Équipe de travail
Le contenu qui suit est issu de :
Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.
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La main-d’œuvre est l’un des plus gros postes de dépense sur une ferme. Il faut donc tout faire pour avoir une bonne efficacité sur ce plan. On peut vérifier le niveau d’efficacité en estimant le coût de la main-d’œuvre en fonction des volumes vendus.
Main-d'oeuvre nécessaire
Dans un projet de maraîchage diversifié, la cellule de base est le plus souvent un noyau de deux associés ou plus. Il est important que les aptitudes des associés soient complémentaires, ce qui est souvent le cas de toute façon. L’un peut être le meilleur en qui concerne la vente et le contact avec le public, tandis que l’autre peut exceller dans la direction des employé·es. L’un peut être le meilleur en gestion, l’autre en production, etc.
Sauf pour les très petits projets, qui assurent rarement un revenu suffisant pour faire vivre une famille, l’entreprise devra inévitablement faire appel à de la main-d’œuvre. En maraîchage diversifié, il faut compter de 0,8 à 1,9 UTP (unité travail personne ou 2 500 heures) à l’hectare selon la grosseur de la ferme et le degré d’intensification. Une entreprise qui produit 100 paniers sur 3 hectares devra compter de 3 à 5 personnes durant la saison de production (incluant le ou les propriétaires) selon l’expérience et la capacité de gestion.
Voici les différents types de main-d'oeuvre possibles.
Main-d’œuvre locale
En milieu rural, il existe souvent des gens prêts à effectuer un travail saisonnier comme celui qu’on retrouve sur des fermes maraîchères diversifiées. Ils disposent souvent de leur propre moyen de transport, mais il peut aussi arriver que l’on doive coordonner leur transport.
Avantages : les avantages sont la proximité et la possibilité de trouver des gens très fiables qui deviennent de véritables alliés du succès de l’entreprise et du réseautage régional.
Désavantages : il est parfois difficile de trouver des gens motivés, formés ou prêts à faire de longues heures. Comme le travail est très saisonnier, il est difficile aussi de fidéliser la main-d’œuvre, sauf en allongeant la saison avec de la serriculture. Pour la plupart des employé·es, il est important de travailler au minimum le nombre de semaines nécessaires pour être éligibles aux prestations d’assurance-emploi. Ce nombre est variable selon la région où se trouve la ferme.
Main-d’œuvre étrangère (travailleurs mexicains ou guatémaltèques)
Il existe un programme permet à des travailleurs mexicains ou d’Amérique centrale de travailler sur des fermes québécoises. Ce programme est géré par l’UPA.
Avantages : il s’agit d’une main-d’œuvre efficace, prête à faire de longues heures et habituée aux grosses chaleurs.
Contraintes : on doit pouvoir leur fournir un logement à la ferme selon les spécifications du programme et il y a plusieurs autres conditions à leur embauche. Il est nécessaire de parler espagnol pour bien communiquer avec eux.
Main-d’œuvre agricole
Agrijob est un service de recrutement offert par AGRIcarrières, le comité sectoriel de main-d’œuvre de la production agricole. Il vise le recrutement, le placement et le transport de candidats issus de la région de Montréal, pour les entreprises des régions de Lanaudière, Montérégie et Laurentides.
Il s’agit de travailleurs habitant la ville en général, qui sont prêts à travailler sur des fermes pendant l’été.
Avantages : ce programme est pratique pour les corvées concentrées sur une courte période (exemple : désherbage manuel urgent). Il n’est pas obligatoire d’employer les travailleurs durant une longue période.
Désavantages : il est souvent difficile de trouver des personnes motivées ou qui ont à cœur de bien faire leur travail. Si la ferme n’est pas située sur le circuit des autobus qui transportent les travailleurs, il faut aller les chercher soi-même à des endroits déterminés.
Stagiaires et étudiants
Toutes les institutions qui dispensent des cours en agriculture (enseignement secondaire, collégial ou même universitaire) offrent des programmes de stage sur des fermes. Le·a producteur·rice intéressé·e à accueillir des stagiaires doit contacter les institutions directement.
Avantages : les étudiants sont disponibles à un coût minime, parfois même gratuitement, bien qu’il soit préférable de leur payer le salaire minimum, car ils ont besoin de revenus pour vivre. Ils sont jeunes, prêts à apprendre et en pleine forme en général !
Désavantages : ils ne sont souvent disponibles que pour une partie de la saison et généralement pas en août et septembre quand on a le plus besoin d’eux. Ils nécessitent beaucoup d’encadrement parce qu’ils sont en formation; sans encadrement, ils ne savent souvent pas quoi faire. Ils ne sont pas nécessairement de bons travailleurs manuels. Même si on les paie peu, il faut les loger et les nourrir. Il y a par ailleurs des obligations telles que leur fournir de l’information et rédiger un rapport.
