Étape 2 : Choisir une culture

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Guide amélioration génétique-Étape 2
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Le contenu qui suit est issu de :

Oeuvre originale : Rowen, W. et Connolly, B. (2011). Breeding Organic Vegetables : A Step-by-Step Guide for Growers. Elyzabeth Dyck, NOFA-NY.

Traduction : Lanctôt, J. (2022). Guide pour les fermes biologiques sur l’amélioration génétique des plantes maraîchères. L’initiative de la famille Bauta sur la sécurité des semences au Canada, un programme de Sème L’avenir.

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Il est conseillé de travailler avec des cultures que vous connaissez et que vous aimez. Par exemple, si vous sélectionnez des tomates pour leur saveur, il vaut mieux que vous aimiez les déguster! Vous pourriez devoir développer vos papilles gustatives à l’étape d’évaluation pour différencier une tomate d’une autre. Un bon sens de l’observation est aussi une compétence importante de l’amélioration des cultures. Connaître déjà les habitudes de croissance et les caractéristiques d’une culture sera très utile au moment de commencer un projet. Une autre bonne méthode consiste à choisir des cultures qui ont historiquement été cultivées dans votre région et qui peuvent offrir un bon rendement dans votre climat. Adapter une variété de mangue ou de banane pour qu’elle offre un bon rendement dans une région nordique n’est pas l’idéal pour un premier projet!

On trouve dans la région du Nord-Est une vaste gamme de cultures annuelles, bisannuelles ou vivaces qui poussent bien durant nos saisons froides. Vous pourriez par exemple sélectionner un melon pour qu’il arrive à maturité plus tôt, mais à condition de partir d’une semence convenant déjà à une saison plus courte.

Vous pouvez également choisir une culture qui n’a pas offert un bon rendement dans le passé. Le but est d’utiliser l’adaptation sélective et la sélection végétale pour améliorer vos cultures! Si les pressions liées aux maladies ou aux insectes nuisibles sont importantes dans vos champs, ces derniers pourraient être l’endroit idéal pour sélectionner des variétés qui résistent bien à ces problèmes. Dans le domaine de la sélection, on appelle ce genre de parcelles des « pépinières de maladies ». Les personnes qui souhaitent mettre leurs plants à l’essai trouvent celles-ci fort utiles. Il s’agit dans ce cas de se servir des pressions sélectives liées aux maladies pour produire une culture vigoureuse adaptée à vos conditions locales.

Voici un résumé des éléments à prendre en considération au moment de choisir votre culture.

Les habitudes de reproduction

Presque toutes les cultures de légumes, de fines herbes ou de céréales ont un cycle reproductif qui s’étend sur une ou deux saisons. Les annuelles produisent des semences en une saison et les bisannuelles en deux saisons.

Utilisez le tableau de Seed Savers Exchange en annexe pour identifier le cycle de reproduction des cultures qui vous intéresse. Il est habituellement plus difficile de travailler avec des bisannuelles dans le Nord-Est. La plupart de ces cultures doivent être déterrées, entreposées à l’intérieur durant l’hiver et remises en terre au printemps. Cela double l’échéancier du projet. Si vous êtes débutant, il est conseillé de commencer par une culture annuelle, puisque vous obtiendrez des résultats plus rapidement et que vous apprendrez beaucoup en moins de temps.

La pollinisation

Il est crucial de comprendre comment se pollinisent vos cultures. Cette information vous aidera à choisir les bonnes cultures en fonction de votre situation et à déterminer le meilleur schéma de sélection pour le type de culture choisi. Faire une sélection et sauver des semences de plants-mères supérieurs exigent deux approches complètement différentes pour les plants qui s'autopollinisent (autogames) et ceux qui se pollinisent par croisement (allogames). Comme l’a dit le sélectionneur John Navazio (Organic Seed Alliance) : « Nous avons beaucoup de mauvaises variétés à pollinisation libre parmi les allogames parce que les gens s’en sont occupés comme si elles étaient des autogames. » Vous pouvez donc éviter des générations de mauvaises sélections et de frustration en comprenant bien comment vos plants se pollinisent.

