Terreau

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Guide 03-02-03
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Production


Le contenu qui suit est issu de :

Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.

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Certain·es producteur·rices choisissent d’acheter leur terreau. Dans ce cas, il est important d’utiliser un terreau professionnel, conforme aux normes biologiques et dont la salinité est mesurée. D’autres producteur·rices font leur propre mélange.

La quantité de terreau nécessaire varie avec la taille des plateaux multicellules utilisés. En production ASC, les besoins en terreau sont d’environ 0,5 m3 pour la production des transplants nécessaires à la confection de 25 paniers.

Avantages et désavantages des terreaux avec compost

Il existe de nombreuses recettes de terreau. Beaucoup de personnes sont aussi prêtes à donner des conseils basés sur leur propre expérience. Il faut être très prudent. Une recette peut fonctionner pendant 9 ans et surprise… la dixième année, c’est la catastrophe, les semis ne lèvent pas ou les transplants poussent très mal. Cette imprévisibilité est liée à l’utilisation de compost dans le mélange. Les mélanges utilisés en agriculture conventionnelle ne contiennent pas de compost, ce qui réduit de beaucoup le risque. Quelques notions doivent être bien comprises avant de s’aventurer dans ce domaine qui est, à plusieurs égards, encore mal connu en agriculture biologique.

  • Lorsqu’il y a du compost dans le terreau, ce dernier est la source de fertilisants pour les transplants. Le compost se minéralise graduellement et libère les éléments nutritifs.
  • Plus il y a de compost, plus le terreau est fertile.
  • Plus le compost se minéralise, plus la fertilité augmente.
  • Plus le terreau est riche, plus il est salin. Ce sont les éléments nutritifs qui sont la source de salinité, en particulier les nitrates et, dans une moindre mesure, les sulfates.

Si la salinité est excessive (Tableau 1), soit parce qu’il y a trop de compost, soit parce que ce dernier est trop riche ou qu’il se minéralise trop vite, les transplants ne pousseront pas et vont même mourir.

En agriculture conventionnelle, la salinité est bien contrôlée, car les engrais chimiques ne se minéralisent pas (ils sont déjà sous forme de minéraux) et la salinité de chaque engrais est connue. Il suffit de mettre la bonne dose d’engrais.

La salinité n’est pas du tout contrôlée en agriculture biologique. Non seulement la salinité d’un terreau avec compost varie-t-elle au gré de sa minéralisation, elle-même variable selon la température et l’humidité, mais encore la salinité de chaque compost est différente. Si le compost est toujours fabriqué à la ferme de la même façon et avec les mêmes ingrédients, sa salinité et sa vitesse de minéralisation varieront peu. Si le compost est acheté, sa salinité pourra varier, et ce, même si l’on achète toujours la même marque.

On peut observer deux phénomènes apparemment contradictoires lorsqu’on compare les transplants issus d’un terreau salin avec ceux produits dans un terreau peu salin.

  • Certains types de légumes peuvent être beaucoup plus beaux avec un terreau salin qu’avec un terreau peu salin; dans ce cas, les transplants en question sont peu sensibles à la salinité et profitent du niveau de fertilité élevé.
  • Certains types de légumes ne poussent pas du tout ou de façon très inégale dans un terreau salin; ces transplants sont sensibles à la salinité et en sont affectés.

L’utilisation d’un compost de qualité dans le terreau permet de limiter les problèmes de salinité et de protéger les plantules contre certaines maladies grâce à la présence de microorganismes bénéfiques. Toutefois, même avec un compost de qualité, il faut pratiquer une bonne gestion afin d’éviter les problèmes de salinité. L'arrosage joue un rôle important pour le contrôle de la salinité (voir la section sur l'arrosage).

Évaluation de la salinité

La salinité et le pH devraient être mesurés régulièrement. Les analyses sont faites sur place à partir d’un mélange constitué de deux volumes d’eau pour un volume de terreau, en utilisant un pH-mètre et un conductivimètre (pour mesurer la salinité). Il faut attendre 30 minutes avant de faire la lecture.

