Profil d'un sélectionneur : Richard Favreau
Cas 2 : L'échalote Val-aux-Vents
Richard Favreau reproduit une variété d’échalote française qu’il a rebaptisé, après 15 ans de sélection, sous le nom de l’échalote Val-aux-Vents. Richard se rappelle d’avoir reçu les bulbes d’un ami en 1996, mais sans autre information sur leur provenance. Pour continuer à en produire, il s’est d’abord exercé à subdiviser les bulbes à la récolte et à en conserver un lot pour l’année suivante.
C’est au printemps, lorsque certaines échalotes délaissées dans le champs se mirent à monter en fleurs, que Richard s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une échalote de type Jersey, qui ont la particularité de pouvoir se reproduire sexuellement, une caractéristique qui les distingue des petites échalotes grises. C’est après une infestation de mildiou sur des bulbes asymptomatiques que Richard décida de délaisser progressivement la méthode de reproduction par clonage pour mettre l’accent sur la reproduction sexuée.
Richard avait observé à cette époque qu’il y avait dans son lot des échalotes de couleur jaune pâle et d’autres à ton rouge cuivré. S’agissait-il d’une même génétique ou de deux stocks qui avaient été cultivés ensemble et mélangés ? Nul ne sait… Il s’est référé aux remarques de ses clients, qui confondaient l’échalote jaune avec l’oignon à patate, pour axer sa sélection sur les individus plus pigmentés, qui présentaient aussi l’avantage d’être plus grosses et avaient moins tendance à se subdiviser. Après plusieurs générations de sélection négative, un ton rose cuivré a pu gagner l’ensemble du stock qui est rendu très uniforme et stable. Cette lignée est de plus en plus reconnue pour ses qualités culinaires exceptionnelles : tenue à la cuisson, taux de sucre et arômes bien distinct de ceux de l’oignon. La demande pour des semences croît à chaque année.
Ces dernières années, Richard s’est consacré à perfectionner sa méthode de production de semences. Après des essais sur sa ferme et chez Étienne Goyer, dans la Baie-des-Chaleurs, il fut insatisfait par la vigueur et le rendement de sa lignée relativement aux témoins hybrides. En utilisant différentes pratiques de culture et de tri, et en mesurant les rendements, Richard a été en mesure de réduire cet écart de rendement. Entre autres, les méthodes de flottaison et de tamisage plus sévères ont permis d’éliminer les semences trop petites et d’isoler des lots destinés à la reproduction. En conséquence, la germination et la vigueur se sont améliorées rapidement, tout en conservant la qualité recherchée dans le produit.
Il était possible d’obtenir de la semence viable de la culture en plein champ mais la culture en tunnel a donné des résultats nettement supérieurs, tant en quantité qu’en qualité (calibre et taux de germination). Parallèlement, la sélection de plus gros bulbes porte-graines a aussi permis des gains appréciables.
Richard est devenu de plus en plus confiant dans sa lignée de semences. Il a entrepris de documenter son itinéraire de production aux fins d’échanges avec d’autres semenciers d’allium. Il distribue ses semences d’échalote plus largement en vendant directement des lots à des maraîchers québécois, poursuit sa collaboration avec la Société des plantes pour les petits lots, et a commencé à approvisionner de semences souches un important distributeur de semences aux États-Unis. La participation à l’atelier sur les semences lors de la rencontre de NOFA-NY (2021), à l’invitation de Sème l’Avenir, a été un point crucial déclenchant la réalisation d’essais avec ce semencier américain, qui a résolu d’offrir les semences d’échalote Val-aux-Vents à sa clientèle à compter de 2023.