui des moutons et les mêmes remarques s‘appliquent pour les animaux élevés sur litière accumulée. Par contre, si le fumier est nettoyé à mesure, il faudra ajuster les conditions pour rencontrer les exigences du compostage.
Les chevaux et lapins
Les chevaux ne sont pas des ruminants; leurs aliments sont beaucoup moins décomposés que ceux des ruminants. Ils mangent du foin, des céréales et leur fumier se décompose quand même facilement et chauffe abondamment. Il était utilisé traditionnellement pour fabriquer des couches chaudes. Les propriétaires de chevaux utilisent souvent des litières assez abondantes et le fumier a tendance à être un peu sec au départ et à sécher en cours de compostage. Il faudra bien l’humidifier au départ si nécessaire. Souvent les éleveur·ses de chevaux ne s’intéressent pas à la valorisation de leur fumier; on peut donc l’obtenir facilement, parfois gratuitement. Il faut faire attention car, souvent, il est entreposé depuis longtemps, lessivé par la pluie et la neige et couvert de mauvaises herbes en surface des tas. On apporte alors des milliards de graines aux sols cultivés.
Les lapins mangent une combinaison d’aliments concentrés et de végétaux frais comme du trèfle, des légumes déclassés et divers herbages. Leur fumier est souvent à un bon taux d’humidité pour le compostage, il est plus riche en P et moins riche en K que du fumier de ruminants. Le rapport C/N est souvent trop bas et un ajout de paille ou de feuilles peut être un bon choix pour assurer un compostage adéquat.
Les fientes de volailles
Les volailles produisent une fiente qui est une crotte avec l’urine combinée. La plupart du temps les poules pondeuses sont élevées sans litière, leur fumier est concentré, et peut être géré sous forme solide. Il est lourd, humide et de consistance pâteuse, très riche en ammoniaque, et perd facilement son azote au compostage ou à l’épandage. On doit lui ajouter du carbone en abondance pour équilibrer l’humidité et le rapport C/N qui est très bas. Si on composte des matériaux qui manquent d’azote, il peut constituer un ajout très utile. Il existe aussi du lisier de pondeuses, qui est difficile à composter car très mouillé.
Les poulets de chair sont surtout élevés sur litière de ripe (résidus de planage de bois). Le rapport C/N de leurs déjections est moins bas que celui du fumier de pondeuses, mais le bois contenu est très difficile à attaquer par les bactéries au début du compostage et fournit alors peu d’énergie, ce qui cause la perte d’ammoniaque et les mauvaises odeurs qui l’accompagnent. Souvent ces litières se décomposent plus tard lorsque les champignons s’activent dans les phases ultérieures et la décomposition se poursuit dans le sol. Si le compostage est mal géré, que les pertes d’azote sont élevées, il peut même causer des carences en N aux cultures lorsque la décomposition du bois se poursuit dans le sol. Bien que rare, certaines fermes élèvent ces volailles sur litière de paille, ce qui est optimal pour le compostage. Les fumiers de poulet sont souvent trop secs au départ du compostage et demandent de l’arrosage, le plus simple étant de le faire au moyen d’un injecteur d’eau monté sur un retourneur.
Dindes et dindons sont élevés sur litière de ripe comme les poulets, mais puisque l’élevage est plus long, le ratio de fumier est plus élevé et le rapport C/N habituellement plus bas que celui des poulets. Sinon ce fumier ressemble au précédent. Le caractère du fumier variera selon le mode de logement et de gestion de la ferme.
Les porcs
Il y a trois provenances pour les déjections de porcs : les maternités, les pouponnières et les engraissements. Les rations données aux animaux varient et les analyses de fumier aussi.
De nos jours, presque tous les porcs sont élevés avec un système de gestion liquide des déjections. Composter du lisier est très difficile à moins de disposer d’installations spécialisées permettant de les combiner à des matériaux absorbants plus secs. Pour le compostage à la ferme en andains le seul système simple est un injecteur sur retourneur. Les retourneurs spécialisés comprennent en option un injecteur d’eau. Pour du lisier, il faudra installer un injecteur adapté. Une citerne de lisier modifiée pompera le lisier durant le brassage de l’andain en suivant le retourneur à proximité.
