Accès aux savoirs
Le contenu qui suit est issu de :
Weill, A. et J. Duval. (2009). Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifiée. Équiterre.
Pour contribuer, vous pouvez commenter (en bas de page) ou démarrer une discussion sur le sujet (bouton « … » en haut à droite). Pour modifier le contenu, veuillez contacter les auteur·rices ou écrire à l’équipe du WM. Pour suivre l'évolution de cette page, sélectionnez l'option à cet effet dans le menu "...".
Avant de démarrer soi-même une entreprise en maraîchage diversifié, il est très fortement recommandé d’aller travailler pendant au moins une saison sur une ou même plusieurs fermes de ce genre. Observer l’organisation de la ferme et poser des questions tout en travaillant permettent d’acquérir de l’expérience, de préciser le projet de démarrage et, surtout, d’obtenir des réponses à des questions fondamentales : « Est-ce bien ce que je veux faire pendant les 10, 15 ou 20 prochaines années ? Est-ce que je veux gérer des employés ? Suis-je prêt(e) à travailler de longues heures (plus de 50 heures ou plus par semaine) d’avril à novembre chaque année ? ».
Formation agricole
Même si l’expérience acquise en travaillant sur une ferme est souvent très utile, au moins un des partenaires du projet de maraîchage diversifié devrait posséder une solide formation en agriculture, préférablement en horticulture. Au secondaire, des formations techniques en horticulture sont offertes dans plusieurs commissions scolaires au Québec, bien que, souvent, elles soient plutôt axées sur la production ornementale que légumière. En ce qui concerne l’enseignement collégial, les programmes Gestion et technologies d’entreprise agricole (GTEA) et Technologie de la production horticole et de l’environnement ou agroenvironnementale (TPHE / TPHA) sont offerts dans plusieurs cégeps à travers la province. L'Institut national d'agriculture biologique du Cégep de Victoriaville est toutefois la seule institution à offrir une formation complète spécialisée en agriculture biologique à travers les programmes suivants :
- GTEA - Production légumière biologique
- GTEA - Production fruitière biologique
- AEC - Production maraîchère biologique
Les autres institutions offrent en général un ou quelques cours plus spécifiques à l’agriculture biologique, mais le programme principal est basé sur l’agriculture conventionnelle.
Avant de rejeter l’idée d’une formation secondaire ou collégiale en production conventionnelle, il est bon de considérer que les aptitudes de base pour gérer une entreprise agricole sont semblables, qu’on soit en agriculture biologique ou non. Qu’il s’agisse de conduire un tracteur, de comprendre la biologie des plantes ou d’appliquer des produits phytosanitaires, les principes sont les mêmes pour les deux types d’agriculture.
Les formations secondaire et collégiale sont beaucoup plus axées sur la pratique que la formation universitaire. Cette dernière, même si elle aide beaucoup dans la compréhension de la science agricole, ne sera pas d’une aide appréciable pour mener à bien un projet de maraîchage biologique diversifié à moins d’effectuer des stages dans de telles entreprises pendant les études. À noter que l'Université Laval offre un micro-programme en agriculture biologique composé de quatre cours à distance ainsi qu'une formation en agriculture biologique et entrepreneuriat de 50 heures en ligne.
Il est bon de savoir que la formation acquise par un candidat de moins de 40 ans dans le cadre d'un baccalauréat en sciences agricoles ou d'un diplôme d'études collégiales en gestion et technologies d'entreprise agricole rend éligible à une subvention de 25 000 $ à 50 000$ lors de l’établissement (voir le Programme d’appui financier à la relève agricole).
Certaines personnes sont autodidactes. Même si la grande quantité d’information disponible facilement sur Internet de nos jours (surtout pour quelqu’un qui lit l’anglais) peut aider dans un projet, les aptitudes ne viendront qu’en le réalisant. Les erreurs peuvent être coûteuses et frustrantes. Une bonne formation peut permettre d’éviter beaucoup d’erreurs tout en offrant un cadre et une approche qui serviront à la réalisation du projet.
Enfin, plusieurs institutions offrent des cours à la pièce sous forme de formation continue afin de parfaire ses connaissances dans ce domaine en constante évolution. Voici quelques ressources pour en savoir plus :
- Centre d'expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+)
- La Masterclass du jardinier-maraîcher
- U+ et Les Collectifs régionaux en formation agricole (CRFA)
- Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ)
Minimum recommandé : travailler plusieurs mois sur une ou plusieurs fermes maraîchères diversifiées; suivre un ou plusieurs cours en horticulture parmi ceux offerts par les institutions secondaires et collégiales.
