Étape 7 : Sélectionner et épurer
Le contenu qui suit est issu de :
Oeuvre originale : Rowen, W. et Connolly, B. (2011). Breeding Organic Vegetables : A Step-by-Step Guide for Growers. Elyzabeth Dyck, NOFA-NY.
Traduction : Lanctôt, J. (2022). Guide pour les fermes biologiques sur l’amélioration génétique des plantes maraîchères. L’initiative de la famille Bauta sur la sécurité des semences au Canada, un programme de Sème L’avenir.
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La sélection et l’évaluation vont de pair. Vous voulez évaluer vos plants et sélectionner les meilleurs (la sélection positive). Se débarrasser continuellement des plants faibles (la sélection négative) est le moyen le plus efficace pour maintenir des variétés saines. Comme l’a dit John Navazio, ce qui importe n’est pas tant ce que vous gardez que ce que vous jetez![1] Une évaluation et une sélection informelles sont habituellement suffisantes dans presque tous les projets d’amélioration des cultures à la ferme. Faire le tour de vos champs périodiquement en étiquetant les bons plants et en « épurant » les mauvais constitue un excellent point de départ.
Vous devez tenir compte d’un certain nombre de facteurs au moment d’évaluer vos essais. Comme cela a été mentionné précédemment, il importe de connaître votre culture. Déterminez les quatre ou cinq caractéristiques les plus importantes, en gardant en tête votre objectif de sélection, le type de culture et le meilleur moment pour faire vos observations. Vous pourriez avoir besoin d’une saison ou deux pour vous sentir à l’aise d’évaluer celles-ci objectivement.Cela peut paraître intimidant et laborieux de faire une évaluation et une sélection en fonction de plusieurs caractéristiques, mais vous serez en mesure de cerner les bons plants dans vos champs et de faire de réels progrès en peu de temps grâce à quelques conseils et techniques d’évaluation sur le terrain.
Il existe diverses méthodes pour sélectionner des plants en fonction de plusieurs caractéristiques : sélection en tandem, sélection par notation, seuil d’élimination et indice de classement. Bon nombre de personnes utilisent une approche de notation simple qui les aide à analyser le rendement des plants. L’utilisation d’une échelle de 1 à 9 est une technique de notation courante. Au moment d’évaluer chaque caractéristique, une note de 1 est attribuée au plant affichant le rendement le plus faible, tandis qu’une note de 9 est attribuée à celui affichant le meilleur rendement. Vous pouvez bien sûr créer votre propre échelle, mais assurez-vous d’utiliser tous les chiffres qu’elle contient, y compris ceux aux extrémités. Ça ne sera pas très utile si tous les plants ont une note moyenne. Observez les plants de très près pour remarquer les différences entre eux. C’est ici qu’un bon sens de l’observation s’avère payant.
Faites le tour du lot. Utilisez des étiquettes, du ruban, des drapeaux ou une carte pour évaluer une vaste gamme de plants. Inutile de noter chaque plant si vous en avez un très grand nombre. Veillez seulement à noter un échantillon qui représente bien le champ ou le lot au complet. Du ruban forestier fluorescent fonctionne également bien. Servez-vous d’un marqueur indélébile pour écrire l’information sur le ruban.
Sélection en tandem
Cette méthode sert à faire une évaluation et une sélection pour une caractéristique à la fois. Sélectionnez pour des caractéristiques facilement identifiables, comme la stature du plant, la couleur, le type de fruit, etc., et ce, tôt dans le processus de sélection. Gardez pour plus tard les caractéristiques plus complexes contrôlées par plusieurs gènes, comme la résistance aux maladies et le rendement.
Sélection par notation
Cette méthode utilise l’échelle de 1 à 9 mentionnée plus haut. Une note est attribuée à chaque caractéristique. Par exemple, le Plant A reçoit un 7 pour le goût et un 6 pour la résistance aux maladies. Toutes les notes du plant sont ensuite additionnées. Le Plant A obtient ainsi une note de 13. Le Plant B reçoit un 8 pour le goût et un 3 pour la résistance aux maladies, pour une note globale de 11. Le Plant A, qui a une note globale plus élevée, serait sélectionné au lieu du Plant B.