Le tableau 1 présente les valeurs de salinité recommandées en serriculture conventionnelle pour des terreaux à base de tourbe, donc sans compost dans le mélange.


Tableau 1. Valeurs de salinité (Lambert, 2006)1

Salinité (millisiemmens ou mS) Indications en milieu tourbeux
0 à 0,25 Très basse : carences possibles si la croissance est rapide
0,26 à 0,75 Basse : acceptable pour les jeunes plantules et les plantes sensibles à la salinité
0,76 à 1,25 NORMALE : sauf pour les plantes sensibles aux excès de sel
1,25 à 1,76 Élevée : réduction possible de la croissance et de la vigueur, en période chaude surtout
1,76 à 2,25 Très élevée : dommages dus à la réduction d’absorption de l’eau par les racines en milieu salin; apparition de brûlures marginales et de flétrissement
Plus de 2,25 Excessive : la plupart des plants sont affectés; lessivage requis

Notes

  1. Pour faire correspondre cette analyse avec une analyse de salinité faite en laboratoire, diviser le résultat obtenu en laboratoire par environ 2,5.

Il est à noter que les laitues, le céleri et les concombres ainsi que d’autres cucurbitacées sont particulièrement sensibles à la salinité.

Le pH des terreaux doit se situer entre 6 et 6,5.

La réalité sur le terrain

Depuis 2004, la salinité et le pH des terreaux de plusieurs agriculteurs biologiques ont été mesurés. L’état des transplants a aussi été vérifié. Les résultats sont très variables. Voici les principales observations :

  • la salinité des terreaux variait de 2 à 8 mS;
  • la salinité des composts variait de 1,6 à 6,6 mS;
  • une mauvaise germination et une croissance inégale ont été observées avec des salinités supérieures à 3 mS pour le terreau. Certaines plantes sensibles à la salinité avaient des problèmes de croissance lorsque la salinité était supérieure à 2 mS.

D’après ces résultats et l’observation des transplants, il semble toutefois que les plantes tolèrent une salinité plus élevée lorsqu’il y a du compost dans le terreau.

Pour ce qui est de l’eau d’arrosage, le pH se situait la plupart du temps entre 7 et 8.

Les principales conclusions que l’on peut tirer de ces suivis sont les suivantes :

  • les producteur·rices expérimenté·es, qui connaissent bien leur compost et qui maîtrisent bien l’arrosage et l’aération de leur serre, obtiennent de bons résultats avec des doses de compost allant jusqu’à 60 % du mélange;
  • les producteur·rices qui ne maîtrisent pas bien l’arrosage et l’aération de leur serre, ou qui ne connaissent pas bien leur compost, peuvent avoir des problèmes de salinité avec aussi peu que 20 % de compost dans le mélange de terreau;
  • certains producteur·rices obtiennent de bons résultats certaines années et de mauvais résultats d’autres années. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que la salinité du compost n’est pas constante d’une année à l’autre.

« Nous utilisons deux mélanges : un mélange plus pauvre pour les semis et un autre plus riche pour le repiquage. Ces mélanges sont utilisés avec succès depuis plusieurs années.

  • Terreau de semis : 35 % compost, 50 % tourbe, 15 % vermiculite. Nous rajoutons à ce mélange 4 kg d’os moulu et 5 kg de chaux pour 3 m3.
  • Terreau de repiquage : 45 % compost, 45 % tourbe, 10 % vermiculite. Nous rajoutons à ce mélange 5 kg de chaux pour 3,5 m3.

Nous utilisons un compost bien mûr (deux ans), afin d’éviter les problèmes de germination ou de croissance. Une année, nous avons acheté du terreau, car il nous semblait que notre compost n’était pas assez mûr. Bizarrement, les poireaux ont été beaucoup plus beaux qu’avec le mélange fait avec notre compost maison, mais les laitues n’ont pas germé et n’ont pas poussé. Une autre année, nous avons semé une partie des poireaux dans notre terreau de semis et une autre dans notre terreau de repiquage, plus riche. Les premiers ont beaucoup mieux poussé que les poireaux semés dans le terreau de repiquage. »

« Pour les oignons et les poireaux, on ajoute du compost à notre terreau (mélange Fafard). Ils sont aussi fertigués après la première et la deuxième tailles, et avant la transplantation avec de l’émulsion de poisson (5 ml/L) et des algues séchées (1 g/L). »

La gestion de l’arrosage des transplants est aussi un facteur critique. À titre d’exemple, un producteur en Montérégie a toujours eu d’excellents résultats avec son terreau, jusqu’au jour où une nouvelle personne s’est s’occupé de l’arrosage. Cette année-là, les problèmes de croissance dus à la salinité ont été importants.

