Considérations de base sur la production des semences
Le contenu qui suit est issu de :
Brisebois, D. (2023). Guide sur la production de semences sur les fermes maraîchères biologiques et diversifiées . Sème L’avenir.
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Comme il a été mentionné dans l’introduction, chaque fiche culturale dans la section 6 est présentée selon les considérations exposées ci-bas. Ces paramètres sont principalement des considérations en lien avec la biologie et la botanique des cultures maraîchères.
Le niveau de difficulté
Le niveau de difficulté est présenté selon trois facteurs : la facilité de l’intégrer dans la gestion d’une entreprise maraîchère diversifiée, la capacité d’avoir une culture qui vient à maturité et la probabilité d’avoir un lot de semences de qualité commerciale considérant le climat québécois.
L’espèce
En général, deux variétés d’une même espèce vont se croiser. Inversement , deux variétés d’espèces différentes ne se croiseront pas, à part quelques exceptions.
Le type de pollinisation
On peut différencier les cultures de semences selon la façon dont elle est pollinisée. Elles peuvent alors se situer le long d’un continuum : à un extrême, on retrouve les espèces à tendance autogame et à l’autre, les espèces à tendance allogame. Le tableau 1 résume leurs principales caractéristiques.
Tableau 1. Principales caractéristiques des cultures autogames et allogames
Les cultures à tendance autogame | Les culture à tendance allogame | |
---|---|---|
Définition | Ce sont des cultures s’autopollinisent. La pollinisation croisée est possible par les insectes mais peu fréquente. | Il s'agit de cultures dont la pollinisation croisée est prédominante et qui présentent une grande diversité génétique. Ces cultures sont pollinisées avec l’aide du vent ou des insectes. |
Distance d’isolement | Pour la production de semence pour usage personnel, vous pouvez ignorer cette considération. Les taux de croisements sont faibles, voire nuls.
Si vous vendez des semences ou si vous maintenez une variété rare, vous devez être plus prudent. 100m à 200m de distance d’isolement suffit pour la plupart des cultures. |
Il est important de respecter les distances d'isolement ou avoir des pratiques culturelles pour éviter des croisements.
200m de distance suffit souvent pour des semences à usage personnel avec un faible taux de croisement. Pour éviter qu’une variété se croise vous avez besoin de 400 m à 1 km dépendent de la variété et des obstacles présents dans le paysage (forêts, haies brise-vent, cours d'eau, monocultures etc.) |
Taille de population | Idéalement, il serait bon de garder des semences d’au moins une vingtaine de plantes pour garder une bonne génétique, mais vous pouvez obtenir de bons résultats avec seulement quelques plantes-mères. | Ces cultures peuvent présenter des problèmes de consanguinité si vous conservez des semences d’un petit nombre de plantes.
Pour les meilleurs résultats, garder des semences d’au moins une centaine de plantes. Le plus est le mieux. Par contre vous pouvez souvent avoir des bons résultats pour 2-3 générations avec peu de plantes. Dans ce cas, il faut veiller à éventuellement obtenir d'autres semences pour élargir de nouveau le bassin génétique. |
Types de légumes | Les pois, haricots, laitues, tomates et poivrons. | Toutes les autres espèces maraîchères. |
Veuillez noter que chaque culture maraîchère a sa spécificité. Des recommandations sont incluses pour des distances d’isolement dans chacun des profils de cultures. Le tableau de Seed Savers Exchange fait l’inventaire de toutes les cultures.
Comment éviter les croisements
Un des grands défis de la production de semences est d’éviter qu'il y ait des croisements involontaires entre des cultivars d’une même espèce.
Généralement deux cultures peuvent seulement se croiser si elles sont de la même espèce et si elles fleurissent au même moment à proximité l’une de l’autre.
Voici plusieurs options pour éviter des croisements :
- Planter uniquement une variété d’une même espèce dans votre jardin ;
- Séparer deux cultivars de la même espèce une certaine distance.
- Cultiver deux cultivars de la même espèce qui ne fleurissent pas en même temps.
- Polliniser manuellement des cultures qui sont très rapprochés. Cette pratique est chronophage et surtout utilisée dans la famille des cucurbitacées.
Il y’a deux choses importantes à constater pour des producteurs maraîchers:
Les croisements entre cultivars ne se révèlent que dans les plants issus des semences conservées.