Seuil d'élimination
Cette méthode élimine les plants qui tombent sous la valeur d’un seuil (déterminée par la sélectionneuse ou le sélectionneur). Brett Grohsgal donne un exemple concret : il utilise l’épaisseur de la tige des plants pour mesurer leur vigueur. Il dit à son équipe, au moment de récolter les semences de ses collards (chou à feuille), de couper et de rassembler toutes les tiges qui, à 2 pouces au-dessus de la surface du sol, sont plus épaisses qu’un crayon. Il ajoute aussi de ne récolter que les tiges qui ont terminé leur période de floraison et dont la plupart des siliques (c-a-d. les gousses) présentent des renflements.[2]
Des seuils peuvent être définis pour toutes les caractéristiques voulues. Vous pouvez par exemple choisir des plants de tomate ou de poivron qui produisent un certain nombre de fruits, ou des plants d’aubergine qui ont fleuri avant une certaine date.
Indice de classement
Cette méthode utilise un système de classement pour comparer des plants. Chaque individu parmi un certain nombre de plants est classé premier, deuxième, troisième, etc. pour chaque caractéristique. Les classements de chaque caractéristique sont ensuite additionnés pour chaque plant. Les plants ayant les notes globales les plus basses sont sélectionnés pour la prochaine génération.
Il y a peu de chances d'avoir beaucoup de bons plants pour toutes les caractéristiques au début. Assurez-vous par conséquent de choisir ceux qui semblent les plus prometteurs, en sachant qu’ils iront en s’améliorant plus votre projet avancera.
Votre lot ne sera pas toujours beau à voir au moment de la sélection si vous avez mis une pression adéquate sur vos plants. Vos standards pourraient être révisés à la baisse. Pour reprendre le conseil de Frank Morton n’oubliez pas que vous devez chercher quelque chose avec un bon potentiel dans une mauvaise situation.[3]
Calendrier de sélection
Une ronde d’épuration au cours de la saison pourrait suffire si vous sélectionnez pour une caractéristique en particulier. Par exemple, si voulez obtenir un fruit d’une autre couleur sur une variété qui offre déjà un bon rendement dans votre région, vous allez pouvoir épurer seulement lorsque les fruits sont mûrs Si vous sélectionnez pour une résistance ou une tolérance à une maladie ou un stress, le moment idéal pour évaluer les plants est lorsque la maladie ou le stress est à son apogée. Vous pourrez ainsi reconnaître les plants ou les variétés les plus tolérantes aux pressions choisies.
Vous devez procéder à une évaluation et une sélection à différentes étapes de la saison et du cycle de vie des plants si vous sélectionnez pour plusieurs caractéristiques, comme la couleur, le goût, la maturité, la vigueur et la résistance aux maladies. Cela garantira un processus rigoureux et efficace, puisque vous pourrez distinguer les plants faibles des plants forts à différents moments durant la saison, et ce, dans des conditions variées. Plus vous avez de notes de pointage, plus vous connaîtrez le rendement que pourront offrir les plants tout au long de la saison. Prévoyez donc de faire une évaluation et une épuration au moins trois fois par saison.
Voici de bons moments pour le faire :
- Dans les plateaux ou lorsque les semis commencent à pousser.
- Avant la floraison.
- Lorsque la pression choisie est à son plus fort.
- Au sommet de la période de production de fruits ou de récolte.
Épuration parentale
Chez les espèces autogames, le plant est à la fois la mère et le père. Chez les espèces allogames, le plant mère est évident (celui qui porte les semences), mais un certain nombre d’individus au sein de la population pourrait être le père. Cela signifie qu’au moment de faire une adaptation sélective avec des espèces allogames, il est très important de faire une épuration parentale avant la floraison. Vous devez arracher tous les plants qui ne répondent pas à vos critères pour éviter qu’ils distribuent leur pollen. Les mauvaises caractéristiques pourraient sinon se propager et refaire surface après plusieurs générations. Vous gagnerez ultimement du temps en faisant une épuration parentale rigoureuse.
Les gènes ou l'environnement
Il est crucial de garder en tête que les plants s’expriment de deux façons : par le phénotype et par le génotype. Comprendre ces concepts vous évitera certaines erreurs et du temps perdu.