Les plants autoféconds

Un « autogame » (selfer) est un plant qui s'autopollinise pour produire des semences fertiles. Le plant comprend des parties mâles et femelles fonctionnelles dans une même fleur. C’est le cas par exemple des haricots ou des laitues. Souvent, les autogames vont s'autopolliniser avant même que la fleur ne s’ouvre. Plusieurs légumes et céréales sont autogames, ce qui veut dire qu’ils vont « automatiquement » s'autopolliniser en milliers de lignées pures (lignées uniformes sur le plan génétique) lorsque la mutation ou le croisement initial s’est produit. Comme l’explique Frank Morton (Wild Garden Seeds, Oregon), lorsqu’un plant autogame tombe sur une bonne combinaison de caractéristiques, il la garde.[1]

L’approvisionnement de semences peut venir d’une lignée pure ou de plusieurs lignées. Une variété de lignée pure est uniforme. C’est la progéniture d’un plant initial qui est multipliée pour obtenir des milliers de semences. Ces populations sont presque complètement uniformes et souvent offertes par les grandes entreprises de semences commerciales. Une sélection dans ce type de lignée a tendance à être inefficace, car il n’y aura pas assez de diversité génétique à partir de laquelle effectuer des sélections. Ces populations changent lentement au fil du temps et peuvent afficher de légères variations après une douzaine de générations, à la suite de mutations ou de croisements aléatoires.

Une population de plusieurs lignées est une collection de plants de lignée pure. Lorsque vous travaillez avec ce genre de population (souvent dans le cas de variétés patrimoniales), il est possible de faire une sélection efficace entre différentes lignées et d’observer des changements au fil du temps. Elles offrent suffisamment de diversité génétique à partir de laquelle travailler, malgré le faible taux de croisement entre elles.

Rappel : Les autogames peuvent se croiser

Une pollinisation croisée parmi des autogames supposés se produit plus souvent que prévu, surtout sur des fermes biologiques, où l’on trouve de nombreux habitats et fleurs mellifères pour les pollinisateurs. Certaines variétés de poivrons et de tomates peuvent avoir une « promiscuité » particulièrement grande et afficher des taux élevés de croisement éloigné. C’est le cas, par exemple, des variétés de tomates à feuilles de pomme de terre. Vous devez par conséquent isoler ces plants, car un seul croisement non voulu pourra faire dérailler votre projet.

Les plants à pollinisation croisée

Les plants à pollinisation croisée, aussi appelés « allogames » (crossers), sont des plants qui possèdent des fleurs conçues pour encourager un croisement éloigné avec d’autres plants. Il s’agit d’un mécanisme évolutif qui sert à éviter un croisement consanguin. La dépression due à la consanguinité (inbreeding) peut causer toutes sortes de problèmes, comme une perte de vigueur et une diminution du rendement. La stratégie évolutive d’un allogame est d’expérimenter et de se mêler à d’autres génotypes pour cacher des caractéristiques nuisibles et mieux s’adapter à son environnement.

Comme ces plants aiment la variabilité, il faut un effort particulier pour créer des lignées pures de ces espèces afin qu’elles deviennent des variétés stables. Contrairement aux autogames, les allogames ont un plant mère et un plant père différent. Leurs caractéristiques peuvent être aléatoires. Elles sont présentes une génération et non la suivante. C’est le résultat d’une ségrégation par transgression. Chaque fois qu’un plant se pollinise par croisement, ses gènes se remélangent, ce qui donne souvent lieu à des combinaisons imprévisibles pour les quelques générations qui suivront. John Navazio affirme que ce qui est le plus difficile dans la sélection végétale est de sélectionner une nouvelle variété à pollinisation libre (PL) à partir d’une culture à pollinisation croisée et ensuite de bien la maintenir pendant plusieurs générations. Pour une sélection efficace, vous devez non seulement déterminer le pollen qui est souhaitable et celui qui ne l’est pas, mais aussi veiller à ce que le bon pollen atteigne la source. Bon nombre de personnes qui pratiquent l’agriculture biologique ont une vaste gamme de plants dans leurs champs. Si le but est de sauver des semences d’un plant à pollinisation croisée, alors vous devez vous assurer qu’il est à une distance d’isolement suffisante des autres variétés de la même espèce. Consultez le tableau de Seed Savers Exchange en annexe pour des lignes directrices sur les distances d’isolation des cultures qui vous intéressent.