Capacité à réparer et à modifier la machinerie
L’exploitant d’une ferme maraîchère diversifiée a avantage à être capable d'effectuer lui-même des réparations de base et l’entretien de la machinerie. Un cours de soudure est un atout non négligeable. À tout le moins, le·a maraîcher·ère doit avoir quelqu’un dans son entourage ou avoir accès facilement à quelqu’un qui est un bon bricoleur et qui peut effectuer des réparations d’urgence telles que des soudures. Si tout doit être fait au garage du village, chez le concessionnaire de tracteurs ou à contrat, les coûts d’entretien deviennent rapidement importants et peuvent même parfois compromettre la rentabilité de l’entreprise, surtout quand « tout lâche en même temps » (ce qui semble souvent le cas!). De plus, en particulier en période de démarrage de l’entreprise, il s’agira le plus souvent de machinerie usagée pour laquelle il n’est pas toujours facile de trouver des pièces ou dont les pièces sont très coûteuses. Bref, un·e bon·ne maraîcher·ère diversifié·e doit être débrouillard·e et bricoleur·se. Si ces qualités ne sont pas innées, il ne faut pas se décourager ! C’est quelque chose qui s’apprend et se développe avec les années. Par contre, un·e futur·e maraîcher·ère ou son partenaire d’entreprise qui n’éprouvent aucun goût pour la mécanique doivent y penser à deux fois avant de se lancer; le maraîchage diversifié n’est peut-être pas leur branche ! Toutefois, il est possible de cultiver de façon très intensive manuellement et de tirer tout de même son épingle du jeu comme le démontre l’exemple de la ferme Les Jardins de la Grelinette tout au long de ce guide. Il est alors nécessaire de se concentrer surtout sur des cultures de haute valeur et de disposer d’un marché ouvert à de tels produits.
Les personnes les plus bricoleuses vont jusqu’à créer eux-mêmes des machineries diverses, ce qui est un atout important.
« Au cours des années, nous avons développé des outils vraiment adaptés à notre ferme. Avec un peu d’imagination, nous avons pu sauver des sous et rendre notre travail plus efficace. Nous avons développé une laveuse à légumes, un chariot pour transporter les légumes lors de la récolte, un rouleau-traceur pour tracer les sillons lors du semis, un semoir à pommes de terre, une souleveuse de carottes et bien d’autres équipements. »
D’autres maraîcher·ères arrivent parfois à utiliser de l’aide extérieure pour pallier leur manque d’expertise dans ce domaine.
« L’une de mes faiblesses à la ferme est que je ne suis pas très bricoleur. Qu’à cela ne tienne, je fais appel à l’occasion à des voisins qui le sont plus que moi. Sinon, je réduis le parc de machinerie au minimum et je fais faire les gros travaux à forfait. »
Minimum recommandé : investir dans de l’outillage de base pour travailler le métal et réparer la machinerie; suivre un cours de soudure; lire les manuels d’instruction qui sont fournis avec la machinerie (et se les procurer quand il s’agit de machinerie usagée) et prendre le temps d’écouter les recommandations des vendeurs. Essayer la machinerie à vide, avant de l’utiliser sur la culture.
Capacité de gestion
Pour un projet de maraîchage biologique diversifié, la capacité de gestion est tout aussi importante que les compétences techniques. La production en ASC demande une capacité de gestion exceptionnelle étant donné la complexité d’un tel système. On peut distinguer trois aspects à la gestion : la gestion de la production, la gestion financière et la gestion de la certification biologique.
Gestion de la production
La gestion de la production implique la planification des travaux, de la main-d’œuvre, des semis, de la récolte, etc. Il faut être capable de planifier l’offre de légumes tout au long de la saison. S’il s’agit de paniers d’ASC, il faut être capable de les planifier de A à Z. Pour gérer un système complexe, il faut se doter des outils nécessaires. De tels outils vous sont proposés tout au long de ce guide (voir les modules 3 et 5 particulièrement). Entre autres, il faut préparer :
- une liste des quantités de légumes désirés pour chaque période donnée;
- un calendrier de semis où sont précisées les dates de semis pour chaque variété;
- une évaluation des superficies requises pour chaque légume;
- un plan de rotation;
- un plan d’implantation des cultures où sont précisées les cultures pour chaque plate-bande ou chaque groupe de plates-bandes.