Le génotype d’un plant renvoie à son héritage génétique, dont une partie du matériel ne s’exprime pas et n’est pas visible dans l’apparence du plant. Il s’agit de la constitution et du potentiel génétiques du plant. Le phénotype d’un plant renvoie à ce que vous voyez. Ce ne sont pas seulement les gènes qui s’expriment, puisqu’un plant est plus que l’expression de ses gènes. Ses caractéristiques sont en grande partie déterminées par son environnement.
La formule de sélection pour exprimer ceci est « G × E », c’est-à-dire l’interaction génotype et environnement. Pourquoi est-ce important? Parce qu’il faut se rappeler que ce ne sont pas toutes les caractéristiques d’un plant qui sont héréditaires ou issues de ses gènes. Une feuille pourrait avoir une pigmentation rouge vif parce que le sol lui est idéal et que les nuits sont juste assez fraîches. Vous pourriez donc être déçu si vous sélectionnez ce plant en pensant que ses descendants auront des feuilles rouge vif.
Il vous arrivera de voir un plant en pleine santé durant l’évaluation d’un essai de sélection. Le plus dur est de savoir si celui-ci est plus fort génétiquement ou s’il pousse seulement à un endroit mieux fertilisé dans le champ. Il est important de tenir compte de la variation environnementale et le type et la gestion du sol sont de grandes causes de variation sur les fermes et dans les potagers. Par exemple, une extrémité de la parcelle pourrait contenir plus d’argile, ou vous pourriez avoir ajouté plus de compost par accident. Les plants à ces endroits afficheront un rendement tout autre que ceux ailleurs dans la parcelle. En tenant en compte de cette variation, vous augmenterez l’efficacité de votre sélection.
« L’effet de bordure » est un autre exemple de variation environnementale. Les plants en bordure de la parcelle sont d’habitude plus robustes, car ils ont plus d’espace pour étendre leurs racines et ont normalement un meilleur accès à la lumière du soleil et aux éléments nutritifs dans le sol. Il vaut alors mieux ne pas choisir ces plants au moment de la sélection.
Quadrillage
Le quadrillage est une méthode qui réduit la variation environnementale ainsi que la difficulté et la confusion.
Si par exemple vous avez un espace de 100 pieds carrés dans votre champ ou potager dans lequel vous voulez sélectionner une population, divisez cette superficie en sections de 10 pieds carrés pour un total de 10 sections. Semez pour que chaque section ait le même nombre de plants, puis sélectionnez ensuite le meilleur plant de chaque section (selon vos critères). Ce sont les semences de ces 10 meilleurs plants que vous mettrez en terre l’année suivante (voir la figure 1).
Test de descendance
Vous pouvez effectuer un test de descendance pour savoir si les caractéristiques d’un plant sont héréditaires. Il s’agit alors de cultiver les descendants du plant en question. C’est un moyen de savoir si certaines caractéristiques sont le résultat des gènes ou de l’environnement. C’est aussi un moyen de savoir si vos plants comportent des traits récessifs et des caractéristiques cachées qui pourraient se manifester dans des générations ultérieures.
Aménager un test de descendance
Revenons à notre exemple d’un individu de grande taille très productif que vous avez remarqué parmi les plants de votre essai de sélection. Commencez par conditionner et entreposer séparément ses semences pour déterminer s’il s’agit de traits génétiques héréditaires. Ensuite, comme illustré dans l’encadré 1, plantez au moins 10 semences pour augmenter vos chances de voir toutes les variations possibles chez les descendants. La figure 2 montre l’aménagement et les résultats possibles d’un test de descendance. Si aucun descendant ne possède les caractéristiques du plant d’origine, cela veut dire que sa grande taille et sa productivité étaient dues à des facteurs environnementaux. Si certains ou tous les descendants affichent les caractéristiques d’origine, l’examen d’une autre génération permettra de savoir si elles sont dominantes ou récessives. Il est à noter qu’un test sur descendance peut aussi servir à éliminer des lignées instables et à créer des lignées homozygotes (encadré 1 et figure 3).