Les exigences en matière de taille de population pour des semences de qualité

Idéalement, vous voulez commencer votre projet avec un nombre de plants qui permettra de maintenir une bonne diversité génétique. Plus le nombre de plants est grand, plus vous aurez de chances de trouver les caractéristiques recherchées. Vous produirez ainsi des semences de plus grande qualité à long terme.

Voici la règle de base :

  • 60 à 80 plants pour les allogames
  • 20 à 30 plants pour les autogames

N’oubliez pas qu’il ne s’agit que d’une règle de base! Certaines cultures comme le maïs nécessitent beaucoup plus que 80 plants pour obtenir des semences vigoureuses. Visez au moins ce nombre minimum afin d’obtenir des résultats utilisables si votre lot ne peut pas accommoder un plus grand nombre de plants. Le tableau de Seed Savers Exchange en annexe inclut des recommandations sur le nombre minimum de plants pour chaque culture.

En tenant compte de la taille de la population, il se peut que la superficie de votre ferme ou de votre jardin détermine le choix des cultures pour votre projet. Par exemple, les plants de courges d’hiver exigent habituellement beaucoup d’espace. Plusieurs centaines de pieds d’espace de culture sont alors requis pour cultiver une population idéale de 60 à 80 plants. En contrepartie, il est possible de cultiver des centaines de plants de haricots dans un espace relativement petit.

De bonnes cultures pour les débutant·es

Il est préférable de commencer avec une culture autogame si vous faites vos premiers pas dans l’amélioration végétale. Dans l’ensemble, la génétique de ce genre de culture est plus simple et vous pourrez faire des progrès avec des populations de plus petite taille. Les autogames permettent en effet de faire des sélections dans des populations assez petites et de produire des semences de bonne qualité. Vous n’y arriverez pas à long terme avec les allogames. Souvent, la meilleure stratégie de sélection et d’amélioration des cultures consiste à maîtriser la pollinisation, et les autogames s’en occupent pour vous. Pour citer Carol Deppe (Fertile Valley Seeds, Oregon) : « ...lorsque nous choisissons un bon plant mère, il sera aussi le père. La sélection est très facile avec des plants autofécondés : il suffit de sauver les semences des meilleurs plants. »[2]

Voici des autogames qui conviennent bien aux personnes qui font leurs premiers pas dans le domaine de la sélection :

  • Tomates
  • Haricots et pois
  • Laitue

Si vous voulez vraiment travailler avec des cultures allogames, quelques-unes se prêtent bien à des projets de novices. Elles ne sont habituellement pas gravement affectées par la dépression de consanguinité (une perte de vigueur résultant d’une pollinisation entre un même plant parent), ce qui veut dire que la population n’a pas besoin d’être de très grande taille. De plus, certaines de ces cultures nécessitent peu d’espace, ce qui veut dire que vous pourrez cultiver une grande population.

Voici les meilleurs allogames pour commencer :

  • Courges d’été et concombres
  • Radis et verdures asiatiques (ex : bok choy, mizuna, roquette)


  1. Morton, F. (2004). Selfers. Dans CR Lawn (dir.), Restoring Our Seed : Ecological Seed Production and Crop Improvement by and for Organic Farmers. Restoring Our Seed Project. Aussi disponible en ligne.
  2. Deppe, C. (2000). Breed Your Own Vegetable Varieties : The Gardener’s and Farmer’s Guide to Plant Breeding and Seed Saving (2e éd.). Chelsea Green Publishing.

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