WWOOFers
Les WWOOFers (voir le site web de WWOOF-Canada) sont des gens, souvent jeunes, qui voyagent à travers le monde tout en travaillant sur des fermes membres du réseau WWOOF (World Wide Opportunities on Organic Farms ou Willing Workers on Organic Farms).
Avantages : leur travail est gratuit en échange de la nourriture et du gîte. Ce sont des gens motivés qui offrent une belle expérience humaine en général et certains d’entre eux, très expérimentés, peuvent même faire progresser l’entreprise en partageant des trucs qu’ils ont vus ailleurs.
Désavantages : il s’agit d’une main-d’œuvre imprévisible. Si leur date d’arrivée est prévue, le moment de leur départ est souvent indéterminé. Ils peuvent rester quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, selon qu’ils apprécient ou non leur expérience sur la ferme. Souvent ils ne font pas d’aussi longues heures qu’un·e employé·e. La langue de communication peut aussi être un problème, surtout si le·a producteur·rice ne parle pas anglais.
« Nous avons eu des WWOOFfers à la ferme dès le tout début. Si la plupart du temps, l’expérience a été agréable, il est impossible de planifier la production en fonction de leur présence. Il faut plutôt les voir comme une aide supplémentaire inespérée. On en profite souvent pour leur faire faire des trucs que nous n’avons pas le temps de faire en saison. »
Membres de la famille
Avantages : on les connaît bien ! Leur aide est souvent peu coûteuse ou gratuite ! Ils sont prêts à faire beaucoup par amour.
Désavantages : les liens émotionnels compliquent souvent les rapports. Il est difficile de les considérer sur le même pied que les autres employé·es. Également, il est facile d’abuser de leur disponibilité, ce qui peut être très mauvais pour les relations.
Sélection
La sélection de la main-d’œuvre n’est pas toujours possible, car le choix est limité. Il n’est pas rare d’avoir à recommencer avec une nouvelle équipe presque chaque année. Certaines fermes arrivent à garder une base d’employé·es stable, mais ce n’est pas généralisé.
« On essaie d’avoir au moins deux employé·es qui ont déjà de l’expérience; le·a troisième employé·e peut ne pas en avoir si on le·a sent assez motivé·e. On complète la main-d’œuvre avec des « WWOOFers »[1]et parfois un·e stagiaire. On trouve important d’avoir une base stable de quelques personnes sur qui on sait pouvoir compter. »
Plusieurs fermes ont commencé à employer des travailleurs mexicains ou guatémaltèques pour pallier la difficulté de trouver au Québec une main-d’œuvre temporaire fiable. Il faut alors connaître l’espagnol, au moins un peu.
Gestion
Il est capital de bien gérer la main-d’oeuvre pour qu’elle soit efficace. Le travail doit être bien organisé, puis bien expliqué aux employé·es. Par la suite, il est nécessaire de bien encadrer le déroulement des tâches.
Organisation du travail
Plusieurs fermes se plaignent du manque de fiabilité et d’ardeur au travail de leurs employé·es. Une gestion adéquate peut parfois palier certains de ces inconvénients.
Plusieurs points sont à considérer en ce qui concerne l’organisation du travail :
- bien planifier la logistique pour ne pas perdre de temps : par exemple, les distances que les employé·es doivent parcourir entre deux postes de travail (exemples : lavage et entrepôt) doivent être réduites le plus possible;
- varier les tâches dans la journée : une personne ne peut pas rester efficace si elle fait la même chose pendant huit heures;
- avoir une bonne idée du temps requis pour les tâches (en les faisant soi-même d’abord) et fournir l’encadrement nécessaire pour que le travail se déroule comme prévu;
- ne pas s’attendre à ce que les employé·es travaillent avec la même énergie que celle des propriétaires. Sans perdre de vue l’efficacité minimale requise pour un travail, il faut être réaliste quant à l’évaluation du temps nécessaire pour une tâche effectuée par un·e employé·e;
- la présence du propriétaire ou patron, ou encore d’un chef d’équipe, avec les employé·es est un impératif pour assurer un bon rythme de travail.
Les tâches délicates comme les semis, les plantations, ou encore l’arrosage des transplants, ne devraient pas être confiées à des employé·es inexpérimenté·es.
« La main-d’œuvre est une des dépenses les plus importantes, sinon la plus importante de l ‘entreprise. Il est donc important que le travail soit bien planifié, que chacun sache exactement ce qu’il a à faire, que la tâche soit claire et bien expliquée. Il faut aussi fournir les bons outils pour l’exécuter. Si l’employeur·se tourne en rond et ne sait pas où il s’en va, les employé·es ne seront pas efficaces. »
« Au départ, j’effectue moi-même les tâches répétitives pour trouver la façon la plus rapide de procéder. Je m’assure ensuite que les employé·es suivent la même méthode, sauf s’ils proposent une méthode équivalente aussi efficace. »
« Il faut définir des postes avec précision et DÉLÉGUER. »
Communication et motivation
Entretenir la motivation est important pour obtenir une bonne efficacité de la main-d’œuvre. Voici ce que font quelques producteur·rices afin de maintenir l’intérêt de leurs employé·es.