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Pas de photo
Combien de plants devriez-vous garder
Si le processus de sélection n’est pas assez rigoureux, alors les résultats et les variétés de votre travail ne seront pas à la hauteur de vos objectifs. Dans le milieu de la recherche, on élimine habituellement 90 % à 99 % d’une population. Il s’agit là d’un taux trop élevé si vous voulez conserver une variation génétique au sein de votre population. L’autre option est d’avoir une population de très grande taille pour maintenir un bon niveau de diversité.
Si votre objectif est d’avoir une population à partir d’une espèce autogame, sélectionnez au moins 40 % de la population à partir idéalement d’une population d’environ 200 plants. Sélectionnez 12 plants sur 20 si votre objectif est une lignée pure ou une variété uniforme.
Si votre projet concerne une culture allogame, sélectionnez 25 % à 50 % de votre population. La population devrait comprendre au moins 60 plants, mais de 200 à 500 sont préférables pour sélectionner un bassin de semences saines et vigoureuses.
Registres et prises de notes
Bien consigner des renseignements et tenir des registres ou des dossiers est utile pour accompagner votre protocole d’amélioration de cultures. Une mauvaise identification pourrait ruiner des années de travail si un bon plant était éliminé par mégarde ou que des semences étaient mélangées avec d’autres par accident.
Il est important de bien identifier vos lots de semences directement sur les contenants ou les sachets de semences. Vous pouvez même étiqueter en double pour éviter les erreurs en mettant une étiquette à l’intérieur et une autre à l’extérieur. Des renseignements supplémentaires, comme des données sur l’historique de la population (p. ex. les parents ou les ancêtres), ses caractéristiques et son évaluation, augmenteront la précision de vos prochaines sélections. Tous ces renseignements peuvent être consignés sur des fiches, dans des cahiers, dans des tableurs, etc. Tenir de bons registres ou dossiers vous permettra de faire plusieurs observations et évaluations pour un même plant, en tenant compte de nombreuses caractéristiques.
Conservez vos observations en plusieurs formats. Bon nombre de personnes conservent plusieurs dossiers à référence croisée, y compris :
- Des sachets de semences : C’est un bon endroit où indiquer l’identité des plants ainsi que les dates et les autres détails de plantation.
- Des dossiers multimédias : Ils permettent de conserver sur votre ordinateur des photos, vidéos ou enregistrements vocaux que vous avez durant la saison.
- Des fiches : Elles permettent de garder une trace écrite de vos projets de sélection dans peu d’espace. Prenez une boîte qui contient des fiches de 3 X 5 po et divisez-la par culture. Gardez une fiche distincte comprenant l’information sur les ancêtres et les notes sur les caractéristiques pour chaque sélection ou lignée génétique avec laquelle vous travaillez.
- Des plans ou tableaux de culture : Ceux-ci illustrent l’emplacement de vos plants. Ils servent aussi de sauvegarde au cas où les marqueurs dans les champs disparaîtraient ou pâliraient au soleil.
- Des feuilles de pointage : Elles permettent de faire un suivi de vos notes d’évaluation.
Conseil : Consignez vos renseignements au crayon à mine, car un peu d’eau ne pourra pas les effacer! Vous pourrez aussi apporter des modifications au besoin. Tenir des dossiers ou des registres peut nécessiter beaucoup de temps. Il vous revient de trouver une méthode qui fonctionnera bien pour vous, en fonction du temps et de l’énergie que vous pouvez y consacrer.
Aucun mot clé.
- ↑ Navasio, J. (2004). Guidelines for Trialing. Dans C.R. Lawn (dir.), Restoring Our Seed: Ecological Seed Production and Crop Improvement by and for Organic Farmers. Restoring Our Seed Project. Aussi accessible en ligne.
- ↑ Grohsgal, B. (2002, septembre). Seed-saving, Part 2: The tasks detailed ». Growing for Market, 11, 8.
- ↑ Morton, F. (2004). Evoluation and Breeding Brassicas. Dans C.R. Lawn (dir.), Restoring Our Seed: Ecological Seed Production and Crop Improvement by and for Organic Farmers. Restoring Our Seed Project. Aussi accessible en ligne.