Disons que vous cultivez une courgette et un courge spaghetti, tous les deux de l’espèce cucurbitaceae pepo. Si ces deux cultures sont proches l’une de l'autre, les insectes vont transporter le pollen entre les deux cultures et il y aura des croisements.
Cependant, vous ne pourrez pas voir ces croisements dans les fruits récoltés de la courgette ou de la courge : les fruits ressembleront à la variété d’origine.
Les croisements seront seulement visibles si vous prenez les semences de l'un de ces fruits et que vous les plantez le printemps suivant.
Des cultures peuvent se croiser seulement si elles fleurissent en même temps.
Dans l’exemple précédent, une courgette et un courge spaghetti plantés en proximité l’une de l'autre vont de croiser parce que les deux cultures auront des fleurs en même moment.
Ceci pose problème pour les fermes maraîchères qui veulent à la fois récolter des fruits de plusieurs variétés de cucurbitacées et en conserver les semences,
Mais ce n’est pas un grand problème pour des cultures maraîchères qui ne sont pas en fleurs quand leurs légumes sont prêtes pour la récolte.
Par exemple, disons que vous cultivez du Tatsoi et du Mizuna pour des mélanges de mesclun. Malgré le fait que ces deux cultures font partie de la même espèce brassica rapa, si les cultures ne sont pas en fleur en même temps, il n’y aura pas de croisements.
Vous pouvez donc produire des semences de Tatsoi à proximité d'une culture de Mizuna destinés à des salades et il n’y aura pas de croisement. Il faut cependant s’assurer de détruire la culture de Mizuna quand vous avez fini avec cette culture mais avant qu’elle ne monte en fleurs. Vous pouvez la détruire en passant avec un herse, un rotoculteur ou en la couvrant avec une bâche. Autrement, des volontaires de Mizuna monteront en fleurs et vous aurez des petites surprises dans la prochaine génération de Tatsoi.
La taille de population et distance d’isolement
Lorsque vient le temps de planifier le nombre de plants et la distance d’isolement, vous avez deux options selon l’usage que vous en ferez, c'est-à-dire soit un usage personnel ou soit un débouché commercial. Comme l’indique le tableau 1, la taille de la population fait référence au nombre de plants dans votre parcelle qui monteront en fleurs, se polliniseront et fourniront votre lot de semence.
Pour l’usage personnel
Dans le cas où la semence est utilisée pour votre propre ferme, et peut-être pour un petit groupe de personnes autour de vous, la taille de la population peut être plus petite. Cela peut convenir pour quelques générations, mais restez vigilant au risque de dérive génétique.
Pour les espèces à tendance autogame, vous pouvez simplement conserver les semences d'une seule plante, dans la plupart des cas, cela sera suffisant. Cependant, en choisissant un plus grand nombre de plantes, entre 6 et 10, vous obtiendrez une plus grande résilience génétique pour votre usage personnel.
Pour les espèces à tendance allogame , conservez les semences d'au moins 12 à 20 plantes pour votre usage personnel.
À des fins commerciales
Cette semence est destinée à être partagée avec un plus grand nombre de personnes et potentiellement vendue à des clients qui s’attendent à une variété uniforme.
Les distances d'isolement sont plus importantes que pour un usage personnel afin de réduire au minimum les risques de croisement.
Il est également recommandé d'avoir des populations de plus grande taille afin de mieux voir les variations et d'éliminer les hors-types, mais aussi d’obtenir un plus grand bassin génétique pour aider à maintenir cette variété à plus long terme.
Pour les espèces à tendance autogame, conservez les semences de 20 à 40 plantes-mères.
Pour les espèces à tendance allogame, conservez les semences de 80 à 100 plantes. Pour certaines cultures comme le maïs, il est préférable de conserver plus de 200 plantes.
Cultivez plus de plantes que vous n'en avez besoin.
Les populations peuvent présenter un large éventail de caractéristiques et s'adapter à vos pratiques agricoles. Idéalement, cultivez plus de plantes que vous n'en avez besoin lors de la récolte de semence. Vous pourrez ainsi éliminer les plantes qui ont des défauts quelconques (vigueur, rendement, etc.) et sélectionner celles qui réussissent exceptionnellement bien.