Gestion financière
La gestion financière implique la planification des investissements et des dépenses courantes, le paiement et la perception des comptes, la comptabilité, la paie des employés, les rapports de taxes, etc. Les commissions scolaires et les cégeps offrent des cours de tenue des livres et d’informatique qui peuvent être utiles à cette fin. Toutefois, seuls les cours offerts dans les cégeps mettent autant l’accent sur la gestion que sur les capacités techniques. Des formations plus spécifiques à la gestion en agriculture sont offertes dans les institutions collégiales, nommément les Attestions d'études collégiales (AEC) en Gestion d'entreprise agricole et la Plateforme de formation en entrepreneuriat agricole de l'Université Laval.
Le travail de base se rapportant à la tenue des livres et, surtout, les prises de décision ne peuvent pas vraiment être délégués. Il est toutefois possible de faire appel à des services spécialisés tels que le Service de comptabilité-fiscalité de l’UPA ou un groupe de gestion agricole pour certaines parties d’analyse et de travaux de gestion. On peut aussi s’adjoindre un conseiller tel un comptable ou un fiscaliste spécialisé en agriculture. La fiscalité agricole est un domaine complexe. Tenir compte de certaines exemptions ou non peut parfois faire la différence entre la rentabilité et la non-rentabilité d’une entreprise.
Gestion de la certification biologique
Les information nécessaires pour la gestion de la certification biologique sont généralement les mêmes que celles obtenues pour la gestion de la production et la gestion financière. L’organisation et la présentation peuvent différer. Dans un système diversifié, il peut devenir rapidement cauchemardesque de rendre compte de chaque opération et de comptabiliser chaque variété de légume produit et vendu. Les certificateurs n’en exigent pas tant en pratique. Ce qu’il est important de comprendre, c’est qu’il faut être en mesure de démontrer à l’inspecteur que le cahier des charges biologiques a été suivi tout au long de la production et qu’il est possible de retracer globalement les quantités vendues et celles produites à la ferme. Une bonne habitude consiste à rassembler, dans un seul cartable, les documents que l’inspecteur voudra consulter : plan de ferme, registre de production, factures d’achats de semences et autres intrants, etc.
Le plan de ferme devrait comporter l’identification des parcelles (numéro ou autre identifiant), leur grandeur ainsi que la ou les cultures de l’année. Le registre de production devrait indiquer, pour chaque parcelle, la culture visée ainsi que la date et les quantités appliquées lorsqu’il y a emploi de matières fertilisantes et de produits de protection des cultures. Les opérations culturales principales doivent aussi y être notées. Certains y indiquent tout, jusqu’au nombre de personnes qui ont fait du sarclage manuel dans la parcelle X le jour J.
Le registre de production peut ainsi devenir un outil de gestion de production intéressant et non pas seulement une contrainte administrative. Certains producteurs utilisent un calepin électronique, ce qui permet de transférer les informations facilement à un ordinateur. D’autres utilisent un simple agenda ou un petit cahier. À noter que si la ferme compte plus de 5 hectares en maraîchage, il est obligatoire de détenir un plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) et de tenir un registre d’épandage des matières fertilisantes pour satisfaire à la réglementation provinciale du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP).
Pour ce qui est de faire correspondre la production et les ventes, à moins que l’on ne veuille connaître précisément les pertes au champ ou la proportion de légumes déclassés, il est préférable de tenir compte seulement du rendement commercialisé plutôt que du rendement total d’une parcelle ou d’une culture. Ainsi, la correspondance entre la production et les ventes peut se faire à partir de la composition typique d’un panier chaque semaine dans le cas d’une ferme en ASC. Il est bon de prendre l’habitude de noter le poids et la valeur des produits qui sont mis dans les paniers. Pour la vente en kiosque, on note seulement les quantités effectivement vendues, pas celles que l’on rapporte et qui seront périmées.
Le CETAB+ offre des modèles de registre de récoltes, de registre de temps de travail et de registre de ventes basés sur Excel et sur Google Sheets.
Minimum recommandé : apprendre à faire une comptabilité agricole de base et adopter un système de classement cohérent; apprendre à utiliser Excel (ou autre chiffrier).
Aucun mot clé.