Quelques éleveur·ses de porcs gardent des animaux sur une litière compostée en continu. Ces fumiers sont gérés en fonction du compostage et sont une source privilégiée pour les horticulteur·rices. Il y a aussi un certain nombre de fermes qui élèvent des porcs bio, souvent sur litière, et leur fumier sera donc particulièrement intéressant, s’il est disponible.
On doit être prudent si on utilise le fumier de porcs de façon récurrente car ces animaux reçoivent des suppléments de cuivre, ce qui peut mener à une accumulation de cet élément dans les sols.
Le fumier des expositions agricoles
Il y a un certain nombre d’expositions régionales où les éleveur·ses présentent des animaux à des compétitions. Ces animaux sont bichonnés, logés sur litière épaisse, et donnent un fumier au rapport C/N souvent élevé qui peut avantageusement être utilisé comme source de carbone pour un compost de matériaux plus azotés ou de fumiers plus normaux.
Les déchets de cours ou déchets verts
Les principaux déchets de ce type sont le gazon et les feuilles. Il y aussi les aiguilles de conifères, les déchets de jardins de fleurs, les fruits et légumes mis au rebut (pouvant être porteurs de maladies et d’insectes), les mauvaises herbes sarclées (souvent accompagnées de graines d’espèces non-présentes à la ferme) et divers déchets de taille de matériaux plus ou moins fibreux, arbres et arbustes. Ils proviennent des propriétés privées, des parcs et espaces verts et autres espaces publics.
Il y a plus d’une décennie, l’utilisation systématiques des herbicides en milieu urbain rendait ces matériaux (surtout le gazon) risqués, mais aujourd’hui l’utilisation des herbicides est plus rare et l’usage du gazon lors du compostage est permis en culture biologique. C’est un matériau azoté, plutôt humide qui peut dégager des odeurs après une période d’entreposage. Il remplace bien le fumier dans un compost végétal.
Avec la généralisation de la collecte des poubelles brunes, le gazon est moins souvent accumulé dans des sacs de plastique ce qui en facilite un peu la gestion.
Certaines plateformes de compostage combinent les feuilles d’automne et le gazon dans un compost à part. C’est un compost de choix si on peut en obtenir.
Le compost de déchets de cours intégrant tous les résidus est déjà un peu moins intéressant, surtout parce qu’il peut être source de nouvelles mauvaises herbes et maladies, ayant résisté à l’effet assainissant du compostage. Sinon, ces matériaux sont relativement équilibrés et assez faciles à composter. On y trouve cependant certaines matières étrangères allant des balles de tennis aux jouets, en passant par des résidus de pesticides.
Sur certaines plateformes publiques de compostage, on traite les déchets verts sans enlever les sacs de plastique qui les contiennent. Heureusement, de plus en plus de municipalités obligent l’utilisation de sacs de papier exempts de substances synthétiques et faciles à composter.
Les feuilles d’arbres caduques constituent un matériau de choix pour les sols. Ils produisent un humus de type mull de grande qualité. Leur rapport carbone azote est plutôt modéré. Les praticien·nes de l'agriculture végétalienne évitent ces matières premières en raison de la présence possible de déjections d’animaux domestiques. Sinon, il est facile de produire un compost de grande qualité assez facilement avec ce matériau (voir la section Compostage de feuilles). Si les feuilles utilisées en litière sous les animaux rendent le fumier moins portant, elles donnent un excellent compost lorsque mélangées au fumier lors du compostage. Comme les feuilles sont pauvres en phosphore, le compost de feuilles est un amendement de choix comme alternative au fumier composté pour les sols qui ont des restrictions réglementaires de fertilisation phosphatée. Cependant, le rythme de minéralisation dans le sol sera plus lent que celui d’un compost de fumier.
La réglementation provinciale permet l’entreposage à la ferme de feuilles en vrac ou en sacs de papier, pas en sacs de plastiques. Si on veut obtenir des feuilles d’une municipalité, on communique avec les responsables de la récupération.
Reynolds (2022) a établi une échelle de palatabilité ou d’appétence des feuilles pour les grands lombrics (L. terrestris) qu’il met en lien avec la facilité de décomposition. Des plus labiles aux plus récalcitrantes, ce sont, dans l’ordre : le robinier, le peuplier, l’orme et l’érable, le frêne, le tilleul, le bouleau, le chêne, le hêtre, le sapin, le mélèze, l’épinette, le pin, le cèdre et la pruche.