Quel mélange utiliser ?

En production conventionnelle, la plupart des terreaux sont uniquement composés de mousse de tourbe, de vermiculite ou de perlite. De la chaux est ajoutée afin d’ajuster le pH, ainsi qu’une petite dose d’engrais. Il est primordial d’utiliser un bon agent mouillant dans ces mélanges qui contiennent une proportion importante de tourbe. Lorsqu’un engrais est ajouté au mélange, on recherche les proportions suivantes entre les éléments majeurs : 1 N : 0,15 P : 1 Ca : 0.5 Mg (Vallée et Bilodeau, 1999). Le potassium n’est ajouté que plus tard, avec la fertilisation régulière, qui commence au stade cotylédon. Afin de fournir une base pour estimer la quantité d’engrais que l’on peut ajouter en production conventionnelle, on utilise de 0,3 à 0,6 kg de triple superphosphate (46 % de P2O5), 0,6 kg de gypse, de 0,3 à 0,6 kg de nitrate de calcium (15 % de N) par mètre cube de terreau, ainsi que des oligo-éléments. En agriculture biologique, ces engrais sont à remplacer par des engrais acceptés en agriculture biologique.

Voici un mélange qui fonctionne bien en général (Michel Sénécal, MAPAQ, 2008, communication personnelle) : 8 à 10 % de compost, 30 % de mousse de tourbe blonde (elle est plus chère que la régulière), 30 % de perlite, 30 % de terre noire (ou d’un mélange à jardin) et 3 kg de chaux dolomitique poudreuse par mètre cube de mélange. Dans un tel mélange, la terre noire ou un mélange à jardin (sol, terre noire et chaux) permet de garder le terreau humide un peu plus longtemps, ce qui réduit la fréquence des arrosages. Le niveau de compost est très bas, ce qui élimine les risques de salinité. Il faut par la suite apporter des fertilisants lors des arrosages ou repiquer les transplants dans un terreau plus riche.

Comme mentionné précédemment, plusieurs producteur·rices utilisent un terreau de semis qui contient peu de compost et un terreau de repiquage plus riche en compost.

Attention!

  • L’acidité de la tourbe varie. Par conséquent, les quantités de chaux à rajouter par mètre cube de tourbe peuvent varier de 2,4 à 6 kg. La chaux ne doit pas être en granules, sinon le pH prend des semaines à augmenter.
  • La qualité de la tourbe varie. Certaines tourbes (en particulier celles vendues à rabais) sont très fines et poussiéreuses. Dans ce cas, les pores sont bouchés, le terreau ne sèche plus et les résultats peuvent être très mauvais. Il faut utiliser une tourbe fibreuse de bonne qualité.
  • La vermiculite a tendance à garder le terreau humide plus longtemps que la perlite.
  • Si du sable est utilisé à la place de la perlite ou de la vermiculite, il faut que ce soit du sable grossier, à angles aigus. Le sable fin utilisé en construction a l’effet contraire à celui recherché : il bouche les pores et garde le sol humide trop longtemps.

Lorsque que le mélange contient plus de 15 à 20 % de compost, il est important de surveiller la salinité et le pH avec un conductivimètre et un pH-mètre. Ces outils coûtent entre 100 et 150 $, et leur utilisation pourrait éviter des problèmes. De façon générale, il est recommandé de faire ces suivis quelle que soit la composition du terreau.