« J’ai deux employé·es fiables à qui je laisse beaucoup d’autonomie. J’essaie d’utiliser les forces de chacun. Il est important de prendre une bière ensemble de temps en temps, de faire une fête ou une sortie. »
« Nous sommes le plus souvent possible dans le champ avec nos employé·es. Nous faisons tout avec eux : plantation, cueillette, désherbage.
Plusieurs raisons nous ont amenés à adopter ce type de gestion :
- nous aimons être avec les gens et travailler avec eux;
- le travail avance plus vite dans les champs; un problème ou un imprévu peut grandement ralentir le travail si nous ne sommes pas là pour décider rapidement comment continuer;
- nous savons exactement combien de temps doit prendre une activité;
- il n’y a pas d’erreurs.
On essaie de terminer complètement une tâche avant d’en commencer une autre; c’est plus satisfaisant ainsi. Nous nous arrangeons pour que le travail soit fini à temps. Il y a beaucoup d’échanges sur le pourquoi et le comment des choses. Les employé·es sont impliqué·es dans les décisions. Nous utilisons les forces de chacun·e. Par exemple, certains employé·es sont forts physiquement, mais sont pas capables de reconnaître quand certains légumes sont prêts à être récoltés. Nous attribuons donc les tâches en fonction des forces et faiblesses de chacun·e.
Il faut être clair au départ quant au temps de travail. Chez nous, les employé·es travaillent 40 heures par semaine. L’horaire doit être régulier, sinon cela démotive la main-d’œuvre. Nous ne demandons pas à nos employé·es de travailler la fin de semaine.
Un plongeon dans la piscine au milieu de l’après-midi quand il fait très chaud, un verre de vin chaud au milieu de la matinée quand il fait bien froid et qu’on a les mains gelées, une bière de temps en temps à la fin de la journée, un souper au resto, une journée de sortie ensemble pour visiter d’autres fermes et la reconnaissance du travail bien fait sont des choses à ne pas négliger pour la cohésion et la motivation d’une équipe. »
Besoins en main-d’œuvre de fermes en ASC et de fermes plus spécialisées
Les données présentées au tableau 1 donnent une idée du temps de travail requis de la part des employé·es et des propriétaires pour des fermes en ASC de différentes envergures. Ces données sont issues de sept fermes performantes ayant un bon taux de renouvellement pour les inscriptions. À part une ferme, elles sont toutes mécanisées et leur superficie varie de 0,9 à 7 ha. Les fermes ont été divisées en deux groupes : 100 à 200 paniers et 300 à 320 paniers.
Le nombre d’heures de travail varie beaucoup en fonction du niveau d’intensification de la ferme. Plus la ferme est petite, plus le nombre d’heures travaillées à l’hectare est important.
Tableau 1. Main-d’œuvre et heures de travail par hectare requises sur sept fermes performantes en système de production ASC
Ferme | Superficie (hectares) | Heures de travail/hectare | ||
---|---|---|---|---|
Employé·es | Propriétaires | Total | ||
Ferme 1 | 1 714 | 4 167 | 5 881 | |
Ferme 2 | 1 175 | 2 300 | 3 475 | |
Ferme 3 | 518 | 3 702 | 4 220 | |
Ferme 4 | 1 182 | 1 091 | 2 273 | |
Moyenne (100 à 200) paniers | 2 | 1 147 | 2 815 | 3 962 |
Ferme 5 | 828 | 804 | 1 632 | |
Ferme 6 | 852 | 1 125 | 1 977 | |
Ferme 7 | 1 190 | 660 | 1 850 | |
Moyenne (300 à 320 paniers) | 4,90 | 957 | 863 | 1 820 |
La main-d’œuvre nécessaire par hectare de culture pour des fermes qui sont plus spécialisées (production d’au moins 0,5 hectare d’un même légume) est indiquée au tableau 2 (CRAAQ, 2005). Dans ce cas, la vente est faite en gros.
Tableau 2. Main-d'œuvre salariée nécessaire pour la production de quelques légumes
Espèces | Heures de travail/hectare |
---|---|
Laitue | 487 |
Chou | 380 |
Brocoli | 317 |
Carotte | 1 4361 |
Oignon | 320 |
Pomme de terre | 288 |
Notes
- Ce chiffre élevé est dû aux désherbages manuels, au nettoyage et à l’emballage.
Aucun mot clé.
- ↑ WWOOF : World Wide opportunities on Organic Farms (par extension, WWOOFers : willing workers on organic farms ou travailleurs volontaires au sein de ce réseau)