Le foin, l’ensilage déclassé et les résidus de culture
Le foin est constitué de plantes vivaces, principalement des légumineuses et des graminées, fauchées et séchées au champ pour l’alimentation des ruminants et autres herbivores. Le foin sec, ou ensilé en grosses balles enrobées, est un matériau riche en azote et en éléments nutritifs. Il est parfois utilisé en paillis ou même appliqué directement au sol pour sa valeur fertilisante, mais il constitue aussi un matériau intéressant pour le compostage à la ferme.
Pour le compostage, le foin peut être difficile à humecter, mais il peut être intégré dans des matériaux humides nécessitant plus d’azote. En général, le foin de la première coupe est moins riche et celui des coupes subséquentes plus protéiné, donc avec un rapport C/N plus bas. Il faut tenter d’éviter les foins récoltés très tard qui seront riches en graines et très fibreux.
Sur les fermes d’élevage les agriculteur·rices disposent de grosses balles de foin gâché, non-consommable par les animaux. Il·elles se feront souvent un plaisir de vous les donner si vous arrivez avec une remorque pour les transporter. La valeur fertilisante d’une balle ronde est passablement élevée et peut réduire vos coûts d’achats d’intrants.
Les résidus de grandes cultures et d’élevage, pailles, tiges, ensilage manqué sont parfois disponibles et sont des matériaux intéressants. La paille a été discutée plus haut. En culture conventionnelle, certaines fermes pulvérisent des herbicides à base de glyphosate quelques jours avant la récolte des céréales pour uniformiser la maturité. Il faut vérifier si c’est le cas et éviter de telles pailles qui sont interdites en agriculture biologique.
Les déchets forestiers, écorces, copeaux d’élagage et BRF
Si la paille, suffisamment abondante, assure une bonne aération et apporte assez de carbone facilement disponible dans un mélange à composter, ce n’est pas le cas des divers résidus de bois où la lignine réduit l’accès à la cellulose et à l’hémicellulose plus labiles. De vieux tas de bran de scie ou d’écorces entreposés à la pluie sur de longues dates peuvent être souvent plus intéressants, plus labiles que les mêmes matières fraîches, car le processus de décomposition aura déjà commencé.
Copeaux d’élagage
Si on composte du fumier avec des copeaux d’élagage, le rapport C/N de ceux-ci devrait être de 60 pour obtenir un minimum de carbone facilement disponible; il sera alors constitué en grande partie de feuilles et de jeunes et petites branches (< 10 cm de diamètre) et peut être qualifié de bois raméaux fragmentés, ou BRF. Le principal problème est que les producteur·rices se font souvent livrer des copeaux d’élagage qui ne respectent pas les critères des BRF. Les élagueur·ses broient des branches mortes, beaucoup de grosses branches de 12-15 cm de diamètre et le matériau disponible ne rencontre donc pas les critères des BRF. Son rapport C/N dépasse alors souvent les 200, voire 250. Dans un mélange à composter, la majorité du carbone de tels copeaux sera peu disponible au départ, entraînant possiblement des pertes de NH3. Ils seront très longs à décomposer et demanderont une action des champignons qui se développent après les phases thermophiles et mésophiles initiales du compostage. Ceci obligera à faire un compostage sur une longue période et comporte des risques de blocage de l’azote du sol si le compost résultant est utilisé alors que son C/N est encore élevé.
Les copeaux d’élagage peuvent être obtenus auprès des gens qui font l’entretien des arbres et arbustes sur des terrains privés, des espaces publics et des lignes électriques, parfois auprès des municipalités directement.
Résidus forestiers et de scieries
On distingue plusieurs types de résidus issus de l’industrie forestière et manufacturière du bois :
- Le bran de scie, une sciure plus ou moins fine produite par la lame de sciage;
- La ripe, qui est le résultat du planage (varlopage) qui affine la surface du bois;
- Les écorces, qui sont enlevées avant le sciage en planches;
- Les copeaux de résidus de bois broyé.