« Nous n'utilisons pas de compost dans le terreau à semis, seulement dans le terreau à repiquage (25 % environ, mais cette quantité peut varier en fonction de l'exigence des cultures). Nous faisons systématiquement analyser notre compost.  Nous faisons faire des analyses standards dans le seul but de vérifier s'il n'y a pas d'excès et si le pH est adéquat. Nous avons aussi un pH-mètre et un conductivimètre pour le sol de serre. »

« Nos mélanges de terreaux sont les suivants :

Terreau de semis Terreau de repiquage Bacs de culture
Tourbe blonde 70 % 30-35 % 25 %
Tourbe brune 20 % 25-30 %
Perlite 15 % 10 % (ou vermiculite) 13 %
Sable lavé 10 % 7 % (ou vermiculite)
Compost 15 % 25-30 % 25-30 %
Chaux dolomitique 5-6 g/L de tourbe
Cendre de bois franc 1 g/L de tourbe
Mycorhizes Myke Pro AG®  2 g/L de mélange 2 g/L de mélange

On achèterait volontiers du terreau prémélangé, mais pour le moment (en 2007), aucun ne nous satisfaits. Le terreau Myke® serait intéressant, mais il n’est pas disponible dans des sacs de bon volume (seuls des sacs de 35 litres sont actuellement produits, ce qui génère trop de plastique à jeter). La plupart des autres terreaux sur le marché sont souvent trop lourds, la tourbe trop décomposée et le pH difficile à prédire.

Donc, nous sommes revenues à la production de nos propres terreaux. Nous utilisons de la cendre; elle est facilement disponible puisque c'est la nôtre! Cela renforce quelque peu le contenu minéral du terreau. On assure ainsi un apport de potassium à nos tomates, dont le besoin en potassium est important. » 

« Une fois qu’on a développé des recettes de terreau qui donnent de bons résultats, il faut répéter les mêmes procédures exactement chaque année, composter les mêmes matériaux dans les mêmes conditions et mesurer très précisément les ingrédients lors du mélange. Il faut s’assurer, entre autres, que les composts destinés aux terreaux sont toujours couverts et faire des petits tas bien aérés. »

Utilisation de mycorhizes

Les mycorhizes améliorent l’absorption des éléments nutritifs, en particulier le phosphore, et augmentent la résistance des plantes à la sécheresse. Il peut être très intéressant de mélanger des mycorhizes au terreau. Il se peut alors que certaines plantes poussent plus vite, ce qui permet de retarder les dates de semis des transplants. Les alliacées répondent particulièrement bien à la mycorhization, alors que les brassicacées n’y répondent pas du tout. L’utilisation de mycorhizes dans le terreau permet aussi d’inoculer le sol dans les champs, ce qui est très profitable.

« Nous mettons des mycorhizes dans notre terreau surtout pour inoculer le sol de nos champs. En effet, dans notre type de sol, il est bon d’avoir des mycorhizes pour les raisons suivantes :

  • notre sol est très sableux et sa structure doit être renforcée. Les mycorhizes produisent de la glomaline (glycoprotéine) qui sert de colle pour les microagrégats;
  • les échanges d'éléments nutritifs sol-plante-sol sont facilités par les hyphes et la pénétration intracellulaire remarquable des mycorhizes;
  • l'eau est une préoccupation constante; nous avons des allées enherbées en permanence (trèfle Huia) pour éviter les pertes d'eau, mais sur le rang, on doit aussi tout faire pour la conserver. Les cultures de couverture et engrais verts ont pour fonction de couvrir la surface, d’empêcher l'érosion éolienne et d’encourager la microflore, spécialement les mycorhizes.

Nous avons été à même de constater que l'agriculture biologique n'est pas garante de bons sols et d’une bonne mycorhization. Les fermes qui ont atteint une bonne dynamique microbienne ne sont pas très nombreuses. Mais quand cela arrive, les résultats sont au-delà de ce qu'on peut imaginer (rendement même en temps de sécheresse, résilience même en saison très humide, constance des rendements, indices de sucre, etc.). J'espère qu'un jour nous y arriverons. »


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Une réalisation de

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Coopérative pour l'agriculture de proximité écologique
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