L’intérêt de ces matériaux pour le compostage varie selon les essences forestières. On sait que sous les forêts de feuillus on obtient un humus de type mull, peu acide, qui convient aux principales cultures agricoles et qui est colonisé par les vers de terre. Et que sous la forêt boréale dominée par les conifères, les éricacées et d’autres espèces qui en sont proches, et qu’on trouve aussi dans les tourbières et la toundra, on obtient des humus de type mor, acides, pauvres qui ne conviennent pas aux espèces cultivées. On doit conclure qu’il ne faut pas miser sur des matériaux acidifiants de ce genre comme base pour créer un humus fertile, de qualité, pour les sols agricoles. Cependant dans la production de bois et l’industrie manufacturière, l’utilisation des conifères domine largement celle des feuillus.
On peut généraliser en disant que le rapport C/N du bois est très élevé. Les fibres sont résistantes à l’attaque bactérienne et les champignons, peu actifs au début du compostage, sont les principaux organismes équipés pour décomposer les matériaux très ligneux et riches en tannins et substances aromatiques. Une grande partie du carbone n’est pas disponible à l’attaque microbienne et il faut user de prudence lors du calcul du C/N d’un mélange. Par exemple, un fumier riche en azote ammoniacal peut perdre beaucoup d’azote si composté en mélange avec des résidus de bois, car le carbone du bois n’est pas assimilable au moment propice.
Les deux grandes qualités de ces matériaux sont leur effet structurant qui empêche les matériaux plus fins de se compacter (sauf le bran de scie fin) et leur grande capacité d’absorption d’eau qui qui explique leur usage en litière et aide à équilibrer des mélanges trop humides.
Leurs grands défauts sont la lenteur de décomposition, à cause de la lignine, des résines, tannins et terpènes, et le risque de bloquer l’azote, causant des carences d’azote et une mauvaise croissance des cultures dans les sols où on les incorpore. Cela est à prendre au sérieux; il existe le cas d’une entreprise serricole qui a dû cesser complètement ses activités après avoir utilisé un compost issu d’un mélange de bran de scie composté avec du lisier de porcs, ce qui a complètement bloqué la croissance des plantes dans ses serres.
Les déchets de bois traités sont interdits comme matière à composter en bio.
Obtenu à partir du bois, le papier et le carton peuvent aussi être compostés. On acceptera une petite présence de papier dans les matériaux à composter, serviettes et mouchoirs par exemple, mais on ne recherchera pas un apport important de papier ou de carton, des matières peu digestes pour les bactéries, tous comme les résidus forestiers.
Les déchets alimentaires récupérés
Résidus institutionnels
En plus des déchets issus de la préparation des commandes à la ferme, notamment les produits déclassés pour cause de maladies ou apparence non-acceptable, il est parfois possible d’avoir accès à divers déchets d’aliments provenant d’épiceries, de cafés, de cuisines institutionnelles ou de restaurants et hôtels, de marchés publics, de foires et évènements spéciaux, etc. Il faut s’assurer que ces matériaux sont triés soigneusement, exempts d’autres déchets, notamment de plastiques et d’emballages. Ils sont passablement humides et même mouillés, souvent de composition variable d’une période à l’autre, leur C/N est assez bas et il faut trouver un matériau sec et carboné auquel les combiner, par exemple des feuilles d’automne.
À part les quantités plutôt modérées de produits déclassés à la ferme, il faut bien maîtriser le compostage avant de s’embarquer dans le compostage de tels matériaux qui présentent des contraintes : ils peuvent dégager des odeurs et attirer des animaux et des mouches (voir la section Compostage de légumes déclassés et résidus de légumes).
Résidus issus de la transformation des aliments
Les résidus et déchets issus de la transformation alimentaire sont aussi de nature très variable. Certains peuvent être humides et riches en N, d’autres secs et carbonés. Il faudra les mélanger avec d’autres matériaux afin d’obtenir un mélange équilibré pour le rapport C/N et l’humidité.
Les drêches de brasserie sont intéressantes et disponibles régulièrement en petit lots. Le marc de jus de fruit peuvent être ajoutés à des matériaux à risque de perdre du NH3; le sucre stimule le développement des bactéries qui immobiliseront l’azote rapidement (Pierre Jobin, communication personnelle, 1993). Les déchets de pommes de terre, très acidifiants, peuvent jouer le même rôle.
L’ajout de matériaux riches en sucre (mélasse, marc de fruits) permet de diminuer, dans une certaine mesure, les pertes d’azote des fumiers avec litière de bois. Comme l’une des causes des pertes d’azote durant le compostage est l’élévation du pH, en particulier pour les fumiers de volaille, l’ajout de matières acidifiantes et riches en sucres simples, comme des déchets de jus de fruits ou de pommes de terre, peut aussi aider à diminuer les pertes d’azote.
Si ce type de matériaux attirent les animaux dans les andains ou à l’entreposage, des pratiques spéciales d’exclusion seront peut-être nécessaires.
Viande et mortalités animales, déchets d’abattoirs
Ces matériaux sont azotés et faciles à utiliser en version transformée séchée. Sinon ils comportent des contraintes réglementaires et requièrent des approches particulières qui dépassent le cadre du Wiki maraicher.
Déchets de pêcherie
Dans les régions où ils sont disponibles, les résidus de pêcherie sont d’excellents matériaux à composter, riche en N, souvent en P et en calcium. Ils viennent avec des contraintes, dégagent des odeurs, attirent les animaux et il faut mettre au point une méthode appropriée et leur trouver des matériaux carbonés. Les écailles de mollusques ne se décomposent pas, mais celles de crustacées le font bien car elles sont à base de protéines.
La mousse de tourbe
La mousse de tourbe a un indice de stabilité biologique élevé, c’est à dire qu’elle résiste à la décomposition, ce qui lui confère des qualités intéressantes pour la fabrication de terreaux, mais peu pour le compostage. Pour ce dernier, il peut être intéressant de la mélanger à divers matériaux pour sa qualité absorbante et structurante. Cependant, selon Rynk et al. (2021), la mousse de tourbe ne se décompose presque pas durant le compostage. Elle a donc des effets physiques, mais peu d’impact sur l’activité biologique.
La mousse de tourbe grossière et bien structurée peut aussi réduire la perte de NH3 (Mathur et al., 1990), mais ce type de matière organique ne produit pas de l’humus de qualité. Lors du compostage, la mousse de tourbe libère peu de carbone et dans les milieux où elle participe à la formation des sols on n’obtient pas des sols de qualité pour les principales cultures agricoles. On veut donc éviter de baser la gestion des matières organiques de nos sols sur une telle matière première, qui comporte par ailleurs le désavantage d’entraîner la destruction des tourbières lorsqu’on l’extrait.
L’ajout de minéraux et de sol
L’ajout de sol et de poudres minérales lors du compostage est possible, mais n’est pas une pratique commune sur les fermes, sinon que le mélange accidentel de sol provenant des sites de compostage. Les apports minéraux peuvent être coûteux, mais deviennent indirectement des amendements pour les sols; on ne les perd pas lors du compostage. En voici quelques exemples :
- Certaines personnes prônent l’ajout de sols, ou d’argile (bentonite) ou de sol argileux lors du compostage, notamment pour entamer la formation du complexe argilo-humique ou pour réduire les pertes de NH3. Ainsi, les zéolites (des aluminosilicates) peuvent être ajoutées au compost pour réduire la perte d’ammoniaque et de gaz à effets de serre et améliorer la capacité d’échange cationique des sols après épandage;
- Les cendres de bois (pH 12,5) sont utilisées pour corriger des matériaux à composter très acides comme des pommes de terre. Avec les fumiers, leur effet sur le pH augmente toutefois les pertes potentielles de NH3;
- Le gypse a été utilisé pour tenter de réduire les pertes de NH3;
- Certaines personnes ajoutent divers minéraux broyés lors du compostage, notamment des poudres de roches silicatées comme du basalte.
Les activateurs et fertilisants azotés
Il existe des activateurs ou des inoculants commerciaux pour favoriser le compostage. Sauf pour des matériaux très spécialisés, il est habituellement possible de très bien réussir le compostage sans utiliser de tels produits.
On peut ajouter des fertilisants azotés comme les farines animales, (plumes, viande, etc.) pour équilibrer le rapport C/N de départ, mais leur coût élevé justifie rarement cette pratique.
Les biodynamistes utilisent des préparats à base de plantes qui visent à modifier le caractère du compost obtenu et son effet sur les sols et les cultures.
Certaines personnes ont utilisé un recouvrement de compost mûr pour filtrer le gaz NH3 avec succès (Maeda et al., 2009).
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